À Cali, en Colombie, c'est dans la rue que ça se passe. Partout. Toute la journée. Pas un trottoir, pas une place, pas un square sans son stand de lacets, son cireur de chaussures ou son vendeur de lait de coco. Délirant ! Je n'avais pas vu telle effervescence depuis Khartoum, au Soudan. En mettant le pied en ville, je savais immédiatement que j'allais traîner ici plus longtemps que prévu...

Rien que pour errer sans but, mon sport favori.Mais ce que je préfère à Cali, ce sont les fruits. Oui, les fruits ! Un délice... Tellement bons qu'on a envie de se caresser avec (une vieille bêtise de N'ajustez pas votre sécheuse diffusé sur YouTube : tapez «Bruno Blanchet et Tim Hortons» dans l'outil de recherche de YouTube.).

Je le souligne, car j'ai rarement été confronté à une telle variété, dans le monde entier. Au marché, je ne sais plus où donner de la tête. Et quand je me mets au lit, j'ai déjà hâte au réveil. Parce que je me prépare de ces petits-déjeuners ensoleillés à la terrasse du resto, sur le toit de l'hôtel, dont vous seriez jaloux !

Avec du melon vert comme un feu de circulation, de la mangue rouge pompier, du fruit de cactus à pois, de la tomate jaune sucrée, de la papaye couleur soleil d'enfant, des avocats à la chair si onctueuse et si riche qu'on dirait du beurre.

Paola et Lionel, les serveurs, rient de me voir débarquer avec mon sac de victuailles tous les matins. Chaque jour, j'apporte un nouveau fruit, et toujours, je leur pose la même question :

«Celui-ci, est-ce que je croque dedans ?»

Avec leur aide, j'ai inscrit tous les noms des fruits et noté leurs saisons sur un papier, pour ne pas les oublier.

J'ai oublié le papier.

Cela dit, Paola et Lionel ont vraiment été chic avec moi.

Lorsque je suis débarqué, excité comme un enfant à Marineland, et que je leur ai raconté que j'avais rencontré un jeune homme sympathique dans l'autobus entre Popayan (une jolie ville toute blanche pleine de militaires) et Cali qui proposait de me faire visiter le Cali underground, ils ont éclaté de rire.

«Pas une bonne idée, Bruno.

- Ah non ? Et pourquoi donc ? Il est gentil. Il est étudiant en orthodontie.

- T'as vu ses livres ?

- Euh, non... Mais il portait des broches.»

C'est chaud, Cali. On m'avait prévenu. Chaud dans tous les sens. À cause des narcotrafiquants. En moyenne, cinq meurtres par jour. Et des kidnappings, des rapts, des enlèvements... Tous des synonymes, je sais, mais ici, on n'en met jamais assez !

«Vaut mieux sortir avec des gens à qui tu fais confiance, Bruno.

- D'accord... Je vous invite ?»

Enchantés, ils ont décidé de l'endroit et de l'activité. Le samedi suivant, nous nous sommes rendus au centre commercial de Chipichape, à seulement 15 minutes en taxi du centre, et pourtant... J'ai vite constaté que mes amis n'appartenaient plus à ce monde ! Dans ce mall pseudo-bourgeois, tout le monde, il était blanc. Blanc comme neige. Blond, châtain, et roux, même. Mes amis, je le réalisais, étaient du groupe des «foncés». De ceux qui ne viennent pas souvent dans ce coin de la ville.

Elle me semble abruptement divisée, la Colombie.

Au cinéma, ils ont choisi d'aller voir Avatar. En 3D. Déjà, dans le centre commercial, ils étaient sur une autre planète... Alors, vous devinez leur tête hébétée en sortant de la salle. À hurler !

J'étais ravi du succès de la soirée.

Cela dit, avertissement d'ami : au cinéma, les Colombiens répondent au cellulaire. Et ils décrivent l'action à l'écran, et ils s'exclament très fort : «You wiiii ! You hou ! Ou la la !»

Pour Avatar ça passe, parce que t'es comme dans un manège. Mais c'est pas le meilleur endroit pour aller voir Le ruban blanc.

Puis nous sommes sortis sur la 6e Avenue, « la calle de la fiesta », où les bars et les terrasses sont toujours bondés de fêtards. Et comme s'il n'y avait pas assez d'ambiance, entre 21 h et 2 h du matin, le boulevard est arpenté par... des discothèques ambulantes. Je vous jure ! Ce sont les Chivas Rumberas, des autobus à plateforme, sans fenêtres, dans lesquels on danse et on boit. Quelqu'un devrait en jaser à Régis, ça serait cool sur Grande-Allée.

Bref, on s'est assis sur le trottoir et on a mangé des brochettes de poulet, servies avec un petit tas de pain mou et sans goût, l'arepa «sin sal» (sans sel), qui rappelle drôlement l'ugali, du Kenya, cette ennuyeuse pâte de maïs qu'on vous sert là-bas à toutes les sauces. Le monde est petit.

Finalement, on est allés danser la cumbia, dans un bar où, manifestement, le sein refait et spectaculaire était très à la mode.

«Pourquoi ?

- C'est un héritage des narcotrafiquants... Ils aiment leurs filles bien gonflées.

- Je vois.»

À côté de nous, buvaient quatre jeunes femmes qui devaient bien porter l'équivalent de mon poids en poitrine. Troublant... Je ne ne ne n'avais jamais vu autant de de mamamamelles autour d'une seule tatable.

Mais, ce que je préfère à Cali, ce sont les fruits.

Maintenant, partons à l'assaut de Medellin.

Photo: Bruno Blanchet , collaboration spéciale

Dans les rues de Cali... pas un trottoir, pas une place, pas un square sans son stand de lacets, son cireur de chaussures ou son vendeur de lait de coco.