En route pour la Colombie, deuxième escale : Panamá. Je ne devais y rester que quelques heures, mais j'ai réussi à étirer mon séjour de trois jours, grâce à la gentille dame de Copa Airlines.

Excellente décision : un autre coup de coeur ! Panamá, la capitale, est attrayante. Diversifiée. Colorée. Il faut y aller rien que pour voir les femmes de l'ethnie Kuna se balader au centre-ville en costume traditionnel. Elles sont tellement mignonnes ! On les dirait toutes fabriquées dans le même moule. Hautes comme trois pommes, elles ont un visage plat et un très long nez, au bout duquel elles portent un piercing, style «taureau», avec des boules en or au lieu d'un anneau. Avec leurs ravissants plastrons colorés (les molas), leurs perles aux avant-bras et autour des mollets, ces femmes ajoutent une dimension culturelle étonnante à la capitale.

Et on a vraiment envie d'aller les visiter.

Puis, la vieille ville est chouette. Tout comme la visite du fameux canal de Panamá, à 15 minutes de la ville. D'accord, ce n'est qu'un système d'écluses, comme on en trouve à la maison, avec des navires qui montent et redescendent. Mais le musée sur place est fort intéressant. Et le canal de Panamá demeure un des plus grands chantiers de l'histoire de l'humanité.

C'est pas de la schnoutte, mon Roger.

Au point de vue personnel, me replonger dans l'espagnol était aussi une joie... Si, señor ! Y'a rien comme un café negro et un retentissant «hola !» le matin. Depuis le temps, j'avais oublié que zorro signifiait renard. Que lindo signifiait joli.

Et qu'au féminin, jolie, c'était linda.

Finalement, ce fut mes grandes retrouvailles avec les «backpackers» ! Party !!!!

J'avais presque réussi à effacer de mes souvenirs la joie de dormir dans un dortoir et de me faire réveiller à 4 h du matin par un bloke complètement saoul qui pisse dans la poubelle au pied de mon lit...

«Hey ! Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je pisse.

- T'es donc ben dégoûtant !

- Tu peux ben parler, vieux cochon... Sors de la toilette !»

***

Il existe encore des endroits sur Terre qui font vraiment peur, et rien que de les évoquer donne froid dans le dos.

«Maman, je pars pour la Colombie.

- Oh, mon Dieu ! Fais attention !

- OK. À quoi ?

- Un Américain s'est fait kidnapper récemment, à Bogotá.

- Et Kevin Parent s'est fait tabasser à Québec.

- Fais attention quand même.»

Quand je parle à mes parents, je joue un peu au dur, et je ne leur révèle jamais que, en vérité, je prends des précautions exceptionnelles... Nous vivons à une époque dangereuse ! Rassure-toi, maman, je ne dors que d'un oeil, avec une machette sous l'oreiller ; j'ai acheté un système d'alarme pour mon sac à dos, qui déclenche un gicleur de poivre de Cayenne et une sirène de bateau ; et je me suis fait tatouer une tête de mort sur le bras, pour faire croire aux méchants que je suis de leur bord. Cette semaine, j'ai consulté tous les guides. Lu tous les avertissements. Mémorisé tous les conseils.

«Ne pas utiliser de guichet automatique dans la rue en Colombie.»

«Ne pas utiliser d'arme automatique dans la rue en Colombie.»

«Ne jamais s'habiller en kaki (car un guérillero pourrait vous prendre pour un soldat et vice-versa).»

«Ne pas marcher la nuit : toujours prendre un taxi.»

«Ne pas faire confiance aux chauffeurs de taxi.»

Et le dernier, mon préféré :

«Ne pas avoir l'air d'avoir peur.»

Je sors des douanes, en retroussant ma manche sur mon biceps. De l'autre côté, personne ne m'attend. Solo, le Bruno. Devant l'aéroport El Dorado, au comptoir officiel des taxis, on m'assigne une voiture et on me donne tout de suite le prix de la course. Dix dollars US. «Flat rate.» Pas de mauvaise surprise de ce côté, c'est un bon départ.

Par contre, la circulation est infernale en direction de la ville. Pare-chocs à pare-chocs, dans les deux directions. (Note à moi-même : prévoir le coup en revenant à l'aéroport.)

«C'est la construction d'une voie réservée aux autobus. Ça dure depuis un an.

- Pour éviter la congestion ?

- Ouais, belle ironie.»

Le chauffeur était quand même de bonne humeur. On a jasé du Canada, où il a de la famille.

«À Winnipeg. C'est plus joli qu'ici. Muy linda.

- Vous trouvez ?»

Wow. Les nuits vont être longues.

Au bout d'une heure, on est arrivés au centre-ville.

C'était vendredi, et la grande rue des magasins, la Calle 7, l'équivalent de notre Sainte-Catherine, était fermée à la circulation. Les voitures avaient cédé la place aux familles, aux jeunes couples et aux amuseurs publics.

Tiens, on s'amuse, ici ?

Des clowns sur des échasses, des joueurs de flûte de pan, des enfants qui courent dans tous les sens, des mimes et un nain sous un sombrero, devant un haut-parleur plus gros que lui, qui chante La bamba...

C'est cela aussi, Bogotá.

 

Photo: Bruno Blanchet, collaboration spéciale

Le canal de Panamá demeure un des plus grands chantiers de l'histoire de l'humanité.