Saviez-vous que, pour cuire un scorpion, on le jette vivant dans le feu? Comme le homard! Je l'ignorais moi-même, jusqu'à ce que mon hôte de la tribu Khmu extirpe la frétillante bestiole du pot de plastique et la balance sur la braise.

«Vous ne tuez pas le scorpion?

- Il va mourir de toute façon!»

Bien entendu. Sauf que le scorpion, lui, il ne sait pas qu'il doit rester sur la bûche et griller vif pour le régal des Laotiens. Et curieusement, le scorpion essaye de se sauver lorsqu'il est jeté au feu...

Ça aussi, je l'ai appris en direct. Assis juste à côté du feu.

Quel beau métier je fais.

* * * * *

Le souvenir de mon dernier séjour au Laos, une quinzaine de jours coincés entre mes nuits folles à Bangkok et mes pérégrinations laborieuses en Chine, était celui d'un passage à plat dans un pays trop tranquille, voire quasiment ennuyeux.

À l'époque, je n'avais pas fait mention de mon déplaisir parce que à peu près tous les routards rencontrés en Asie ne cessaient de me répéter à quel point le Laos était génial.

Un champ, un champ, une rizière, un champ, une montagne, un champ, une rizière, un village de pauvres, un champ, un champ, un autre champ... Génial?

Quand on prend le temps de s'y arrêter, si!

La preuve: je n'ai pas seulement mangé du scorpion, j'ai aussi bouffé de l'araignée. Et de la fourmi rouge. Et de la termite. Et j'ai bu du whisky lao avec un scolopendre venimeux dedans. Avec des inconnus, j'ai dansé. Dans une rizière, j'ai manipulé la charrue. Derrière le buffle. Comme nos ancêtres. Comme les Laotiens d'aujourd'hui. Un buffle super fort, qui ne comprenait pas très bien le québécois. Du moins, pas le «Wôw, tabarnak!» que je criais à pleins poumons, en position de ski nautique.

Puis j'ai cueilli les pousses de riz, et je les ai repiquées, les deux pieds dans la vase jusqu'aux genoux. Malhabile, je les ai fait rire, les riziculteurs. Mais ils n'auraient jamais pu compter sur moi pour les nourrir... Mes pousses étaient toutes plantées de travers et vouées à une mort certaine. Quel ouvrage pénible!

Alors, le riz dans mon assiette, je vais l'apprécier, à l'avenir. Et le travail des riziculteurs, je le vénère, dès maintenant! Moi, le fermier du dimanche, l'incapable, le ridiculteur... Mais je ne désespère pas: un jour, tiens, je deviendrai ministre de la ridiculture ! Et je proposerai aussitôt un truc: la journée où tout le monde échange son job.

Le policier derrière le comptoir au Dunkin Donuts. Le boss à la réception. Le screw en prison. Et je proposerai aussi la Journée officielle où tu peux envoyer paître ton patron. Ou lui dire que tu l'aimes. À ta discrétion. Comme à ma première année de cégep, quand le conseil étudiant avait organisé la journée «Pomme et citron». Un concept hyper simple et très efficace: une pomme, c'est bon, un citron, c'est non. Le tout réalisé de manière complètement sécuritaire: tu arrives tôt et tu déposes ton fruit sur le bureau du prof. Brillant? Mets-en! J'étais en «technique d'assainissement des eaux» à Saint-Laurent (j'ai finalement obtenu mon DEC en «poker dans la grande salle»). Au cours de dessin graphique, le professeur, un petit tyran, en arrivant dans la classe, avait trouvé son bureau couvert de citrons. Non pas 19 citrons, comme le nombre d'étudiants de son groupe : au moins 60. Et pour la première fois, tous les étudiants étaient présents et à l'heure. Rien que pour voir sa tête.

Il avait perdu son air arrogant et affichait une mine bien triste, notre infortuné prof. Mais, devant l'échec, il n'a pas perdu la face. Posé, très humble, il a demandé: «Personne n'a une pomme? Une seule? Ça me consolerait...»

Un grand sans-dessein, assis au fond de la classe, a levé la main et, sur un ton badin, a répondu: «Moi, j'en ai une, monsieur le professeur!

- Ah oui?! Lance-la moi!»

En disant cela, le prof s'est installé comme un receveur de baseball. Erreur. Le grand sans-dessein s'est élancé et lui a envoyé la pomme comme une balle de baseball. Un beau tir, rapide et précis.

Une prise.

La pomme a passé entre les mains du pauvre prof et lui a éclaté en plein front.

Poc!

Le prof a vacillé un peu, s'est appuyé sur son bureau et s'est mis à saigner du nez.

Hostie qu'on a ri.

Bref, votez pour moi.* * * * *

Boris a écrit:

«Salut papa, j'ai fait le tour des bars et des restos de Perth avec mon C.V., pas encore de job, et j'ai plus trop d'argent, mais inquiète-toi pas! Je peux me faire à bouffer à l'auberge, et au dépanneur ils vendent des nouilles Ramen. Vas-tu venir me voir bientôt?

Ton fils Boris qui va peut-être finir par manger du kangourou. xoxoxox