J'aimerais aujourd'hui effectuer un petit retour en arrière, pour pouvoir mieux repartir... Vous me suivez?

Dans le désert du Sahara, où nous étions il y a trois semaines, on nourrit de multiples craintes : la peur de manquer d'eau, la peur de se perdre, de se faire mordre par un serpent, de poser le pied sur un scorpion ou de se faire enlever par des kidnappeurs, pour ne citer que cinq exemples. Chez des nomades du désert rencontrés par hasard, qui nous avaient invités à boire un thé à la toute fin de notre périple, mes craintes s'étaient quelque peu dissipées, au contact de ces gens simples, qui survivent avec aise dans cet environnement inhospitalier. Le thé était délicieux et l'accueil, chaleureux.  

Au moment de notre départ, alors que nous allions enfourcher nos montures, la dame de la maison s'est précipitée en notre direction, paniquée. Elle avait oublié de nous servir un bol de lait de chèvre, une tradition essentielle dans l'accueil d'étrangers de passage!

 

Polis, nous nous sommes accroupis, devant la tente, pour boire le lait frais, à même un grand bol de bois. Des grumeaux suspects flottaient sur le liquide beige.

 

«Je vais boire le lait, et ça va être dégueulasse», que je me suis dit, en éternel optimiste que je suis. Comprenez, tout allait trop bien, il fallait bien qu'il y ait un os quelque part!

 

Mais c'était exquis... Doux, tiède, légèrement sur et sucré à la fois. C'est alors qu'une bande de chevreaux tout mignons nous ont encerclés! L'odeur du lait semblait les attirer. Bêêêê! Bêêêê! Ils étaient surexcités! C'était tellement cuuuute! Un joli petit gris avec une barbichette noire, plus rapide que les autres, a profité d'un moment de distraction de ma part pour s'enfouir la tête entre mes cuisses et se mettre en quête d'un pis.

 

Il en a trouvé un.

 

Je ne sais pas si vous savez, mais ça pince en sacr...

 

Tout ça pour dire que le danger ne vient pas toujours de la manière, ni d'où on l'attend.

Pourquoi je vous parle de cela maintenant ?

 

Parce que mon arrivée au Sénégal m'avait un peu ébranlé, comme vous avez pu le lire précédemment, et que je ne voyais pas d'un bon oeil la suite des événements, surtout après l'étape de Dakar, la «pas reposante» ... Je n'étais pas du tout convaincu de leur concept de la «teranga», ou hospitalité traditionnelle sénégalaise, telle que promise dans les guides de voyage.

 

Heureusement, encore une fois, j'avais tout faux!

 

Pouvez-vous imaginer les habitants d'un village entier qui vous reçoivent les bras ouverts et qui organisent pour vous... un gala de lutte? Pouvez-vous imaginer votre sommeil porté par un arbre vieux de 2000 ans, un baobab qui a vu la naissance du Christ, qui a survécu aux folies de l'homme moderne et à La Poune? Pouvez-vous imaginer partager le repas d'une famille, que vous ne connaissez ni d'Ève ni d'Adam, et qui vous a invité parce que vous étiez devant sa maison, en train de photographier sa poule?

 

Vous le pouvez, ici, au Sénégal.

 

Et vous pouvez rêver à bien plus encore.

 

Jean-Pierre et Sylvie étaient deux tripeux de France qui s'étaient mis en tête de bâtir un «lodge» en bordure d'un des nombreux chenaux d'eau salée (bolong) du delta du Siné Saloum.

 

Ils ont tout laissé, sont débarqués à Palmarin et ont construit le Lodge des collines de Niassam.

 

Huit ans plus tard, ils emploient des dizaines de gens du coin, en aident d'autres à démarrer des entreprises connexes avec l'aide d'un microcrédit, sont autonomes en énergie grâce à des panneaux solaires et une éolienne, et sont parfaitement intégrés à la région et à la culture.

 

Et moi, en l'espace de trois jours, je suis passé d'un pays hostile à une terre d'accueil. C'est rassurant, non?

 

Il y a des histoires qui finissent bien, en Afrique aussi.

 

Enfin, presque bien, dans mon cas.

 

Mon fils Boris a écrit : «C'est décidé, je pars pour l'Australie, papa. Je veux essayer de me refaire une vie, loin du Canada... Quand est-ce que tu reviens me chercher au Kenya ?»

 

Bruno a écrit : «J'arrive la semaine prochaine mon garçon. On en reparlera.»

Puis, inquiet comme un père peut l'être à l'annonce que son fils s'en va au bout du monde avec 22 $ dans ses poches pour repartir à zéro et ne sachant à qui demander conseil, je me suis confié à notre coloré G.O., celui qui trouve toujours les mots pour me rassurer...

 

«Bruno, réjouis-toi!»

 

Il riait. Et il m'a dit :

«Souviens-toi toujours de ceci : que celui qui n'a pas traversé ne se moque pas de celui qui s'est noyé »

 

Wow. Merci, mon ami. Mais je cherche encore le message positif là-dedans! Si vous le trouvez, vous me faites signe?