Le parc Forillon profite du 40e anniversaire de sa création pour tendre la main aux familles expropriées qui ont dû abandonner leur maison et leur terre afin de permettre la création de ce territoire protégé. Dans une nouvelle exposition permanente, le parc reconnaîtra, pour la première fois de son histoire, le sacrifice des expropriés en leur rendant hommage.

«C'est le début d'une réconciliation», se réjouit Marie Rochefort, porte-parole du Comité provisoire des personnes expropriées. Rappelons que 225 familles ont été sauvagement chassées de leur terre afin de créer ce bijou touristique de la Gaspésie, tout en obtenant une compensation financière dérisoire. La grogne soulevée par ces événements, qu'un juge a qualifiés à l'époque de «déportation», persiste encore chez les gens de Gaspé.

Depuis ce temps, les expropriés réclamaient une reconnaissance officielle de cette page douloureuse dans l'histoire du parc. «Dans la vallée où ma famille habitait, il existe actuellement deux panneaux d'interprétation: un sur la géomorphologie, l'autre sur les Amérindiens. Aucun mot sur le fait que des familles résidaient autrefois ici et qu'elles ont été forcées de quitter leur terre», déplore Mme Rochefort, fille d'expropriés.

Cet été, le parc répond finalement à cette demande de reconnaissance. Le 21 août, on inaugurera l'exposition Ces Gaspésiens du bout du monde, à la maison Dolbel-Roberts, située dans le secteur historique de Grande-Grave. Culture, histoire et patrimoine bâti des dernières familles de la pointe de Forillon, qui étaient d'origines multiples (française, écossaise, américaine et jersiaise), seront les thèmes abordés dans cette nouvelle exposition, qui a été conçue avec la participation de personnes expropriées.

Selon le directeur du parc, Stéphane Marchand, une tentative de rapprochement entre les deux parties était désormais inévitable. En 2005, quand je suis entré en poste, les expropriations étaient encore un sujet d'actualité, ce qui me paraissait incroyable 35 ans après les faits. Il est clair qu'il fallait faire la paix avec le passé pour penser à l'avenir », dit-il.    

Ce rapprochement entre le parc et les expropriés ne fait cependant pas l'affaire de tout le monde. Marie Rochefort admet que les membres du Comité provisoire des personnes expropriées se font traiter régulièrement de «collabos» par des expropriés amers. «Beaucoup d'entre eux refusent carrément de mettre les pieds dans le parc», raconte-t-elle.

Coïncidence? Ce rapprochement survient au moment même où ce parc fédéral, situé à l'extrême est de la péninsule gaspésienne, connaît une baisse de popularité. Depuis une décennie, son affluence plafonne ou diminue, alors qu'au parc national de la Gaspésie, que gère la SEPAQ, la croissance continue. «Le parc veut se servir de cette réconciliation pour redorer son image, en plus d'ajouter un volet historique à son offre récréotouristique, surtout axée sur les richesses naturelles du territoire», analyse Mme Rochefort.

Malgré la porte ouverte par Parcs Canada, les expropriés réclament toujours des excuses officielles des gouvernements fédéral et provincial, en plus d'exiger un passeport pour les expropriés et leurs descendants, ce qui leur donnerait l'accès gratuit au parc, terre de leurs ancêtres.

D'autres activités soulignent le 40e anniversaire du parc. Un spectacle de musique indienne se déroulera le 15 août à 5 h du matin à Cap-Bon-Ami, face à un paysage enchanteur. Une activité grandeur nature aura lieu les 18 et 19 septembre dans le secteur de Grande-Grave. Des personnages costumés vont alors recréer l'ambiance d'un village de pêcheurs du début du XXe siècle. Il s'agit de la première activité du genre à Forillon.

Pour plus d'information:

www.pc.gc.ca/forillon