Jeudi

Jeudi

7h

En voiture!

Nous arrivons à la gare du Rocky Mountaineer, située dans un secteur industriel derrière la gare principale de Vancouver. Le spectacle nous réveille d'un coup: les hauts plafonds de verre de la gare construite spécialement pour la compagnie sont impressionnants. De petits groupes de chanteurs entonnent des chants folkloriques. La magie du réveil dans une foule rend fantasmagoriques les conversations des voyageurs aux yeux de ma fille Jeanne, qui a 9 ans. Enregistrement sans problème. Nous n'aurons pas à nous soucier de nos valises jusqu'à la toute fin de notre périple, le lendemain, après le voyage de Banff à Calgary en autocar.

8h Ă  9h

Oeufs Ă  gogo

À peine partis, mimosa mousseux et jus d'orange. Puis on annonce le premier service du repas, à l'étage du wagon-duplex de la première classe. Le service est impeccable, très «canadian». Notre serveur, Amédée, est un francophone d'un certain âge, qui met un point d'honneur à nous servir en français (tout le personnel a fait un effort pour parler à ma petite Jeanne unilingue, sauf le responsable du wagon des enfants). Les plats sont classiques - omelette au saumon fumé, oeufs bénédictine - mais très honnêtes.

10h

Le long du Fraser

Nos serveurs sont aussi des animateurs. Ils nous font part des légendes locales et expliquent en détail les méandres du fleuve Fraser, que le train suit une bonne partie de la journée. De temps à autre, on voit des affaissements de terrain qui obligent les trains à abandonner l'une des deux voies qui bordent le fleuve pour partager l'autre. Les paysages sont immenses. Probablement autant qu'au Québec. Mais ici le train est vraiment à deux pas de l'eau encaissée dans la vallée. Pour que les longues heures du voyage s'écoulent agréablement, on sert l'apéritif dès 10h (le premier jour, à cause d'un retard inhabituel de trois heures, des touristes britanniques ont écoulé toute la réserve de Kokanee, une bière locale de Colombie-Britannique). Les repas du midi et du soir sont aussi bons que celui du matin, avec entre autres un succulent ragoût de lapin.

18h Ă  23h

Kamloops

Si on n'a pas de retard, on peut passer une soirée «typique» à Kamloops (la compagnie assure que les retards de plus d'une heure sont très rares). Le programme de la soirée comprend une comédie musicale mettant en vedette des personnages «canadiens» comme des bûcherons et un repas-buffet. Le tout dans une ville plus étendue que Manhattan, mais avec 15 fois moins d'habitants. On est au coeur du «Reform BC», la portion de la Colombie-Britannique qui a contribué à remodeler la droite au Canada. Comme nous sommes arrivés en retard, nous n'avons pas vu le spectacle, mais nous avons pu nous baigner dans la piscine «tropicale» du Best Western, dont le buffet était très honnête, compte tenu de l'heure tardive de notre arrivée (22h).

Vendredi

6h30

Les neiges Ă©ternelles Ă  l'aube

L'autobus est parti de l'hôtel peu après 6h. Le train quitte la gare à 6h 30, afin de profiter au maximum de la lumière du jour pour la portion la plus intéressante de la traversée des Rocheuses. L'aube nous surprend à un moment magique, là où les sommets commencent à avoir des neiges éternelles. Le spectacle féerique donne tout son sens à l'épopée de la traversée des montagnes par les arpenteurs des sociétés ferroviaires, dans les années 1870: ils devaient probablement se pincer pour ne pas avoir l'impression d'être en Europe dans les Alpes. Jeanne se découvre une passion pour les trains. Elle aime particulièrement le All Aboard/En voiture bilingue.

10h

La naissance du Canada

Au fil des kilomètres, on prend conscience de l'importance cruciale des montagnes dans l'histoire du pays. Elle n'a pas commencé avec la menace «Vous allez perdre vos Rocheuses» du référendum de 1980. La fin des travaux d'un chemin de fer est-ouest était la condition sine qua non à l'adhésion de la Colombie-Britannique au Canada, en 1871. Partout où on pose les yeux, on ne voit que pics et falaises: où vaut-il mieux passer? Sans l'aide d'un satellite ou d'un avion, je ne vois pas comment j'aurais pris ce type de décision. L'hiver, la blancheur éclatante des versants offre un contraste vif avec l'épaisseur inquiétante des stalactites de plusieurs mètres qui descendent le long des galeries à demi ouvertes protégeant les trains des avalanches. Jeanne prend des photos à tout bout de champ. Mais arrivés à Montréal, nous découvrons que les petites taches presque invisibles sur la fenêtre sont très visibles en photo. Il aurait mieux valu braver le froid sur la plateforme extérieure...

16h

L'ivresse de l'altitude

Avant d'entrer dans les «tunnels en spirale», les serveurs-animateurs avertissent qu'il vaut mieux ne pas sortir pendant les prochaines minutes. On se trouve au coeur des grandes montagnes des Rocheuses, et le monoxyde de carbone et autres émissions polluantes de la locomotive peuvent tuer un cheval. Pour gravir les dernières pentes avant Banff, le train doit tourner sur lui-même en colimaçon. Les longues minutes dans le noir semblent irréelles et donnent la mesure de l'exploit ferroviaire que constitue le franchissement des Rocheuses. Jeanne est très intéressée par les explications des serveurs au micro (je dois tout traduire). Outre les tunnels en spirale, elle a particulièrement aimé l'histoire d'une chapelle délabrée située à deux pas de la voie ferrée, qui ne tient que grâce à des poteaux accotés à ses murs, mais qui ne peut pas être démolie parce qu'elle abrite une espèce rare de chauve-souris.

19h30

Olé-olé en montagne

Ce n'est pas la gastronomie de Chamonix ou le luxe de Saint-Moritz. Mais Banff, tout comme Jasper, une autre destination du Rocky Mountaineer, a un charme indéniable. Des terrasses avec des vues imprenables, tout d'abord. Et un sentiment de petit village privilégié (avec même une librairie très respectable). Ajoutez les nombreux restaurants coréens et japonais établis pour accommoder les touristes japonais, et vous aurez une escale d'un soir inoubliable. Si on ne veut pas s'arrêter à Banff, un autocar nous amène directement à Calgary le soir même. Jeanne, épuisée par les 30 heures de train, s'est endormie avant même que l'autocar n'entame son trajet de deux heures.

Le Rocky Mountaineer roule du printemps à l'automne, et pendant deux semaines à Noël. Il n'y a de wagon pour enfants que pendant la période des Fêtes ; à cette occasion, les wagons reçoivent aussi la visite du père Noël. Les tarifs vont de 1300$ à 1900$ en première classe, et de 600$ à 1000$ en deuxième classe.

Les frais de ce voyage ont été payés par Rocky Mountaineer.