Jour 1

Jour 1

11h

Place du Marché

Quelques minutes d'une agréable marche séparent la gare Dampoort du Gent River Hotel, qui occupe au bord de la Lys deux bâtiments anciens (une maison datant de 1518 et une ancienne filature de coton). Dans ma chambre, on a conservé les murs de briques, percés d'une énorme pièce d'engrenage. Spectaculaire! L'hôtel, le seul accessible par voie d'eau, se trouve à quelques pas du Vrijtagsmarkt («marché du vendredi»), vaste place fort animée bordée de cafés où différents marchés - denrées fraîches, vêtements neufs, oiseaux - s'installent régulièrement, et pas seulement le vendredi.

Aujourd'hui, c'est marché de neuf sur la place. Un accordéoniste pousse la ritournelle devant le café où j'essaie de mettre à profit mes quelques notions de flamand pour commander. Gand, qui a été francophone jusqu'à récemment, est maintenant à majorité flamande. Mais comme partout, les jeunes apprennent plus volontiers l'anglais - au demeurant beaucoup plus proche du flamand que le français. J'en serai quitte pour commander dans la langue de Shakespeare puisque, manifestement, mon flamand n'est pas encore tout à fait au point.

13h

Délices pour les yeux

Cap sur le beffroi, au coeur de la vieille ville, dont les rues si jolies sont depuis peu fermées aux automobiles. Un ascenseur conduit au sommet, qui donne vue sur la cathédrale de Saint-Bavon et le Grand Théâtre. Leur splendeur illustre bien le riche passé commercial de Gand. On redescend par un escalier en colimaçon jusqu'à la place, où une expo souligne les 50 ans des Schtroumpfs. Franchement, à côté des 1100 ans d'histoire de la cathédrale, ils ne font pas le poids... D'autant moins qu'à l'intérieur se trouve LE chef-d'oeuvre absolu de l'art primitif flamand: L'adoration de l'agneau mystique, achevé en 1432 par les frères Van Eyck. Bien qu'on soit complètement hors saison, une foule se presse silencieusement devant les huit panneaux de l'oeuvre, splendide il est vrai. C'est l'adoration de

L'adoration!

Dans la nef elle-même, où trône une chaire spectaculaire, le froid glacial me remplit de compassion pour les pauvres fidèles qui y grelottaient pendant des heures. Mais j'oublie tout devant La conversion de Saint Bavon, une immense toile de Rubens, comme toujours lyrique, emportée, éclatante de couleurs. Une pure merveille.

Après toute cette sainteté, un peu de lèche-vitrines, peut-être? La rue Langemunt, agréable voie piétonne, est bordée de boutiques intéressantes. Elle débouche rue des Meerseniers, où crèchent quelques créateurs de mode fort originaux.

À un quai, quelques touristes montent en barque pour une promenade sur les canaux. Comment résister? Il pleut (climat belge!), mais on fournit les parapluies... La balade dure un peu moins d'une heure et révèle des points de vue que la marche ne permet pas. Nous passons sous le pont des Décapités, où l'on peut voir la niche dans laquelle les condamnés passaient leur dernière nuit. Brrr! Puis apparaît le château des Comtes, féerique, dont les longs rideaux de lierre et les hauts murs crénelés offrent un spectacle surréaliste. En pleine ville, c'est magique! Un peu plus loin, entre le Graslei (quai aux herbes) et le Kornlei (quai aux grains) se déploie sans doute le plus joli coup d'oeil de Gand - certains disent même d'Europe. C'est la partie la plus ancienne de la ville, là où s'étendait le port autrefois, et les splendides façades gothiques ou Renaissance disent assez la puissance des guildes qu'elles abritaient: compteurs de grain, marins...

19h

Délice pour le palais

J'ai hâte de goûter au waterzooï, spécialité gantoise. Il s'agit d'une réconfortante soupe de poulet ou de fruits de mer enrichie de crème (cuisine belge!). Pour cela, on m'a recommandé Bij den Wijzen en den Zot (Chez le Sage et le Fou) dans le Patershol, très vieux quartier de Gand où les rues médiévales toutes de guingois rivalisent de charme. Accompagné d'un bon vin d'Alsace, le plat, richement garni de crevettes et de moules, est aussi délectable que le resto est sympathique. Il faut seulement se débrouiller entre la fourchette, la cuiller et le couteau à poisson... Pourquoi pas les doigts?

Jour 3

9h 30

Un peu d'histoire

Le château des Comtes ouvre ses portes à l'instant. Véritable labyrinthe de pierre, il a fait l'objet de plusieurs restaurations... et de quelques reconstructions. On peut marcher le long du chemin de ronde, visiter le donjon, voir des oubliettes; c'est fascinant! L'une des salles présente une impressionnante collection d'armes anciennes: hallebardes, rapières, dagues, arquebuses, arbalètes... Tous ces mots disparus de notre vocabulaire montrent que notre siècle n'est pas plus violent qu'un autre. C'est aussi ce qu'on constate dans l'autre salle où sont exposés divers instruments de torture qui ont déjà été parfaitement légaux, autant de preuves de l'ingéniosité de l'homme quand il s'agissait d'occire son prochain.

Beaucoup plus paisible, la maison Alijn, logée dans un ancien béguinage, propose un voyage dans les traditions populaires flamandes à travers une série d'objets anciens regroupés par thèmes: mariage et vie de famille, deuil et rituels mortuaires, enfance, jeux et jouets, vie quotidienne... Pour qui aime les objets anciens, c'est un régal!

Midi

Gourmandises flamandes

Pause repas à la Grootvleeshuis, ancien marché aux viandes aménagé en café-bistro-épicerie fine. Un long comptoir offre des spécialités culinaires flamandes. C'est ici que je découvre les cuberdons (aussi dits neuseke, ou «petits nez»), confiserie conique outrageusement sucrée, l'aadvokat, liqueur faite d'oeufs et d'alcool apparentée au sabayon, diverses sortes de moutardes typiquement gantoises, des fromages et surtout les charcuteries locales. Notamment le jambon de Gand, proche parent du jambon de Parme, dont de beaux spécimens pendus aux poutres du plafond, dans la salle voisine, attendent de passer dans l'assiette. Avec un petit pot de moutarde bien relevée et une Pater Lieven, bonne bière d'abbaye, ça bouche un coin!

14h

Contemplations

Impossible de ne pas visiter le Musée des beaux-arts. La collection d'art flamand, si elle n'est pas aussi riche que celle de Bruges, n'en est pas moins intéressante. Bruegel, Bosch, Rubens, Van Eyck, j'ai du mal à m'arracher à ma contemplation. Mais le musée ferme à 17h et on me chasse comme une pauvre orpheline.

Pour me consoler, des amis m'emmènent à travers leur plat pays manger des moules et des frites à Assenede, à 30 km de Gand. Pourquoi si loin? Parce que le restaurant Den Hoed en a fait sa spécialité. Il faut toujours croire un Belge quand il est question de frites et de moules. Avec du vin de Moselle, comme le chantait ce vieux Brel, c'est vrai qu'on se régale!

Les frais de séjour à Gand ont été payés par l'Office du tourisme de Flandres, Belgique (bureau de New York).