Best-seller traduit en 47 langues, la Trilogie berlinoise de Philip Kerr et les autres enquêtes de Bernie Gunther (La mort, entre autres et Une douce flamme) nous entraînent dans le Berlin qui a vu le nazisme monter, éclore, s'effondrer. Un Berlin qui revit dans les romans de l'écrivain. Le domaine du journaliste Alex Taylor se situe plutôt du côté est de la ville. C'est le Berlin d'aujourd'hui. Celui des restos branchés, des marchés bios, des boîtes courues, des apparts rénovés où vivent bobos et jeunes familles. Deux parcours tout en contrastes.

Le Berlin d'Alex Taylor est à l'image de ce journaliste surnommé «M. Europe». Né en Angleterre, vivant entre Paris et Berlin, il produit et anime des émissions à la télévision française, il commente l'actualité sur France Inter. Il a signé les essais Journal d'un apprenti pervers, où il raconte avec humour et autodérision sa découverte de la sexualité, et Bouche bée, tout ouïe, où il parle de son amour des langues (JC Lattès).

Son Berlin est contemporain, branché, clinquant. Il est du côté est de la ville. «Paris, c'est pour le travail. Berlin, pour le plaisir», résume-t-il en nous conduisant au marché bio du quartier Prenzlauer Berg, situé aux alentours de la Kollwizplatz. Ici, dans le quartier le plus densément peuplé et le plus jeune de Berlin, en ce petit samedi matin, les familles déambulent entre les stands de légumes et fruits, de viandes et de fromages, mais aussi ceux où s'empilent vêtements et accessoires. Le tout au son de musiciens ambulants.

Charmant... mais pas assez pour nous réveiller complètement. Direction, alors, Café Anna Blume, à quelques rues de là. «Le meilleur café de Berlin, c'est ici que vous le prenez», assure Alex Taylor. Il a peut-être raison, sauf que ce n'est pas le contenu de notre tasse qui retiendra notre attention: les pâtisseries servies ici sont faites sur place, sous nos yeux et... cette vision est plus que distrayante.

Pour nous y rendre, nous marchons dans Prenzlauer Berg, où les immeubles repeints en rouge, en beige, en bleu côtoient ceux, plus rares, qui portent encore les couleurs d'avant la chute du Mur. Le gris et l'abandon sont sur ces façades-là.

Photo: Sonia Sarfati, La Presse

Le Berhain, «meilleure boîte de nuit du monde»

Même image, entre hier et aujourd'hui, quand nous arrivons dans le quartier Friedrichshain, que nous atteignons en tramway et qui est dominé par la monumentale Karl-Marx Allee: les bâtiments qui bordent cette large avenue sont d'une géométrie et d'une couleur invariables - la ligne est sans fantaisie et le gris, omniprésent, signes d'une autre époque. Tout un contraste par rapport aux rues avoisinantes, avec leurs îlots de verdure, leurs immeubles aux façades pimpantes et l'impression de bienvenue qui se détache... Ici, des arbres à livres (les troncs sont creusés, les gens y laissent des bouquins et en empruntent d'autres); là, l'immense LIEBER (aimer, en allemand) dont les lettres sont plantées sur un trottoir; ailleurs, la Kulturbrauerei (Brasserie de la culture), installée dans une ancienne... brasserie, et qui accueille aujourd'hui des ateliers, des boutiques, des salles de spectacle.

Le quartier est encore, visiblement, celui des artistes et des étudiants. Mais, note Alex Taylor qui l'habite, la «boboïsation» bien en place dans Prenzlauer Berg est en train de l'atteindre. Cela signifiera le déménagement de ce fêtard habitué au Berghain, «meilleure boîte de nuit du monde». Situé près de la gare de l'Ostbahnof, ce cube rouge qui était autrefois une centrale électrique se dresse sur un terrain désaffecté. En tout, la boîte peut actuellement accueillir 2400 personnes... et n'utilise que la moitié de son espace intérieur.

En fait, le Berlin d'Alex Taylor est celui qui recycle l'histoire. Ainsi, les restos qu'il aime, le Spindler Klatt et le Rodeo, sont situés, le premier dans un ancien entrepôt en bord de rivière, le second dans un immeuble bien caché au fond d'une cour d'apparence désaffectée et dont l'intérieur n'est pas sans rappeler l'un des décors d'Eyes Wide Shut.

Et puis, il y a ce pan du Mur, sur la Mühlenstrasse, qui a été ouvert à 120 artistes en 1990, et qui est maintenant connu comme l'East Side Gallery. Bref, l'histoire n'est pas effacée mais elle sert là de support à un espoir pour l'avenir. L'essence berlinoise est là.

Les frais de voyage ont été payés par les éditions du Masque.

Photo: Sonia Sarfati, La Presse

Un arbre à livres