L'Orient-Express est un train mythique qui a d'abord cessé ses activités en 1977. Depuis 1982, un modèle restauré du train a repris du service dans certaines villes d'Europe. Le Venice Simplon-Orient-Express relie ainsi Londres à Venise en une nuit. Voici le récit d'un aller simple à son bord.

Une occasion spéciale à célébrer? Envie de parcourir l'Europe comme si vous étiez dans un film d'époque? Bienvenue à bord du mythique train Venice Simplon-Orient-Express, où il n'y a pas d'air climatisé, mais des fenêtres qu'on peut ouvrir à sa guise. «On essaie de recréer le voyage du passé, explique Bruno Jassens, directeur du train. Tout a été refait selon les plans de l'époque: la marqueterie, les meubles, la tapisserie... L'Orient-Express offre un service de première classe dans un état d'esprit de voyage.»

En 2010, les gens ont perdu la notion de «voyage», ajoute M. Jassens. «Aujourd'hui, les gens voyagent vite. Ils veulent être arrivés avant d'être partis.»

Dans le Venice Simplon-Orient-Express, les gens ne sont pas impatients comme dans les aéroports. «On vient ici pour une occasion spéciale. On est content d'être ici.» La preuve, notre train a pris quatre heures de retard au beau milieu de la nuit, et personne ne s'en est plaint.

Toutes les raisons sont bonnes pour prendre l'Orient-Express (si on en a les moyens), mais la clientèle se compose surtout de couples. Les amateurs de gastronomie y trouvent aussi leur compte, avec les délicieux plats préparés par le chef Christian Bodiguel. Les homards servis avaient été achetés dans un marché de Paris le jour même.

L'Orient-Express est une «histoire vivante», rappelle M. Jassens, qui cite en exemple la voiture 3309 (remise sur les rails avec le Venice Simplon-Orient-Express). Joséphine Baker se trouvait dans cette voiture quand un attentat contre l'Orient-Express a fait 20 morts, le 12 septembre 1931. La star avait même aidé les blessés et chanté en hommage aux victimes.

Le service du «vrai» train Orient-Express a pris fin en 1977, mais un homme d'affaires a décidé de le faire revivre en 1982. «Jusqu'en 1990, les affaires ont été difficiles», note Bruno Jassens. La crise n'a pas stoppé la croissance de l'entreprise, qui envisage de mettre sur les rails des trains en Chine et en Sicile.

«Il n'y a qu'un train comme le nôtre, personne d'autre ne fait ce que nous faisons comme nous le faisons, conclut Bruno Jassens. Il y a un employé par voiture. Le client est roi.»

L'itinéraire Londres-Venise

8h45 à 10h: Le personnel de l'Orient-Express nous attend pour l'embarquement, à la plateforme 2 de la gare Victoria de Londres. Café et thé sont servis dans le chic salon de la société. On nous explique qu'on prendra un premier train jusqu'à la Manche (le British-Pullman), puis l'autocar pour se rendre en France sous la mer dans l'Eurotunnel, et, de l'autre côté, nous attendra à la gare de Calais le train Venice Simplon-Orient-Express.

10h20: Le train British-Pullman arrive. C'est l'embarquement, un verre de Bellini, un mélange de nectar de pêches blanches et de prosecco, à la main.

10h48: Le train quitte la station Victoria. Au menu du brunch: saumon fumé avec caviar, pommes de terre légèrement frites avec des herbes, champignons sautés, puis une pâtisserie aux abricots et au miel avec de la crème fouettée.

12h40: Nous voilà à Folkestone West, où nous attendent des autocars. En sortant du train, nous sommes accueillis par des musiciens. Nous prenons ensuite l'Eurotunnel pour traverser la Manche.

14h30: Nous sommes maintenant en France. Dans le train, chaque passager se rend à sa cabine. Michele, cabin stuart de mon wagon, m'explique tout ce qu'il y a à savoir. Il me demande aussi ce que je veux pour le petit-déjeuner du lendemain, et il prend ma réservation pour le souper en soirée.

15h: Après avoir visité le train, dont le sublime piano-bar et les cabines-restaurants, je lis pendant une heure en m'arrêtant souvent pour admirer le paysage, puis je fais une sieste.

19h30: À mon réveil, nous sommes à la hauteur de Clermont. J'ouvre la porte de ma cabine et je vois des hommes en smoking. Je décide moi aussi de sortir ma plus belle robe et de me faire belle.

20h30: Le train arrive à la gare de l'Est de Paris. Je m'assois dans le piano-bar pour prendre un verre de prosecco. Je me sens un peu comme un imposteur, mais j'en profite et tout cela me fait sourire.

21h30: On annonce que le repas est servi. Au menu: queue de homard bleu avec sauce au chorizo et parmentier de petits pois et de fèves, suivis d'un filet de boeuf rôti et mousseline crémeuse aux truffes, avec panaché de légumes printaniers. Au dessert, un mille-feuille de framboises parfumé au limoncello.

23h30: Après le repas, je retourne à ma cabine, où Michele a transformé le divan en lit. Je m'endors en quelques minutes au son du doux vrombissement du train.

9h: Je me réveille un peu tard. J'ouvre la fenêtre. Nous sommes en Suisse, entre Bâle et Zurich. Michele m'annonce que le train a pris quatre heures de retard à cause d'un pépin mécanique. Je ne me suis aperçue de rien, pas plus de l'arrêt du train que des ébats amoureux du couple de la cabine voisine, qui ont fait jaser dans tout le wagon...

9h15: Petit-déjeuner: jus d'orange et fruits frais, croissants et confiture, fromage suisse et café. Il fait beau dehors, je vois les Alpes au loin.

10h: Le directeur du train annonce que l'itinéraire a été changé pour qu'on puisse arriver à Venise à 18h, comme prévu. De Zurich, nous ne passerons donc pas à Innsbruck, en Autriche, mais nous irons plutôt à Milan en longeant plusieurs lacs.

14h: Nous sommes maintenant en Italie. C'est l'heure du lunch: panaché de noix de Saint-Jacques servi en tartare parfumé au wasabi, caneton nantais braisé aux olives taggiasche avec ses rillettes et son foie gras, et île flottante au coulis de fruits de la passion sur un lit de ganache au chocolat et de caramel aux bananes.

16h30: C'est déjà l'heure du thé.

19h: Arrivée à la gare Santa Lucia de Venise. La vita è bella!

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Les frais de ce voyage ont été payés par l'Orient-Express.

Photo Émilie Côté, La Presse

Michel, cabin stuart. Avec un employé par voiture, le service à bord de l'Orient-Express, c'est le grand luxe.