Mon dernier voyage à Jay Peak datait du secondaire. Je me rappelais du fameux Jay Cloud, ce brouillard né sur le lac Champlain et qui enneige chaque nuit la montagne de quelques centimètres. Et surtout du tram, ce large téléphérique qui grimpe vers le sommet en chancelant dans le vent.

Vingt ans plus tard, le tram et les nuages sont toujours là. La montagne elle-même n'a pas beaucoup changé. Pas assez, peut-être, au goût de ceux qui fréquentent ces stations devenues des centres d'amusement. Ou juste ce qu'il faut, disent les autres, ceux qui aiment encore le ski comme dans l'temps, avec des «pitchs», des bosses et beaucoup de sous-bois.

Jour 1

19h

S'y rendre

Sur papier, se rendre dans la région de Jay Peak paraît facile. Une heure trente depuis Montréal, dit le guide. Dans les faits, les louvoiements de la route, la pénombre et la neige rendent l'entreprise un peu tatillonne. Nous y avons mis 2h30.

Nous sommes accueillis au Phineas Swann par les propriétaires, Jay et John. Le duo sort de l'ordinaire: l'un a été designer d'intérieur, l'autre analyste financier, avant de tout plaquer pour fonder ce Bed and Breakfast, classé par le Boston Magazine parmi les plus romantiques de la Nouvelle-Angleterre.

Il faut voir l'incroyable quantité de bibelots et d'antiquités qui meublent l'auberge, dont plusieurs sont à vendre. Et tous apprécieront la qualité de l'accueil, de la bouffe et le confort du B&B baptisé en l'honneur de l'un des premiers colons de Montgomery.

Jour 2

9h

Avant-midi de plein air

Nous mettons le cap sur Jay Peak. Une trotte d'environ 10 kilomètres, puis la montagne nous domine du haut de ses 1209 mètres.

Dans le stationnement, les collègues d'un jour enfilent bottes, cagoules, manteaux, entre deux gorgées de Red Bull. S'il est vrai que chaque montagne a sa foule, celle de Jay Peak préfère visiblement l'action au look et le hors-piste à la bronzette.

«Si vous n'êtes pas là pour la montagne, vous n'y êtes pas», dit son slogan. La station a choisi d'adresser ses campagnes de pub, voici trois ans, spécifiquement aux skieurs avancés. Depuis, l'achalandage a grimpé de 20%.

Nous commençons la journée par un petit tour de planche à neige. D'accord, avec ses 76 pistes, Jay Peak en offre pour tous les goûts. Mais c'est en regardant entre les pistes qu'on sent qu'il nous manque quelque chose: juste assez d'assurance pour nous lancer dans les sous-bois, aussi nombreux que bien entretenus.

12h

Pause repas

Dîner à l'International Room, l'un des trois restaurants de la station. Les assiettes sont copieuses et peu chères - entre 10$ et 12$ - mais on se demande ce qu'elles ont d'international. Le menu est résolument américain: frites, fritures, sandwichs au pastrami. Avec une note typiquement vermontoise, toutefois: nous pouvons choisir un hamburger au boeuf Angus bio. On compte pas moins de 40 fermes laitières dans les environs de la station, dont plusieurs donnent dans la culture écolo.

13h

Initiation au télémark

Jay Peak est skiée par un nombre étonnant de télémarkeurs. Vrai que la montagne se marie bien au hors-piste: derrière elle se dresse un deuxième sommet, Big Jay, se trouvant en théorie hors du domaine skiable mais qui devient aussi une superbe randonnée.

Jay Peak se prête aussi bien à une première expérience de télémark. L'équipement en location est de bonne qualité, et pour 39$, un instructeur qualifié vous indiquera pendant deux heures comment transformer vos virages alpins en de gracieux pas de deux.

J'ai tenté l'expérience durant tout l'après-midi et elle s'est avérée beaucoup plus facile que prévu. Les bottes, rigides, sont solidement arrimées à leurs fixations. Le sport, finalement, ressemble davantage au ski alpin qu'à la descente en ski de fond.

16h

L'après-ski

Fourbus, nous optons pour la meilleure récompense qui soit: un grand verre de bière fraîche. Direction le Golden Eagle, bar situé au bas des pentes qui accueille la faune locale en fin de journée.

Les écrans géants diffusent un match des Patriots de la Nouvelle-Angleterre tandis que les conversations s'animent autour d'une pinte de Tram Ale, la bière du cru. L'après-ski, faut le dire, quelle belle invention

19h

Chaude ambiance

Les résidants l'admettent sans mal, la région de Jay Peak n'est pas reconnue pour sa vie nocturne. Nous échouons au Jay Inn, une auberge qui fait aussi dans la bière, la bouffe et la bonne ambiance. Pendant que nous envisageons un menu comprenant des mets tous plus riches les uns que les autres - ravioli de homard à la crème, filet mignon au bleu gratiné - il fait bon se détendre devant l'immense feu de foyer.

Notre serveur, Martin, est un blond baraqué, un Sud-Africain qui a quitté sa patrie pour l'amour d'une femme et par passion pour le ski. Un autre...

Un dodo bien mérité dans l'un des nombreux condos qui bordent la piste Granny Jay. Depuis la montagne, l'accès est tellement facile qu'on peut en atteindre la porte les skis aux pieds. Le lendemain, nous emprunterons le même chemin pour aboutir au télésiège double situé à l'extrémité ouest de la station.

Jour 3

8h30

Dans les sous-bois

Le déjeuner vite englouti, nous retrouvons Claire et Mark Draper aux pieds du tram. Le couple habite près de la montagne depuis toujours. Moniteurs de ski, ils seront nos guides pour une introduction aux sous-bois de Jay Peak. Le plat de résistance, enfin! À chaque été, un bataillon d'ouvriers se lance à l'assaut de la montagne pour tailler dans sa forêt, préservant juste ce qu'il faut de branches et d'arbres.

Le résultat est spectaculaire. La neige se conserve davantage sous la protection des arbres, et le passage répété des skieurs parsème les 100 acres de sous-bois de milliers de petites bosses. Descendre Jay Peak de haut en bas en empruntant successivement les Everglades, le Staircase et le Kokomo est un plaisir pur. Le sourire sur nos visages, en fin de journée, l'a confirmé.