Kellie Nadeau est à Westport, en Nouvelle-Zélande. En août dernier, à l'aube de ses 29 ans, elle a mis le cap sur le monde pour une année complète, loin des plateaux de télévision où elle travaille. Une aventure en apparence parfaite, qui comporte aussi ses côtés plus sombres. Confidences.

«Quand ça m'a frappée, j'étais à Chefchaouen, à mi-parcours de mon périple. Je me promenais dans les rues bleutées de cette petite ville du Maroc et je n'avais qu'une envie: me blottir dans un lit et dormir. Malgré les rayons de soleil qui réchauffaient ma peau cette journée-là, malgré les habitants attachants qui me lançaient des sourires sincères, je ne voulais que me reposer.

«Je suis entrée à l'auberge jeunesse. Je sentais mon ventre se crisper à la simple idée de devoir socialiser avec les voyageurs de mon dortoir. Trois semaines plus tôt, je réservais pourtant mon billet d'avion avec fébrilité. J'avais si hâte de mettre les pieds pour la première fois en Afrique. Et pourtant, maintenant que j'y étais, je ne souhaitais qu'une chose: être seule. J'avais honte. Je me disais que je n'avais aucune raison de me plaindre. Je réalisais mon plus grand rêve: parcourir le monde pour une année. Mais après six mois sur la route, j'étais tout simplement exténuée.

«J'avais le burn-out du voyageur.

« C'est quelque chose dont on n'ose pas parler. Peut-être par honte, par peur d'être jugé par nos proches qui sont à la maison. Aussi parce que nous avons une certaine incompréhension de ce qui nous arrive. Mais le burn-out du voyageur est réel. Et après en avoir parlé avec d'autres backpackers, j'ai constaté que c'est plus courant que je ne le croyais.

«Nous croyons naïvement être des superhumains; que nous allons visiter un pays par mois sans nous fatiguer. Mais la vérité, c'est qu'être constamment en mouvement, défaire et refaire son sac tous les trois jours, dormir entouré d'inconnus dans des dortoirs et échanger des banalités avec ceux-ci, cela fait son temps.

Photo fournie par Kellie Nadeau 

Kellie Nadeau lors d'un trek au Népal

«Je savais que je n'étais pas prête à rentrer, que j'avais encore beaucoup de choses à vivre, mais que je devais ralentir. J'ai donc pris la décision de retourner en Nouvelle-Zélande avec mon visa vacances travail. J'y étais allée en décembre dernier et j'avais particulièrement aimé Westport, une petite ville sur la côte ouest de l'île du Sud. Y retourner fut la meilleure décision. Cela m'a permis de revenir à l'essentiel: connecter avec les locaux et apprendre d'autres cultures.

«J'ai réalisé qu'il est important d'écouter son corps et son esprit en pareille situation, qu'une des beautés de partir sur la route pour plusieurs mois, c'est de prendre son temps et non pas de courir toutes les attractions que le Lonely Planet propose. En m'étant posée, je peux créer des liens profonds avec les gentils Kiwis et avec d'autres voyageurs qui sont restés accrochés à Westport, tout comme moi. Cela fait maintenant deux mois que j'ai ma petite routine: j'habite dans une maison, j'ai une cuisine, un chien, deux chats et je vis au rythme des Néo-Zélandais. Cela me plaît. Maintenant, je me sens prête à reprendre la route. Prochain arrêt: retour au Sri Lanka.»

- Propos recueillis par Audrey Ruel-Manseau, La Presse