Les voyageurs ne sont plus ce qu'ils étaient. Désireux de sortir de leur rôle de simples spectateurs en pays étranger, plusieurs cherchent des façons nouvelles et plus satisfaisantes de s'immerger dans les cultures locales. Le tourisme créatif s'inscrit fortement dans cette tendance du «voyager autrement». Explications.

Qu'est-ce que le tourisme créatif?

La formule est apparue au début des années 2000. Elle désigne cette forme spécialisée de tourisme qui permet aux voyageurs de développer leur créativité à travers une expérience d'apprentissage concrète. On peut penser à des cours de peinture, de cuisine, de couture (mais aussi de design paysager, de maroquinerie ou d'origami) offerts par la population locale, pendant lesquels le voyageur joue un rôle actif pour créer un objet ou apprendre une technique particulière.

Certains ateliers durent quelques heures, d'autres peuvent s'étendre sur des semaines. Plusieurs s'adressent aux néophytes, d'autres sont destinés aux initiés. L'essentiel est que le participant mette la main à la pâte et que l'activité proposée ait des racines dans la culture locale.

C'est nouveau?

Pas du tout! Le tourisme créatif a toujours existé. Ce n'est pas d'hier que des voyageurs participent à une activité artistique ou créative sur leur lieu de séjour.

«C'est toutefois resté longtemps l'apanage de quelques romantiques», considère Caroline Couret, directrice du Réseau de tourisme créatif (Creative Tourism Network), créé en 2010 à Barcelone. «Les activités étaient là, mais difficiles à trouver. Il fallait connaître un ami, ou l'ami d'un ami, sur place...»

Aujourd'hui, le tourisme créatif commence à s'organiser à l'échelle internationale. Ainsi, le Réseau de tourisme créatif recense sur son site plusieurs dizaines d'activités offertes à travers le monde: Portugal, Espagne, France, Autriche, Brésil, Canada...

«Les touristes qui souhaitent vivre une expérience de tourisme créatif peuvent désormais trouver des offres adaptées, avec une garantie professionnelle.»

Chaque destination se charge du développement, de l'authenticité et du contrôle de la qualité des projets proposés.

Ainsi, en Islande, où le tourisme créatif est en vogue avec plus d'une dizaine d'ateliers offerts, Nicolas Barreiro, fondateur de Creative Iceland, se charge lui-même de recruter de nouveaux artisans prêts à partager leur savoir-faire avec les voyageurs. «Je m'assure ensuite que les activités respectent nos standards de qualité.»

Un guichet unique pour le monde entier?

Plusieurs destinations n'ont toutefois pas encore adhéré à ce réseau international et un touriste qui souhaite visiter la Chine, l'Inde ou l'Afrique du Sud ne trouvera rien sur le site pour ajouter une plus-value à son séjour. Ce qui ne signifie pas que l'offre est nulle. Comme M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, plusieurs pays pratiquent le tourisme créatif sans forcément être au courant. Ni publiciser leur offre.

En effet, des centaines d'activités intéressantes, offertes aux quatre coins du globe, n'ont pas encore trouvé le chemin vers cette plateforme centralisée. Le voyageur doit donc multiplier les recherches pour dégoter l'atelier rêvé.

Selon Mme Couret, les médias sociaux, notamment ceux des offices de tourisme, restent un excellent moyen de se tenir informé des différentes expériences créatives offertes.

Qui sont les participants?

Selon Caroline Couret, il est impossible de tracer un portrait précis des voyageurs qui incluent une activité créative à leur séjour. Ni même de chiffrer le phénomène, qu'elle estime tout de même «en pleine expansion». «Le public évolue sans cesse et le tourisme créatif se développe de façon tentaculaire. L'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] et l'Organisation mondiale du tourisme commencent à peine à étudier cette nouvelle tendance.»

Nicolas Barreiro estime de son côté que la grande majorité des participants sont, de fait, des participantes. «Soixante-dix pour cent de notre clientèle est composés de femmes.»

«Ce n'est pas un hasard si le tourisme créatif se développe en ce moment, croit Mme Couret. Les gens souhaitent de plus en plus sortir de leur cadre habituel pour tester de nouvelles expériences. Ils cherchent un épanouissement personnel.

«Les voyageurs créatifs sont davantage attirés par l'authenticité et les rencontres humaines avec la population locale que par les monuments ou les grandes icônes touristiques d'une destination. Or, ce tissu humain peut être plus difficile à percevoir lorsqu'on voyage.»

Des avantages pour la population locale?

Le tourisme créatif n'est pas profitable qu'aux seuls voyageurs; il est source de nombreux bénéfices pour les populations locales. Notamment en permettant de préserver certains savoir-faire et traditions menacés de disparition.

«Il est parfois difficile pour les populations locales de prendre conscience de la richesse de leur patrimoine immatériel. Les artisans - souvent des femmes - sont valorisés en voyant que les gens se déplacent pour apprendre leurs savoir-faire. Ils réalisent qu'ils ont quelque chose à offrir. C'est une grande source d'estime personnelle et une façon d'obtenir un revenu supplémentaire, notamment dans des régions traditionnellement moins touristiques.»

Mieux, ces bénéfices sociaux et économiques importants n'exigent pas de grands investissements. Souvent, il ne manque qu'une structure pour encadrer les artisans déjà sur place. C'est ce qui s'est passé à Saint-Jean-Port-Joli. «Ici, le talent créatif au pied carré est très élevé, lance Marie-Claude Gamache, responsable des relations publiques pour l'organisme Saint-Jean-Port-Joli, village créatif, créé en juin 2014. Le village est truffé d'ateliers. On faisait déjà du tourisme créatif avant que le nom existe.»

Cet été, l'offre de Saint-Jean-Port-Joli s'est diversifiée. Aux ateliers plus longs de sculpture ou de construction de mini-maison s'ajoutent désormais des activités de quelques heures, sur la boulangerie ou l'arrangement floral.

Bref, la population est de plus en plus mobilisée. Normal, dit Caroline Couret. «Le tourisme créatif fédère des communautés en entier.»

PHOTO STÉPHANIE MORIN, LA PRESSE

Gìgja Svavarsdòttir montre à un participant comment réussir ses crêpes lors d'un atelier en Islande.