Le Vésuve, l'Etna, le Stromboli: tant de noms évocateurs qui ont marqué l'histoire et les consciences collectives. Ils sont encore actifs, mais ils sont surveillés de près. Il est donc possible de les explorer et de jouer les volcanologues. C'est une aventure qui se fait en bateau, en train, en bus, en téléphérique, mais qui se savoure surtout à pied.

L'Etna

Le volcan hyperactif

Le guide de montagne, Rosario Basile, se fait rassurant. Habituellement, l'Etna donne des signes avant-coureurs avant de piquer une colère. La terre tremble. Il y a des renflements sur le terrain. Des fissures apparaissent. Bref, on a le temps de se retourner.

Les randonneurs, juchés sur la bordure du cratère créé lors de l'éruption de 2002-2003, à l'ombre du cratère sommital de l'Etna, à deux pas d'une coulée de lave toute fraîche qui remonte à 2013, se détendent.

Jusqu'à ce que Rosario ajoute: «Mais en octobre 2002, il n'y a eu aucun tremblement, aucune fissure, aucun signe, rien. J'étais là la veille avec des clients. Et à 4h du matin, l'éruption a débuté.»

C'était une éruption sérieuse. La coulée de lave qui s'est échappée d'une fissure sur le flanc du volcan a notamment détruit le téléphérique qui transportait les visiteurs à 2500 m d'altitude. La lave n'a toutefois pas menacé les communautés environnantes, comme Nicolosi.

Le volcan s'est calmé, mais il ne s'est pas endormi, loin de là. En fait, l'Etna se classe au deuxième rang des volcans les plus actifs au monde, après le Kilauea, à Hawaii. Il se fâche pratiquement tous les ans.

Lorsqu'il s'énerve un peu, on entend des explosions, on peut voir des projections de gaz et de cendres au sommet et des lueurs rouges la nuit venue. Les autorités interdisent alors aux randonneurs de se rendre jusqu'au sommet, à plus de 3300 m d'altitude. Il est quand même possible de grimper jusqu'à 2920 m et de rendre visite à plusieurs cratères secondaires. Certains arborent des couleurs éclatantes en raison de la composition du sol (noir pour la silice, rouge pour le fer, jaune pour le soufre et blanc pour le calcium, le magnésium et le potassium).

À cette altitude, il n'est pas obligatoire d'avoir recours à un guide. Mais pour quiconque s'intéresse un tant soit peu à la volcanologie, ça vaut l'investissement. Non seulement on apprend toutes sortes de faits intéressants et on se fait conter des anecdotes fascinantes, mais on peut visiter des coins et recoins peu fréquentés.

C'est ainsi que Rosario, de la coopérative Gruppo Guide Alpine Etna Sud, entraîne son groupe sous terre, dans la fissure d'où a émergé la fameuse coulée de lave de 2002-2003. Il montre comment la lave, maintenant durcie, a surgi avec une telle vélocité qu'elle a formé deux vortex parallèles.

La randonnée se poursuit vers l'est, le long de la très belle Valle del Bove: c'est un ancien cône qui s'est effondré il y a plusieurs dizaines de milliers d'années et qui a formé une dépression de 5 km de diamètre, profonde de 1000 m. Il est préférable de s'approcher du bord avec beaucoup de circonspection.

Les randonneurs redescendent jusqu'à la base du téléphérique, le long de pentes de cendres noires. Après quelques heures dans un paysage lunaire, cela fait du bien de revoir de la végétation...

Etna

Ascension: intermédiaire

Site: spectaculaire

Visite: 70 pour la montée en téléphérique et en bus et les services d'un guide. Gratuit si on monte à pied sans guide.

S'y rendre: circuit de 5 heures: montée en téléphérique et en bus, descente à pied.

Le Stromboli

Le feu d'artifice est remis à demain soir

C'est un bien vilain nuage, entraîné par un fort vent d'ouest, qui s'est installé autour du sommet du Stromboli. Lorenzo Russo, guide à l'agence locale Magmayrek, vérifie les prévisions sur le site WindGuru. Zut, le vent ne tombera qu'au petit matin. Le nuage restera bien en place ce soir. Donc, pas de feu d'artifice. Tant pis pour ceux qui ne passent qu'une nuit à Stromboli, l'une des îles Éoliennes, au nord de la Sicile.

Le feu d'artifice, c'est la spécialité du Stromboli. Depuis 3000 ans, le volcan éjecte de la lave incandescente de façon régulière, un superbe spectacle lorsque la nuit est claire. Il est possible d'y assister à partir d'un observatoire sur le bord de la mer. Mais il est plus chouette de faire l'ascension du volcan pour parvenir au sommet, au bord du cratère, au coucher du soleil. Depuis un glissement de terrain en 2002 et des explosions violentes en 2003 et en 2007, l'accès à la partie supérieure du volcan est réglementé et nécessite la présence d'un guide patenté.

L'excursion au sommet demeure cependant tributaire de l'activité du Stromboli: si elle est trop violente, il faut demeurer plus bas. Et si le vent et le brouillard vous empêchent d'observer le spectacle (et de voir d'éventuelles bombes volcaniques se diriger vers vous), il faut aussi laisser tomber.

Il est alors possible de faire une balade jusqu'à la Sciara del Fuoco (sentier du feu), une dépression où la lave glisse parfois jusqu'à la mer. Lorsque le volcan est tranquille, on peut y voir gambader des chèvres de montagne. C'est une jolie randonnée à travers les fleurs sauvages. On peut entendre les explosions là-haut, puis une sorte de sifflement rappelant le vol d'un avion à réaction. C'est un feu d'artifice que personne ne voit aujourd'hui.

Idéalement, il faudrait passer deux nuits dans l'île de Stromboli pour être sûr de son coup. De toute façon, le petit village de 500 habitants, aux maisons d'un blanc éclatant, est particulièrement plaisant et reposant. Et de belles plages de sable noir incitent au farniente.

Vulcano

Il nous faut malheureusement quitter l'île. Par bonheur, en prenant l'hydroptère (un bateau rapide doté d'ailerons) tôt le matin, on peut faire une brève escale dans l'île de Vulcano. Une belle consolation! Comme son nom le suggère, Vulcano a son propre volcan, bien actif et facile d'accès. En trois heures, on a amplement le temps de partir du port à la marche, de monter au sommet en trottinant dans la cendre, de faire le tour du cratère et de revenir au point de départ pour le bateau suivant.

Il n'y a pas de feu d'artifice ici, mais une vue superbe sur les îles Éoliennes et un fabuleux spectacle de fumerolles surgissant de fentes dans une forte odeur de soufre. Il faut les contourner parce qu'elles sont brûlantes et toxiques. On se croirait aux portes de l'enfer.

Stromboli

Ascension: difficile

Site: très spectaculaire

Visite: 25

S'y rendre: circuit de 5heures à pied

Vulcano

Ascension: intermédiaire

Site: spectaculaire

Visite: gratuite

S'y rendre: circuit de trois heures à pied

PHOTO MARIE TISON, LA PRESSE

Manque de chance, le Stromboli a la tête dans les nuages. On entend les feux d'artifice mais on ne les voit pas.

Le Vésuve

Si paisible... et si dévastateur

L'autobus qui fait la première partie de l'ascension du Vésuve traverse une paisible pinède. Le sentier pédestre, lui, serpente au milieu de fleurs sauvages d'un jaune éclatant et offre des vues superbes sur la baie de Naples. Le lieu devient plus dramatique vers le sommet: de la lave noire, durcie, forme des murailles impressionnantes. Enfin, on peut se pencher au-dessus d'une barrière pour jeter un coup d'oeil au fond du cratère. Le volcan n'a pas l'air bien méchant. Rien de bouillonnant, d'écarlate. Que de la terre et de l'herbe bien verte. Si on ne voyait pas deux minuscules fumerolles, on croirait volontiers le géant endormi. La dernière grande éruption, qui a donné au Vésuve son profil actuel, remonte à 1944. Depuis, le calme règne. Il est bien difficile d'imaginer la dévastation que le Vésuve a pu causer.

En fait, ce n'est pas si difficile que ça: du sommet, on voit Pompéi, à 11 km, et on devine Herculanum. En descendant, on peut aller constater les dégâts.

Pompéi

C'est le 24 août de l'an 79 que le Vésuve est entré en éruption, projetant pierre ponce, scories et cendres. La grande majorité des 20 000 habitants de Pompéi, alertés par des signes avant-coureurs, avaient fui à temps. Mais environ un millier de personnes sont mortes par asphyxie dans une nuée ardente - un nuage de gaz, de vapeur d'eau et de cendre qui a dévalé la pente à plus de 200 km/h. C'est un grand malheur. Toutefois, la couche de cendre et de boue a permis de conserver la ville.

Les visiteurs sont nombreux (2,3 millions par année), surtout l'été, mais le site est immense. Il est donc possible de prendre une rue secondaire pour s'éloigner de la foule et essayer de ressentir ce que pouvait être la vie ici, il y a près de 2000 ans. Les Romains ont marché dans ces rues de pierre, les roues de leurs chars ont creusé ces ornières. Dans ces grandes villas, les riches ont pris le temps de vivre dans de jolis jardins, autour d'une fontaine. Dans ces petites échoppes, des artisans ont fait du pain, préparé des repas. Dans ces théâtres, les classes supérieures ont occupé les sièges situés à proximité de la scène, les classes moyennes se sont retrouvées un peu plus loin de l'action. Toutes les classes sociales ont déambulé dans le forum, ce vaste espace offrant une splendide vue sur le Vésuve.

Quelques éléments rappellent toutefois le drame terrible d'août 79. On a notamment laissé sur place quelques moulages des corps des victimes de l'éruption. Certaines de ces personnes sont allongées, d'autres sont accroupies, prostrées: à près de 2000 ans d'écart, on peut sentir leur désespoir.

Herculanum

La petite ville d'Herculanum, qui comptait autour de 4000 habitants, a été encore mieux préservée que Pompéi parce qu'elle a été couverte par un flux pyroclastique (une couche de cendres, de pierres et de gaz) haut de 16 m quand il s'est solidifié. Cette couche a préservé des matières organiques, comme du bois et des végétaux, ainsi que des plafonds et des toits.

Dans une vaste demeure, on trouve ainsi deux grandes portes coulissantes de bois, maintenant protégées par une enveloppe de verre.

Dans les thermes, les mosaïques sont encore éclatantes. On entendrait presque les rires des femmes au bain.

À l'époque, Herculanum se trouvait au bord de la mer. On a d'ailleurs découvert sur ce qui était alors la plage environ 300 squelettes humains: des habitants y avaient cherché refuge lors de l'éruption d'août 79, avec monnaies et bijoux. Malheureusement, une nuée ardente a mis fin à leur fuite.

Le site archéologique d'Herculanum, qui est sous le niveau de la ville actuelle, n'offre pas les longues perspectives de Pompéi. Il est plus compact, moins intimidant. Mais surtout, il accueille beaucoup moins de visiteurs. Il y a donc plus de chances de rencontrer les fantômes du passé.

Vésuve

Ascension: facile

Site: intéressant

Visite: 22

S'y rendre: 45 minutes en train de Naples, autobus jusqu'à la base du cône sommital, 20 minutes de marche jusqu'au sommet.

PHOTO MARIE TISON, LA PRESSE

Le Vésuve se dresse derrière les ruines de Pompéi, la ville qui a été engloutie en 1979.