Après une première journée de grève très suivie à Air France, la situation risque d'empirer mardi, les pilotes étant massivement hostiles aux conditions de développement de la filiale low cost du groupe.

Mardi, la direction prévoit d'assurer 40% des vols (contre 48% lundi). Cela pourrait même aller jusqu'à la paralysie mercredi, préviennent les syndicats.

Si la proportion de pilotes en grève restera stable à 60%, selon la direction, la situation se dégradera, car les pilotes d'encadrement appelés en renfort lundi devront être mis au repos.

Air France, qui a présenté «ses excuses» à ses clients, dédommagera tous les passagers dont le vol a été annulé et remboursera en outre l'intégralité du billet à défaut d'autre vol disponible.

Opposé aux conditions d'expansion de Transavia, la filiale à bas coût du groupe, le SNPL AF Alpa (majoritaire) a appelé à une grève reconductible du 15 au 22 septembre; le Spaf (deuxième) a étendu lundi son préavis de deux jours, jusqu'au 20; celui d'Alter (non représentatif) court jusqu'au 18.

Un mouvement d'une semaine serait le plus long conflit mené par des pilotes d'Air France (groupe Air France-KLM) depuis 1998.

La direction évalue son coût à «10 à 15 millions» d'euros par jour, et lundi, le PDG d'Air France-KLM, Alexandre de Juniac, a laissé entendre que le retour aux bénéfices de la compagnie française pourrait être compromis cette année.

Pour trouver une issue, les négociations se poursuivaient entre la direction et les syndicats représentatifs. Mais lundi après-midi, le SNPL a fait état d'un dialogue «bloqué», assurant que le mouvement se poursuivrait «tant que la direction ne changera pas de philosophie».

Dans les aéroports, le calme a semblé régner, les voyageurs ayant souvent été prévenus en amont. À Paris, tant à Roissy qu'à Orly, aucun vol n'a été annulé «à chaud» (à la dernière minute), «il n'y a pas de passager qui restent sur le carreau», constatait une source aéroportuaire.

Selon M. de Juniac, qui a remercié à Roissy les clients pour «leur patience», 65 000 personnes ont été touchées par des retards de vol ou annulations.

Vers un mercredi noir

C'est dans les aéroports du Sud que l'impact de la grève a été le plus important: 80% des vols annulés à Toulouse, 70% à Marseille, Lyon et Nice.

«Demain, ce sera encore plus difficile et, mercredi, (le trafic) Air France peut être arrêté», une fois le réservoir de volontaires épuisé, pronostique Jean-Louis Barber, président du SNPL AF Alpa. Selon lui, 75% des pilotes étaient en grève lundi.

Les syndicats déplorent une «mise en concurrence» des pilotes au sein du groupe et craignent que le nouveau plan stratégique «Perform 2020» n'ouvre la voie à un «pillage de l'emploi français», quand la compagnie y voit un levier de «reconquête du marché» face aux compagnies à bas coûts (Ryanair, easyJet).

M. de Juniac a exhorté les pilotes à participer à «un projet magnifique», porteur d'un millier d'emplois en France, dont 250 de pilotes.

Alors qu'un plan de départs volontaires a été ouvert en août pour 200 des 3760 pilotes d'Air France, le groupe entend augmenter la flotte de Transavia en France de 14 à 37 avions en cinq ans et ouvrir de nouvelles bases en Europe dès 2015, avec des pilotes sous contrat local.

Il rejette la principale revendication des syndicats d'un contrat unique pour les pilotes aux conditions actuelles d'Air France pour les avions de plus de 100/110 places, quelle que soit la compagnie du groupe (Air France, Transavia, Hop!).

Au sein d'Air France, la grève a été taxée de «corporatiste» par la CFE-CGC et la CFDT, le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, la jugeant même «indécente».

Au niveau salarial, les pilotes d'Air France sont plutôt bien lotis. Un pilote gagne entre 75 000 et 250 000 euros brut annuel selon son grade (copilote ou commandant de bord), ancienneté et affectation (moyen-courrier ou long-courrier). Chez Transavia, le salaire varie entre 87 000 et 180 000 euros.

Dans un communiqué, la Fédération nationale de l'aviation marchande (Fnam) «regrette fortement» cette grève qui «porte un grave préjudice à la compagnie» et souligne que «les pilotes français volent 20% à 25% de moins que leurs homologues européens».