À force d'imposer des taxes et des frais de toutes sortes aux aéroports nationaux, le gouvernement fédéral encourage les voyageurs canadiens à utiliser les aéroports américains pour se déplacer à moindre coût.

Et ils sont plus nombreux que jamais à se rendre à Plattsburgh, Buffalo, Burlington ou encore Syracuse pour prendre l'avion et partir pour une destination étrangère, selon un rapport du comité des transports du Sénat.

D'autant plus que 75% de la population canadienne vit à moins de 90 minutes de la frontière américaine, souligne le comité dans son rapport intitulé L'avenir des déplacements aériens au Canada: poste de péage ou bougie d'allumage.

Dans ce rapport unanime - donc appuyé par les sénateurs conservateurs et rédigé au terme de près de deux ans d'audiences -, le comité presse le gouvernement Harper de cesser de traiter les aéroports canadiens comme une source de revenus et de les considérer comme des moteurs économiques.

«Les coûts élevés et les inefficacités partout dans l'industrie du transport aérien freinent la demande de voyages aériens et nuisent à la concurrence entre les transporteurs. La cote de compétitivité de l'industrie canadienne du voyage et du tourisme est passée de la cinquième en 2009 à la neuvième en 2011. Des millions de Canadiens préfèrent se rendre en voiture à des aéroports américains pour prendre des vols peu onéreux plutôt que de prendre l'avion à leur aéroport local», a soutenu le président du comité des transports du Sénat, le sénateur libéral Dennis Dawson.

Hausse de 15%

Selon les estimations du Conseil des aéroports du Canada (CAC), 4,8 millions de Canadiens ont pris un vol à partir d'un aéroport américain afin de profiter de tarifs plus avantageux en 2011. Il s'agit d'une hausse de 15% par rapport à 2010, toujours selon cet organisme.

À l'aéroport international de Plattsburgh, qui est situé à une heure au sud de Montréal, près de 85% de tous les passagers viennent du Canada. Pas étonnant, donc, que les autorités décrivent cet aéroport comme «l'aéroport américain de Montréal».

En moyenne, la différence de tarif entre les vols canadiens et américains pour un vol aller-retour représentait en moyenne 428$ par personne. Les taxes, les frais et les redevances canadiens comptaient pour de 15% à 33% de cette différence dans les prix.

Pertes de 2,3 milliards

Les pertes économiques attribuables à l'exode des passagers canadiens vers les États-Unis sont énormes. Selon les estimations du CAC, les pertes directes et indirectes s'élèveraient à 2,3 milliards de dollars. Si Ottawa décidait de s'attaquer à ce problème, il pourrait ainsi créer 3465 emplois directs et 3565 emplois indirects.

À titre de remède, le comité exhorte le ministère des Transports à éliminer graduellement les loyers des aéroports et à céder la propriété des aéroports aux administrations aéroportuaires sans but lucratif qui les exploitent.

Dans son rapport, le comité recommande aussi au gouvernement fédéral de se doter d'une nouvelle stratégie nationale du transport aérien, de concert avec les principaux intervenants de l'industrie. À défaut d'une telle stratégie, Ottawa freinera le développement de cette industrie à son plein potentiel.

«Durant toutes les audiences, on nous a fait le portrait d'une industrie vitale pour la viabilité économique de notre vaste pays qui avance un peu à tâtons, sans orientations ni objectifs particuliers. Cette situation a des conséquences sur le secteur et cela doit changer», note-t-on dans le rapport d'une vingtaine de pages.