Ouvert en 1962, le Coconut Bar est une institution dans la région. Sa décoration, inchangée depuis l'ouverture, oscille entre le kitsch luxuriant et le dépaysement le plus absolu. Palmiers artificiels, lumières tamisées, aquariums psychédéliques, petit pont de bois et peintures de vahinés sur velours noirs rivalisent avec les chaises en rotin, les banquettes de cuirette rouge, les lampes en coquillages et les totems du terrifiant dieu Tiki, pour une ambiance unique qui renvoie directement à la mode «pop polynésienne» des années 50 et 60.

Fidèle à sa formule d'origine, le Coconut Bar continue aussi de servir ses drinks exotiques comme dans le temps, que ce soit l'intrigant Aku Aku, la bonne vieille piña colada ou le classique Mai Tai, fait à partir de rhum sur glace, curaçao à l'orange, jus de lime, menthe fraîche et extrait d'amande.

C'est ce qu'on pourrait appeler le continent perdu. Car des endroits de ce genre, il ne s'en fait plus nulle part au monde. Si quelques vestiges de cette époque dorée existent toujours ici et là en Amérique du Nord, ils sont devenus rarissimes. En ce sens, le Coconut Bar est plus qu'une institution. C'est un survivant et un arrêt obligé pour tout fana d'exotisme et de culture cocktail qui se respecte.

Incroyable que personne, en un demi-siècle, n'ait eu la mauvaise idée de rénover le tout. Au début des années 60, les propriétaires originaux avaient ramené le mobilier de leur voyage de noces à Hawaii. Ils n'ont jamais voulu renouveler la déco de leur établissement. Il y a six ans, quand ils ont vendu à Valérie Boisvert et Sylvain Carle, ils se sont même assurés que les nouveaux patrons garderaient la thématique intacte.

Pour le jeune couple, ça tombait bien. Car il n'était pas question de changer la formule. «On a apporté quelques petites modifications, mais sans plus. Pour nous c'était important de garder ça comme c'était» lance Valérie Boisvert, qui a fréquenté l'endroit dans sa jeunesse.

La seule chose qui a vraiment changé, c'est le choix musical. Les soirs de fin de semaine, la musique des îles a été remplacée par les tubes de l'heure, façon discothèque. Ce changement d'ambiance a permis de rajeunir la clientèle (25 ans en moyenne), même si quelques «vieux de la vieille» viennent encore faire leur tour pour se rappeler les bons souvenirs. «À Trois-Rivières, le Coconut est l'un des rares bars où les générations se mélangent», affirme Mme Boisvert.

Avec ses alcôves et ses petits coins retirés, le Coconut se prête bien aux réunions intimes.

Pour réunions encore plus intimes, sachez que l'endroit fait aussi office de motel, petit-déjeuner compris! Une quarantaine de chambres sont offertes, ce qui vous ne vous fera pas une trop grande distance à parcourir si vous avez pris un Mai Tai de trop!

Hélas, hormis la suite royale, cette partie de l'établissement ne cultive pas du tout le concept tiki et ressemble à tous les motels platement rénovés de la province. Les nouveaux propriétaires ont préféré jouer de prudence, pour ne pas effrayer la clientèle, qui préfère apparemment dormir dans un environnement sans palmiers. «Les gens ont des goûts assez classiques. Quand ça fait kitsch, ils ont des doutes» résume Valérie Boisvert.

Manifestement, tout le monde n'est pas de cet avis. Deux ou trois fois par an, des collectionneurs viennent faire un tour au Coconut pour voir si les propriétaires n'auraient rien à vendre de leur mobilier paradisiaque, conscients de sa valeur vintage.

D'autres ont une façon plus radicale de s'approprier ce patrimoine unique. L'an dernier, un des tabourets du bar, une lourde pièce en bois massif sculptée en forme de dieu Tiki, a été volé pendant une soirée.

Il va sans dire, la pièce est irremplaçable. «Maintenant, je n'ai plus le choix de mettre un portier à l'entrée», déplore Valérie.

7531, rue Notre-Dame (route 138)

Trois-Rivières

1-800-838-3221


Photo Sylvain Mayer, Le Nouvelliste

Mélanie Boisvert, directrice générale du Coconut Bar.