Il y a des voyages qui se préparent des mois d'avance. Voire des années. Ce sont les voyages d'une vie. De grandes aventures dans des contrées mythiques. Notre journaliste Marie Tison en fait un chaque année. C'est une randonneuse extrême qui passe ses vacances au bout du monde. À marcher, en nature. En cette veille de Noël, elle raconte 10 treks qui l'ont marquée. Qui sait si cela ne vous donnera pas des fourmis dans les jambes? Êtes-vous mûr pour une grande randonnée?

Quand on parle de treks, ou de grandes randonnées, il y a des classiques, comme la Route de l'Inca, au Pérou. Mais il y a aussi des sentiers moins connus, tout aussi intéressants, qui serpentent dans les montagnes, les vallées et les plaines du monde. Voici une petite compilation de grandes randonnées que j'ai faites au fil des années. Certaines sont difficiles en raison du dénivelé ou de l'altitude. D'autres sont un peu plus reposantes (il faut quand même s'entraîner et se mettre en forme avant le départ). Pour certaines randonnées, il faut porter un lourd sac à dos. Pour d'autres, il est possible de faire appel à des porteurs ou à des mules pour transporter les bagages. Parfois, il faut camper. Parfois, on peut relaxer dans un refuge bien chauffé. On peut organiser soi-même son voyage ou faire appel à une agence spécialisée, comme Karavaniers au Québec, Allibert en France ou Aurora Expeditions pour la Géorgie du Sud. Bref, voici un petit échantillon pour tous ceux qui ont des fourmis dans les jambes et de bonnes bottes de randonnée.

Chili : le vent de la Patagonie

Difficulté: modéré. Prix: 3000-8000$

Nous nous arrêtons pour le goûter sur un promontoire, entre les Cuernos del Paine, des montagnes acérées, et un lac aux eaux d'un vert crémeux. Au-dessus de nous, de grands oiseaux volent en économisant les coups d'ailes. Des condors.

Nous sommes en Patagonie, du côté du Chili, dans le parc national Torres del Paine. Il y a deux treks réputés à faire ici: le grand tour de Paine, une randonnée de 100 km, à faire en neuf ou dix jours, en autonomie. Ou une version plus courte, le W (appelé ainsi en raison de la forme du circuit), qui peut se faire en quatre ou cinq jours, et qui offre la possibilité d'utiliser des chevaux pour transporter les bagages.

Nous optons pour le W, qui nous permet tout de même d'observer de différents angles les étranges Cuernos: leurs sommets sont sombres, alors que les flancs sont d'une pierre plus claire.

Nous montons également jusqu'à des belvédères qui nous permettent d'admirer de plus près le glacier del Francés et le glacier Grey. Mais surtout, comme le grand tour, le W permet de goûter au fameux vent de la Patagonie. Même en plaçant la tente derrière de petits murs coupe-vent, le flap-flap de la toile m'empêche de dormir, jusqu'à ce que je me munisse de bouchons à oreilles. Un condor peut maintenir venir picorer ma tente, je ne m'en rendrai même pas compte.

Trek de cinq jours avec chevaux porteurs, à partir de Puerto Natales.

Népal : le premier trek parfait

Difficulté: modéré. Prix: 3000-8000$

Tout est silencieux, paisible dans la pièce où nous avons tous trouvé une couchette pour la nuit. Tout est silencieux...

Cot cot cot!

Nous pouffons de rire. Nos hôtes, une famille népalaise, ont libéré pour nous une pièce qui servait de débarras, mais ils ont laissé une poule sur place.

Nous venons de commencer une randonnée d'un peu plus d'une semaine au Népal. Le sentier que nous suivons, Helambu, n'a pas la renommée ou l'ampleur de grands treks comme le tour des Annapurnas ou le camp de base de l'Everest. Mais il n'en a pas les foules non plus.

C'est un petit trek sympathique, pas trop difficile, à une altitude modérée, à seulement 72 km de Katmandou. C'est le trek parfait pour les débutants.

Nous montons quand même jusqu'à 3600 m d'altitude, nous côtoyons des «dzo» (un hybride entre un yack et une vache) et nous admirons les sommets enneigés des hautes montagnes de l'Himalaya.

Pendant cette semaine, nous marchons de village en village, passant la nuit dans de petites auberges familiales. Nous avons un contact direct, constant, avec les gens d'ici.

Nous soupons dans ces auberges, ce qui permet de goûter au plat traditionnel, le dal bhat (riz et lentilles), encore, et encore, et encore...

Quelques poules ici et là nous permettent de varier le menu. Pour leur plus grand malheur, pour notre plus grand bonheur.

Sept jours de trek avec porteurs, à partir de Katmandou

Mali: balade au pays Dogon

Difficulté: modéré. Prix: 3000-8000$

Alors que le soleil plombe sur la savane, nous faisons une petite sieste à l'ombre d'un grand arbre, un karité. Étrange trek! En raison de la chaleur du soleil malien, nous partons tôt le matin et faisons une longue pause au milieu de la journée. Nous reprenons notre marche vers 15h, pas avant. Et nous cheminons vers le prochain village.

Nous sommes en pays Dogon, tout le long de la grande falaise de Bandiagara, au Mali. Le pays est aride, mais des champs bien verts ici et là égaient le paysage. Les villages sont particulièrement jolis: les cases de pisé, dotées d'un toit plat où il fait bon dormir pendant l'été, s'harmonisent parfaitement bien au paysage. Les greniers à grains sont particulièrement pittoresques avec leurs petits toits pointus en paille.

Dans l'un de ces villages, nous rencontrons l'Ancien, le Hogon, dans sa demeure à flanc de falaise. Nous échangeons brièvement sur la vie de tous les jours, les récoltes, avant de reprendre notre chemin.

Les femmes que nous croisons ont fière allure avec leurs jupes d'un indigo profond.

Nous terminons la randonnée au village de Telli, au bas de la falaise. La mosquée y est petite, mais extrêmement jolie, avec ses murs surmontés d'oeufs d'autruche.

Notre véhicule tarde à venir nous chercher. En attendant, j'erre dans le village sans but, sans mon appareil photo. Une toute petite fille décide alors de m'adopter et me fait passer de case en case pour me présenter à tel ou tel membre de sa famille. Je ne comprends pas ce qu'elle raconte, mais je devine:

«Regarde, matante, la belle touriste que j'ai trouvée!»

Randonnée de cinq jours avec boeufs porteurs, à partir de Bandiagara.

Terre-Neuve: chasse au trésor dans le parc du Gros-Morne

Difficulté: modéré. Prix: moins de 3000$

Je la vois! Elle est là, tout près!

C'est la plateforme de bois où nous pourrons monter notre tente pour la nuit, au lieu d'avoir à la monter sur une toundra détrempée. Nous poussons un soupir de soulagement. Après une journée de marche avec un lourd sac à dos, à chercher notre chemin, c'est un grand bonheur de pouvoir enfin prendre un peu de repos.

La traversée, dans le parc national du Gros-Morne, à Terre-Neuve, est un peu comme une chasse au trésor. Il n'y a pas de sentier officiel, il n'y a pas de balises. Au départ, les employés du parc nous montrent sur une carte où sont les sites de camping suggérés, les fameuses plateforme de bois, entre la pointe de l'étang Western Brook et le Gros Morne. À nous de trouver notre chemin avec cartes et boussole.

C'est un des grands plaisirs de cette traversée, qui offre des points de vue spectaculaires sur des fjords vertigineux et la chance d'observer une faune nordique. À commencer par les caribous.

Nous en voyons à l'horizon, mais pas moyen de les approcher. Et puis, nous nous arrêtons pour le goûter, mes camarades font une petite sieste. Nous voyant complètement immobiles, les caribous mettent leur prudence de côté et cèdent à la curiosité. Ils s'approchent, s'approchent, au point de nous toucher... ou presque. Avec des ruses de Sioux, j'essaie de saisir mon appareil photo sans les effaroucher... Clic! Capturé!

Quatre jours de randonnée en autonomie, à la boussole, à partir du parc national du Gros-Morne.

Éthiopie: gare aux babouins

Difficulté: modéré. Prix: 3000-8000$

Notre guide, Mulat, montre du doigt d'immenses murailles qui se dressent dans le lointain, de l'autre côté de la vallée.

«Nous serons là dans cinq jours. C'est à plus de 4000 m d'altitude.»

Ouf. Impressionnant.

Nous sommes dans les montagnes du Simien, en Éthiopie, dans un paysage de rêve, loin des clichés de misère et de famine. Des montagnes aux flancs couverts de végétation nous entourent. Les fleurs sont spectaculaires, depuis la lobélie géante, qui peut atteindre 3 m de hauteur, jusqu'au kniphofia, le tison de Satan, une fleur à cône rouge et jaune.

Jour après jour, nous gagnons de l'altitude, campant dans des sites de plus en plus vertigineux. Nous arrivons dans le royaume du babouin gelada, un gros singe au long poil soyeux, pas très timide, qui nous regarde avec un brin de supériorité. Nous apercevons aussi le bouquetin d'Abyssinie, qu'on ne trouve qu'ici.

Nous rencontrons aussi des villageois, qui cultivent des champs aux endroits les plus improbables, perchés au-dessus du vide.

Nous finissons par passer la barre des 4000 m d'altitude et arrivons au sommet des murailles que nous avions aperçues de loin au début de notre trek. La perspective est renversée, nous avons une vue plongeante sur la vallée, sur des villages entourés de champs bien verts. Loin des clichés.

Trek de neuf jours à une altitude de moyenne à élevée, avec mules porteuses, à partir d'Adi Arkay.

Géorgie du Sud: la traversée d'Ernest Shackleton

Difficulté: diabolique. Prix: plus de 8000$

Après deux ans de préparation, me voici enfin sur la plage de la baie de King Haakon, prête à entreprendre la traversée de l'île de la Géorgie du Sud, en Antarctique.

Je m'apprête à marcher sur les traces de Sir Ernest Shackleton, parti de cette plage avec deux compagnons, Frank Worsley et Tom Crean, pour tenter de rejoindre une station baleinière de l'autre côté de l'île. Shackleton voulait ainsi obtenir de l'aide pour sauver son équipage, 25 personnes en grand danger après que les glaces eurent écrasé leur navire, l'Endurance. C'était en 1916.

Ils réussirent à traverser la Géorgie du Sud, sans arrêt, en 36 heures, et à sauver leurs camarades. Un exploit.

Nous accomplissons le même trajet en trois jours, avec le matériel technique le plus perfectionné: crampons, piolets, harnais et cordes. Pendant les deux premiers jours, nous marchons et campons sur des glaciers, affrontant le vent et la pluie. Mais nous avons aussi droit à de grandes périodes ensoleillées et à un paysage somptueux de pics enneigés et de nunataks, ces pointes rocheuses émergeant de la glace.

À la fin de la troisième journée, nous arrivons à la station baleinière de Stromness, maintenant déserte. En 1916, des baleiniers norvégiens avaient chaudement accueilli Shackleton et ses deux compagnons. Nous sommes accueillis, un peu froidement, par des manchots et des otaries. Heureusement, notre propre navire, le Polar Pioneer, nous attend pour une bonne douche chaude.

Randonnée de trois jours en autonomie, avec matériel technique, à partir d'un navire de croisière ayant appareillé d'Ushuaia.

Kamtchatka: au milieu des volcans

Difficulté: modéré. Prix: 3000-8000$

Nous sommes chanceux. Après plusieurs jours de pluie, le soleil montre le bout de son nez. Et ce, juste au moment où nous entreprenons un trek d'une semaine au beau milieu des volcans du Kamtchatka, à l'extrême nord-est de la Russie.

Nous nous hâtons de prendre des photos de ces montagnes aux sommets ornés de neige, au beau milieu d'une toundra d'un vert brillant.

Organiser un trek au Kamtchatka, une région encore peu habituée au tourisme, est un cauchemar logistique.

L'hélicoptère qui devait nous transporter au milieu des volcans ne se présente pas. Nous devons donc modifier notre programme et nous y rendre en autobus et à pied.

Mais malgré tout, nous sommes chanceux. Jour après jour, le soleil est au rendez-vous alors que nous nous rapprochons du Bezymianny, un volcan qui a fait éruption quelques mois à peine avant notre voyage. Il est un peu plus tranquille ces jours-ci, mais une jolie fumerolle continue de s'échapper de son sommet.

Nous rencontrons quelques grizzlys sur notre chemin, mais ils sont plutôt timides et s'éloignent rapidement. Nous arrivons enfin à notre campement, au pied du Bezymianny. Le beau temps étant encore de la partie, nous faisons son ascension le lendemain. Nous ne pouvons pas nous rendre jusqu'au sommet du nouveau cratère en raison du danger de chutes de pierre, mais nous prenons notre goûter sur la crête de l'ancien cratère, à l'abri (du moins, c'est ce que nous espérons) d'un nouvel accès de colère du volcan.

Trek d'une semaine avec porteurs, à partir de Kosyrevsk.

Venezuela: le monde perdu

Difficulté: modéré. Prix: 3000-8000$

Des dinosaures. Si j'en crois Arthur Conan Doyle, le créateur de Sherlock Holmes, c'est ce que je trouverai au sommet du Roraima, un gros plateau escarpé dans l'est du Venezuela, à la frontière de la Guyane et du Brésil.

Dans son roman Le monde perdu, Conan Doyle raconte comment des scientifiques du début du XXe siècle font l'ascension périlleuse du Roraima et tombent nez à nez avec des créatures préhistoriques, réfugiées sur ce plateau inaccessible.

En réalité, l'ascension du plateau n'est pas très difficile: un passage existe le long des parois, qui permet de passer de la plaine aride au sommet du plateau, en passant par une brève zone de forêt tropicale.

Cette forêt disparaît peu à peu à mesure qu'on grimpe. Et c'est la surprise. Non, il n'y a pas de dinosaures ici. Mais il y a un paysage absolument irréel, qui ne ressemble à rien de ce que j'ai pu voir dans ma vie. Noir. Des rochers noirs aux formes fantastiques, érodés par le vent et les pluies, reposent sur de grandes plaques de pierre noire. Tout semble noir.

Jusqu'à ce que je remarque, ici et là, quelques zones isolées de sable rose. Des touffes d'herbes. Et un autre miracle: coincées entre ces cailloux noirs, des orchidées aux couleurs vives ajoutent une touche de délicatesse dans ce paysage rude et beau.

Nous dressons notre tente dans une cavité rocheuse et partons explorer ce monde perdu. Au fond d'une caverne, nous trouvons un étang, éclairé par un puits de lumière naturel, avec sa petite plage de sable rose. Je ne serais pas surprise d'y voir nager un ichtyosaure.

Un trek de cinq jours avec porteurs à partir de Santa-Elena.

Pérou: le chemin de l'Inca

Difficulté: modéré. Prix: 3000-8000$

C'est encore l'aube lorsque nous atteignons Intipunku, la Porte du Soleil, au dessus de Machu Picchu.

Nous nous asseyons pour apprécier pleinement cette vision. La cité mystérieuse, révélée au monde moderne en 1911 par l'Américain Hiram Bingham, repose devant nous, sur un promontoire rocheux, à l'ombre de la montagne Huayna Picchu.

Cela fait quatre jours que nous parcourons le chemin de l'Inca, au Pérou, avec, comme but ultime, la descente vers Machu Picchu et la visite de ces ruines au début du jour, avant l'arrivée de hordes de touristes.

Si Machu Picchu est le point d'orgue de ce trek, il n'est pas son seul attrait. D'autres ruines incas émaillent le sentier, visitées par les seuls randonneurs, conservant ainsi une atmosphère sobre, secrète. Un profond brouillard hante notamment les ruines impressionnantes de Phuyupatamarca pendant notre passage, à 3600 m d'altitude. Ce nom signifie d'ailleurs «la ville dans les nuages».

Un peu plus loin, les ruines de Huinay Huayna sont particulièrement harmonieuses, avec des terrasses qui s'échelonnent doucement le long d'une colline.

Autour de nous, les superbes montagnes des Andes attirent également nos regards.

Du XIIIe au XVIe siècles, les messagers incas parcouraient ce sentier, comme des dizaines d'autres sentiers, pour transmettre des messages d'un bout à l'autre du royaume. De grandes sections sont encore originales. Je suis émue à la pensée de marcher sur les pierres que foulaient ces messagers.

Randonnée de quatre à sept jours avec porteurs à partir de Cusco.

Islande: des rennes et des trolls

Difficulté: difficile. Prix: 3000-8000$

Avec précautions, nous nous approchons de la base d'une chute impressionnante qui se jette du haut d'une falaise.

Or, en arrivant sur un pan de rocher, près de la chute, nous réalisons que nous ne sommes pas à sa base. À mi-chemin, plutôt, car la chute continue de tomber jusqu'au fond d'une vallée, tout en bas. J'en suis bouche bée d'émerveillement.

Ce trek fascinant d'une semaine, entre le mont Snaefell et le désert coloré de Lónsöraefi, dans le sud-ouest de l'Islande, regorge de surprises du genre et de moments particulièrement forts.

Comme l'ascension du Snaefell, la plus haute montagne d'Islande avec 1833 m, au sommet couvert de neige. Ou la traversée d'une langue du grand glacier Vatnajökull, qui ne demande ni crampons ni corde, parce que ses quelques crevasses sont bien visibles et faciles à éviter. Ou encore, les étranges formations rocheuses, au dessus de gouffres, qui ressemblent à des têtes de trolls.

Nous devons traverser à gué quelques rivières glaciales, le vent est parfois brutal, mais nous passons la nuit dans de confortables refuges, bien chauffés, où il fait bon jouer aux cartes le soir venu.

À part quelques randonneurs comme nous, et quelques rennes égarés, il n'y a personne ici.

Nous arrivons enfin dans la région de Lónsöraefi, aux collines étonnantes de rhyolites aux douces teintes pastel. C'est, hélas, le retour à la civilisation.

Randonnée en autonomie de quatre à six jours, à partir du mont Snaefell.