L'ouverture de nouveaux hôtels de luxe d'origine asiatique à Paris, qui devraient faire venir dès la mi-octobre la nouvelle clientèle riche de cette région, va bousculer le monde feutré des palaces de la capitale, mais chacun espère néanmoins obtenir sa part du gâteau.

Le Royal Monceau-Raffles qui va dévoiler mardi ses nouveaux atours à <i>La Presse</i>, en prélude à son ouverture le 18 octobre, est le premier des quatre hôtels à s'implanter d'ici 2012 à Paris en se revendiquant «palace».

«Il y a de la place pour tout le monde», répond avec assurance à l'AFP le directeur général du George V, Christopher Norton.

Il est vrai que la situation d'aujourd'hui est bien meilleure qu'il y a un an, quand l'hôtellerie haut de gamme était malmenée par la crise économique.

Juillet 2010 a été exceptionnel, août un peu moins avec le ramadan qui a fait revenir chez elle la clientèle du Moyen-Orient, mais septembre est reparti vers les sommets grâce notamment au Mondial de l'automobile ou de la Foire internationale d'art contemporain.

L'offre parisienne va être sensiblement modifiée : aux quelques 1.150 chambres actuelles selon le rapport sur la création d'un label «palace» en France, vont s'ajouter 60% de chambres supplémentaires, une hausse inédite.

Le Royal Monceau-Raffles prévoit d'ouvrir 145 chambres et suites, le Shangri-La, 81 en décembre, le Mandarin Oriental, 138 à la mi-2011, et le Peninsula, 200 en 2012. Des unités qualifiées d'«assez petites» selon M. Norton, dont l'hôtel compte 245 chambres, le Plaza 191 et le Meurice 161.

Le taux d'occupation des palaces actuels, et peut-être plus celui des hôtels haut de gamme à la clientèle plus volatile, risque de pâtir de cette nouvelle concurrence, au moins un temps.

«Certains palaces traditionnels devront absolument se rénover sous peine de se déclasser», estime le directeur France du cabinet de conseil Jones Lang LaSalle Hôtels, Gabriel Matar.

Globalement, Paris «a l'épaisseur» pour absorber ces nouvelles adresses qui sont aussi le signe d'une reconnaissance de la capitale française «comme symbole de l'excellence hôtelière» mondiale, reconnaît-il.

Une ville où les palaces affichent aussi des prix plus élevés qu'à Londres ou New York, avec un prix moyen de 900 euros la nuit.

Pour le Shangri-La comme pour le Royal Monceau-Raffles, il s'agira en outre de premiers ponts jetés en Europe. Ce que Gabriel Matar voit comme «autant de tapis rouges» déroulés vers les nouvelles classes riches des pays émergents.

Le directeur général du George V se souvient lui qu'«il y a cinq à six ans», les Russes ne représentaient que deux à trois pour cent de sa clientèle contre huit pour cent aujourd'hui. Les Indiens et les Chinois se situent actuellement entre deux et quatre pour cent contre 35% pour les Américains.

Ces ouvertures vont accélérer leur venue car «quand un Mandarin oriental ou un Shangri-La ouvre, du jour au lendemain, ce sont 15 à 20 bureaux commerciaux qui intègrent Paris dans leur offre», estime Gabriel Matar.

À l'inverse, pour ces chaînes, il s'agit d'obtenir la reconnaissance de Paris pour leurs marchés internationaux.

La nouvelle clientèle des palaces, plus jeune selon M. Norton - «moins de 40 ans contre moins de 50 ans en 1999» -, constitue en outre une manne supplémentaire pour l'industrie du luxe français qui compte aussi bénéficier de leur venue par leurs achats.

Reste que pour les nouveaux entrants, il faudra sans doute attendre pour s'appeler officiellement «palace». Les critères en cours de finalisation pour l'obtention du nouveau label devraient demander au moins cinq ans d'exploitation.

Pas de quoi décourager de nouveaux investisseurs. Le Lutétia, propriété de l'Américain Starwood Capital, a été cédé cet été au groupe israélien Alrov alors que le Crillon est toujours en vente.

Et le groupe LVMH, numéro un mondial du luxe, a annoncé l'ouverture d'un hôtel de luxe dans son projet de réaménagement de la Samaritaine à l'horizon 2013-2014.