Depuis une trentaine d'années, des hordes de visiteurs se précipitent au coeur de l'Anatolie, la Turquie asiatique, pour admirer les paysages lunaires de la Cappadoce. Bonne nouvelle: le tourisme de masse n'a pas entaché la beauté et le mystère de ces monuments de cendre volcanique solidifiée sculptés par l'érosion depuis 30 millions d'années.

JOUR 1

18h30

Quand le dolmus (minicar interurbain) nous dépose à l'otogar de Göreme, nous avons déjà oublié les cinq heures de trajet en autocar depuis Ankara, capitale de la Turquie. Depuis une heure, nous ne savons plus où donner de la tête tellement les paysages lunaires de la Cappadoce sont inusités, plus spectaculaires encore que ce qu'en donnaient à voir les photos pourtant alléchantes de la région. Face au terminus, sur un plateau qui domine une rangée de modestes boutiques, des touristes contemplent le coucher de soleil. À droite, des maisons sortent comme par magie d'étranges pitons rocheux. Nous sommes ailleurs, c'est évident, mais sommes-nous encore en 2009?

21h30

Nous logeons au Taskonak, petit cousin du Kelebek, le premier hôtel de charme de Göreme, où nous avons soupé. Notre chambre est moderne, spacieuse, confortable, mais un peu fraîche et humide. Normal, il s'agit d'une chambre troglodytique, adossée à un mur de caverne. En mai, la chaleur cappadocienne est appréciée, mais le soir venu, il vaut mieux prévoir une petite laine. L'été peut être très chaud mais sec, et l'hiver, le mercure tombe au-dessous de zéro et la neige est de la partie.

JOUR 2

7h30

Le premier coup d'oeil sur Gorëme depuis la terrasse de l'hôtel, où l'on prend le petit-déjeuner, nous convainc que nous n'avons pas rêvé. Les champignons géants - d'autres y verront des phallus - qui se profilent dans le ciel sans nuage sont bel et bien réels. Les gens du coin ont joliment surnommé ces pitons de tuf coiffés d'un bloc de basalte «cheminées de fées», convaincus que des fées vivaient sous terre. Le petit-déjeuner buffet est correct; ici, le festin est pour les yeux.

10h

Nous avons opté pour le circuit organisé en minibus, avec guide. Première leçon: faites vos réservations avec une agence de voyage en Cappadoce et non pas depuis Istanbul où c'est plus onéreux. Premier arrêt tout près, aux abords d'Uçhisar, un village en forme de piton rocheux que domine une citadelle. On raconte qu'un Italien et un Japonais, sans doute soufflés par le panorama depuis les hauteurs d'Uçhisar, ont basculé dans le vide, emportant dans l'au-delà leurs beaux souvenirs. En face, c'est la vallée des Pigeons, où s'alignent des rochers percés de minuscules fenêtres. C'est là qu'habitent ces oiseaux dont les Cappadociens ramassent la fiente pour engraisser leurs terres arides.

11h

On a découvert une trentaine de cités souterraines en Cappadoce et nous visitons la plus grande, Derinkuyu, d'une profondeur de 60 mètres, sur huit étages. La descente est déconseillée aux claustrophobes, mais les tunnels et les escaliers sont sécuritaires, bien qu'un peu étroits. Certaines de ces cités étaient déjà habitées par les Hittites il y a près de 4000 ans, mais ce sont surtout les chrétiens - ils pouvaient être jusqu'à 20 000 à Derinkuyu - qui y ont trouvé refuge du IVe au XIe siècle. D'où les chapelles qui voisinent des chambres, des cuisines, des entrepôts, des caves à vin et même des écuries!

13h

Randonnée pédestre dans la vallée des gorges d'Ihlara. Des moines byzantins se sont installés ici et ont creusé dans le roc des chapelles où subsistent quelques fresques en plus ou moins bon état. En cours de route, nous croisons deux ânes qui font la sieste aux abords de la rivière Melendiz, à l'ombre des pistachiers. La vraie vie! Les sportifs peuvent passer la journée dans ce canyon. Nous y marchons une heure avant de casser la croûte dans un resto au bord de la rivière.

Sur le chemin du retour, nous grimpons jusqu'aux grottes de Selime, où un monastère a été aménagé dans le roc au VIIIe siècle. Quelques siècles auparavant, saint Paul lui-même se serait arrêté à Selime alors qu'il évangélisait l'Asie mineure. C'est aussi dans ce paysage fait sur mesure qu'on a filmé des images de Star Wars.

19h

De retour à Göreme, nous nous arrêtons au Dibek, un restaurant aménagé dans une élégante maison traditionnelle où on sert de la vraie cuisine locale. Dont le testi kebap, un ragoût de boeuf aux légumes qui a mijoté pendant des heures dans un plat scellé en terre cuite qu'on brisera avec un couteau devant les convives. Fallait toutefois commander ce plat au moins cinq heures d'avance. Pas grave: le plat de haricots blancs, agneau et sauce tomates, et les mantis, petites pâtes farcies dans une sauce aux tomates et yogourt, étaient délicieux.

JOUR 3

10h

Il y a foule au musée en plein air de Göreme, inscrit au Patrimoine mondial de l'UNESCO. Les visiteurs font la queue à l'entrée des chapelles où ne pénètre qu'un filet de lumière. Pas étonnant que les fresques saisissantes qui reconstituent des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament ou des épisodes de la vie des saints y soient aussi bien conservées.

13h

De la vallée de Devrent, dite vallée des Cheminées de fées, nous apercevons au loin le mont Argée, un volcan éteint, plus haut sommet en Cappadoce à 3916 mètres. C'est à ses éruptions, il y a des millions d'années, que l'on doit la géographie particulière de la région. Sur le chemin du retour, nous croisons un vendeur fort sympathique qui recommande particulièrement ses abricots séchés aux vertus aphrodisiaques. «Avec ça, tu pourras faire l'amour cinq fois pendant la nuit», dit-il aux clients potentiels. Son sourire engageant incite à le croire sur parole.

17h30

Une partie du groupe fera une randonnée dans la magnifique vallée de la Rose avant le coucher du soleil. Pas nous. Il faut filer sur Ürgüp et l'Esbelli Evi, le plus bel hôtel de charme de notre voyage, où nous attend une chambre troglodyte tout confort. Le personnel avenant nous recommande fortement le Ziggy Café, où nous nous régalons de mezes, des tapas turcs, bien arrosés d'un excellent vin bio de la région. Nous rentrons à pied et faisons le plein de sommeil. Heureusement parce que la nuit suivante, nous ne fermons pas l'oeil du voyage en autocar d'Ürgüp à Antalya, une station balnéaire sur la côte méditerranéenne.