Avec ses eaux brunâtres, ses marais à répétition et l'urbanisation de ses rives, la rivière des Mille-Îles me paraissait un terrain de jeu très peu invitant pour la navigation à la rame. Or, en canotant de la municipalité de Deux-Montagnes jusqu'au pont Marius-Dufresne (route 117), dans le quartier Sainte-Rose à Laval, j'y ai découvert un milieu de vie d'une richesse faunique exceptionnelle, si près de la ville.

J'ai profité de la récente inauguration de la Route bleue des voyageurs, une voie navigable de 155 km qui relie le barrage de Carillon sur la rivière des Outaouais à Saint-Sulpice, sur le Saint-Laurent, en passant par les rivières des Mille-Îles et des Prairies, pour explorer la section «Mille et une îles», une des huit sections de cette nouvelle route maritime.

Qu'est-ce que la Route bleue des voyageurs? C'est un réseau de mises à l'eau, d'arrêts d'urgence, d'aires de repos, de services d'hébergement et de restauration accessibles aux embarcations à faible tirant d'eau (canot, kayak et petit voilier). Cette voie navigable, qui permet de s'adonner au canot-camping, constitue un tronçon du vaste Sentier maritime du Saint-Laurent.

C'est au pied des rapides du Grand-Moulin, à l'extrême ouest de Laval, que nous avons mis notre canot à l'eau. Notre objectif: canoter jusqu'au parc de la Rivière-des-Mille-Îles, 12 km plus loin, en traversant les municipalités de Deux-Montagnes, Saint-Eustache et Rosemère. Sophie Dorion, biologiste à l'organisme Éco-Nature, maître d'oeuvre de ce projet, me guidera dans cette expédition.

De notre point de départ, à la berge de l'Anse, un panneau signale la présence de la Route bleue des voyageurs. Partout sur les rives, ces écriteaux guident désormais les pagayeurs urbains en mal de nature. Cela permet de trouver les bons emplacements pour profiter des aires de repos ou pour sortir les canots, évitant ainsi d'empiéter sur les terrains privés.

Dès le départ, la faune nous en met plein la vue. En fait, j'ai rarement vu une telle concentration d'oiseaux. Des grands hérons pêchaient aux 50 mètres. Des canards branchus et colverts, des bernaches, des aigrettes et des sternes se reposaient partout sur les rives. Sur les roches, de nombreuses tortues peintes se prélassaient au soleil.

Des poissons nageaient aussi partout, bien visibles sous l'eau. Des petits, bien sûr, mais aussi de grosses carpes qui attendaient au dernier moment pour s'enfuir. «Les basses terres du Saint-Laurent constituent la région la plus fertile du Québec et la plus riche en matière de biodiversité. Cette richesse se reflète aussi dans l'eau», me fait remarquer ma compagne de canot.

Au lieu d'une eau nauséabonde, comme on aurait pu s'y attendre en raison du très faible débit de la rivière cet été, j'ai vu une eau transparente sur la majorité du parcours. «Si, à plusieurs endroits, l'eau affiche un haut taux de turbidité, ce n'est pas un signe de pollution, mais simplement de sédiments en suspension. Règle générale, la qualité de l'eau de cette rivière surpasse les eaux turquoise du Saint-Laurent», soutient ma guide. Pas propice à la baignade, certes, mais parfait pour le coup de pagaie.

Au fil de l'eau, on découvre les attraits de la section «Mille et une îles». Sur la rive nord, on peut admirer l'église des Patriotes et le moulin Légaré, à Saint-Eustache. Un peu plus loin, le sentier écologique Claire-Yale, qui recèle une faune et une flore uniques, mérite une pause «dégourdissement». Tout au long du parcours, de nombreux marais constituent des lieux privilégiés pour l'observation de la faune.

Chose certaine: le canot-camping en milieu urbain comporte certains avantages dont on ne peut profiter en pleine nature. Chemin faisant, on peut s'arrêter pour une pause relaxation au spa Le Finlandais et quand la nuit s'installe, l'auberge-spa L'Oasis de l'île accueille les canoteurs en chambre ou en camping. Toute une différence avec le canot-camping à la dure dans les Laurentides.

Où étaient les bateaux à moteur? Nous n'en avons vu aucun. «L'eau est trop basse actuellement», indique ma guide. On a donc profité de la sainte paix, une denrée rare en milieu urbain. Le seul hic de ce débit anémique, nous avons entièrement parcouru les kilomètres à la force de nos bras, sans l'aide du courant.

Notre évasion urbaine s'est terminée au parc de la Rivière-des-Mille-Îles. En bénéficiant de plus de temps (et d'une meilleure forme physique!), il aurait été possible de poursuivre notre aventure jusqu'à Terrebonne, une des plus belles portions de la Route bleue. La prochaine fois, c'est sûr et certain, j'apporte ma tente!

Les cartes de la Route bleue des voyageurs sont offertes à la Fédération québécoise de canot et de kayak ou par l'entremise de l'organisme Éco-Nature.

Infos: www.sentiermaritime.ca