«On a travaillé assez fort pour sortir de la misère, on ne va pas y retourner!» disait mon père en parlant du camping. Pour lui, il était hors de question de soumettre ses enfants à cette forme de torture, avec ses assauts incessants de mouches noires, la tente bringuebalante qui coule et les guimauves brûlées sur le feu de camp. Alors, imaginez son air hébété lorsqu'il me voit partir dans les bois... volontairement. Quelle mouche m'a piqué?

Eh oui, pour ma copine et moi, et maintenant mes enfants, le camping, c'est presque un mode de vie. Pour nous, loin du bitume, du confort moderne, sans moyens de communication dignes de ce nom, il n'y a pas meilleur moyen pour se reconnecter avec la nature... et nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi. Le camping compte de plus en plus d'adeptes au Québec. À preuve: depuis une décennie, le nombre de nuitées dans les terrains de camping de la province a explosé, tout comme le nombre de magasins spécialisés dans le plein air.

 

Camping nouveau genre

Sauf que l'art du camping évolue. Fini l'époque où le meilleur magasin pour trouver du matériel de camping était le surplus d'armée. «On est passé de la fameuse tente canadienne en tissu, qui sentait le moisi et qui exigeait un temps fou pour la monter, à la tente en forme d'igloo autoportante en matériaux synthétiques, plus légère, plus compressible et ayant une meilleure aération», rappelle François-Xavier Delemotte, directeur communication et marketing pour le Québec de Mountain Equipment Coop.

Mais il n'y a pas que la tente qui a subi une révolution. Sac de couchage compact, vêtements multicouches, lampe frontale ultralégère, chaudron en titane, chaise pliante, alouette! L'attirail moderne facilite la vie du campeur. «On peut désormais vivre des vacances de luxe en nature, avec sa machine à espresso et son hamac!» constate Louise Gagnon, directrice des communications de la Fédération de camping et de caravaning du Québec.

L'ère du «glamping»

Signe des temps, des repas gastronomiques se dégustent sur les tables à pique-nique, tandis que le vin détrône la bière tablette comme boisson officielle des campeurs. Se donner de la misère en forêt, plus jamais! La mode est au «glamping», une contraction des mots glamour et camping. Quintessence de cette évolution, c'est la vogue du prêt-à-camper, où des terrains de camping louent des tentes hyper confortables équipées comme un chalet.

Dans le réseau des parcs nationaux québécois, les tentes Huttopia et les yourtes connaissent un succès boeuf. «On apporte sa nourriture et le tour est joué», dit Lucie Boulianne, porte-parole de la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ). D'ailleurs, cette soif pour le camping de luxe propulse à la hausse la vente de véhicules récréatifs (voir autre texte).

Quant aux terrains de camping rustique sans services, ils perdent en popularité. Les campeurs font les difficiles. Ils réclament eau, électricité et égouts (dans le cas des VR) directement sur leur terrain. Et les douches à proximité. Même dans la nature sauvage, on ne saute pas une journée sans se laver. «Les terrains avec services sont réservés nettement avant les autres. Le terrain parfait est super intime... mais près des services», constate Philippe Jolicoeur, chef d'équipe camping et pêche à la journée de la SEPAQ. Le paradoxe, ici, ne tue pas.

De plus en plus de sites

Côté offre, le nombre d'emplacements offerts dans la province a grimpé de 21% de 2000 à 2008, passant de 93 734 à 113 379, indiquent les données de Camping Québec, association qui regroupe la majorité des propriétaires de terrains de camping de la Belle Province. Mais la fréquentation des campings augmente encore plus vite, avec un taux d'occupation moyen passant de 61,2% en 2000 à 65% en 2008. Résultat: il faut s'y prendre d'avance pour réserver les meilleurs terrains.

Le camping, donc, n'est plus réservé aux pros du plein air. Facile, maintenant, d'aller en nature sans s'isoler complètement. «La pratique du «camping de char», où l'on monte sa tente à l'ombre de sa voiture, se popularise, notamment dans les parcs nationaux», dit M. Delemotte.

Les gens sont aussi plus téméraires. Camper avec des bébés n'est plus un sport extrême. Ludwig Dubé a amené sa fille Iris en camping pour la première fois alors qu'elle n'avait que 5 semaines! «Avec notre chaufferette portative, on ne craint plus les nuits fraîches», dit ce campeur aguerri, qui a délaissé la tente il y a quelques années pour la tente-roulotte.

Campeurs civilisés

Le campeur fait aussi preuve d'une plus grande civilité. Les beuveries en groupe réveillant toute la communauté sont en voie de disparition. «Les couvre-feux font maintenant partie des règlements des terrains de camping et sont appliqués plus rigoureusement», dit Amélie Gagné, porte-parole de Camping Québec. Gare à vous si vous ne les respectez pas!

Pourquoi camper? Pour Ludwig Dubé et sa conjointe Mélanie Gauthier, parents de deux jeunes enfants, il n'y a pas de meilleur moyen pour profiter des endroits reculés du Québec. «Camper près d'un lac, entouré de nature, c'est encore mieux que dormir dans un hôtel face à un lac», disent-ils. Pour cette raison, les parcs nationaux constituent les endroits de prédilection pour leurs évasions nature.

Le désir de vivre une vie plus saine sert également de motivation. «Quoi de mieux pour les enfants que de jouer au grand air?» dit Amélie Gagné, de Camping Québec. Pour Louise Gagnon, c'est tout simplement la manière la plus agréable pour voyager avec la marmaille. «Avec deux enfants à l'hôtel, le week-end est long, alors qu'en camping, ils ont toujours quelque chose à faire», dit-elle.

À condition qu'il ne pleuve pas!