Après la mode du camping, des chalets et des motorisés, voici que les Québécois sont de plus en plus nombreux à passer leur été sur leur bateau... amarré. Loin des bouchons de circulation et des maringouins, ils pratiquent le camping nautique. La Presse a visité des marinas de la région métropolitaine et a rencontré des familles qui ont adopté ce nouveau mode de vie estival.

Robert Dupuis grille une cigarette sur la banquette du pont arrière du Club House, un bateau de 37 pieds ancré au quai de la marina de Repentigny. Dans la cabine, sa conjointe Nathalie Aubry lave la vaisselle au-dessus du lavabo, devant la machine à glace et une des deux chambres à coucher.

 

Comme plusieurs plaisanciers québécois, le couple habite à bord de son embarcation durant la période estivale. Beau temps, mauvais temps. Ces chalets flottants passent le plus clair de leur temps amarrés aux quais, dans ces marinas aux allures de campings nautiques.

Robert Dupuis et Nathalie Aubry sont d'irréductibles mordus du bateau, au point d'y dormir, d'y passer leurs temps libres et d'y revenir après le travail.

Et ce, même si leur «vraie maison» est située à 3 km de la marina. «On a les mêmes commodités que chez nous: la télévision, la radio, l'internet, mais on vient surtout pour le contact humain», admet M. Dupuis, propriétaire avec sa compagne d'une boutique à Repentigny.

Difficile de ne pas se faire des amis dans une marina où les embarcations sont cordées les unes contre les autres. «Tout le monde se parle, se salue. Quand un bateau arrive, les gens se précipitent pour l'aider à accoster», raconte M. Dupuis.

Et pour ces grands plaisanciers, pas question de troquer le bateau contre un chalet. Ou l'eau contre la forêt. «Le chalet demande plus d'entretien. En plus de recevoir des comptes de téléphone, de taxes scolaires ou municipales, tu dois rouler dans le trafic pour t'y rendre. En bateau, on ne paie qu'un droit de quaiage au début de la saison», souligne M. Dupuis.

Mais au-delà de l'argent, tout est d'abord une question de goûts et de choix. Et les plaisanciers se passionnent pour une chose par-dessus tout: la liberté que leur procure leur embarcation. «En général, on aime prendre l'eau le samedi, jeter l'ancre au large des îles de Boucherville, se faire bronzer ou se garer près de l'île Sainte-Hélène pour les feux d'artifice.»

L'été sur le Bentley II

La forte averse ricoche sur la toile au-dessus du pont du Bentley II, un bateau de 35 pieds de style flying bridge amarré à la marina située au Vieux-Port de Montréal. Le gouvernail de l'embarcation se trouve sur un pont supérieur, accessible par une échelle.

Assise à une table, Raphaëlle, 14 ans, joue au Monopoly avec sa soeur Alexandra, 15 ans. En cet été pluvieux, elles doivent faire preuve d'imagination pour tuer le temps. Le bateau tangue doucement. «C'est relaxant, j'ai toujours envie de me reposer ici», admet Raphaëlle. «Pour moi, un bateau, c'est vivant», enchaîne son beau-père Albert Daoust, propriétaire de l'embarcation.

Si certains craquent pour un chalet dans le bois, la verdure et l'odeur des épinettes, cet amant de la mer de Valleyfield passe ses étés à bord de son bateau. De temps à autre, il déplace son chalet flottant de marina en marina. Lors de notre passage, il profitait d'un séjour à Montréal, à environ un mille marin du centre-ville. «On est ici quelques jours. On sort les bicyclettes», raconte M. Daoust.

Comme au camping

Avec ses 500 bateaux et son canal bordé de jolis restaurants et d'appartements branchés, la marina de Lachine fait le bonheur des habitués. À bord du Ecstasea, Luc Daoust et Dominique Pleau bouclent les derniers préparatifs avant de lever l'ancre en direction de Charlevoix. Leur chien Micka dort en boule à l'ombre. Une famille de canards nage derrière le bateau. Selon M. Daoust, un chalet est un investissement, tandis qu'un bateau est carrément un luxe. «Si mes finances vont mal, c'est la première chose que je coupe», explique ce distributeur de lait, une bière à la main.

Le couple de Laval navigue environ 150 heures par saison. Le reste du temps, il habite le bateau à quai. «Je ne sors jamais le bateau les fins de semaine, il y a trop de trafic sur l'eau», explique M. Daoust, qui aime organiser des soupers communautaires avec ses voisins de la marina où, comme dans les campings, le nombre de décibels doit descendre après 23h.

Sans attache

Nicole Plante, chic dans sa robe d'été, enjambe le pont de son bateau jusqu'au quai de la marina Bo-Bi-No, située sur la rivière des Mille-Îles à Laval. Elle et son mari passent pratiquement tout l'été sur l'Aper'eau, une jolie embarcation aux banquettes blanches et fleurie de beaux bouquets. «Les gens des marinas sont toujours de bonne humeur, c'est l'effet vacances. Dès qu'il fait beau, on va dehors», explique cette plaisancière, qui rêve de vendre sa maison et habiter à temps plein sur un plus gros bateau, à sa retraite, dans quelques années. «Contrairement à un chalet, tu peux partir et jeter l'ancre n'importe où. Tu es sans attache», laisse-t-elle tomber.