Nous sommes arrivés dans le quartier de la Savane, près du fort militaire de Fort-de-France, alors que retentissaient les rythmes des tambours et des calebasses, les fameuses chachas. Plusieurs groupes de danseurs et de musiciens avaient commencé à défiler. La musique retentissait comme un joyeux tintamarre. Il y avait des couleurs partout. Ce n'était pas encore le carnaval mais la Foyal' Parade.

Foyal comme «Fort-Royal», l'ancien nom de Fort-de-France, en créole. La Foyal' Parade, c'est un peu la répétition en janvier du défilé du carnaval martiniquais qui aura lieu cette année, du 21 au 25 février. Une sorte d'ouverture officielle des festivités du carnaval, un tour de chauffe des carnavaliers en prévision du grand défilé du 22 février.

 

Le carnaval tient une grande place dans la vie sociale de la Martinique. Comme ailleurs dans le monde, notamment au Brésil, on se prépare toute l'année pour le prochain carnaval. On prépare son costume, on réfléchit à son maquillage ou au thème qu'on choisira pour le défilé.

Quand arrive la période du carnaval, rien d'autre n'a plus d'importance. C'est comme si tout le monde se concentrait à faire la fête et à oublier le sérieux de la vie. Surtout de nos jours, alors que le chômage frappe durement les Martiniquais et que divers problèmes sociaux (drogue, violence) émergent dans l'île comme ailleurs.

Le carnaval est alors un véritable exutoire durant lequel les écoles ferment, les fonctionnaires ralentissent et les nuits s'écourtent. Même le secteur privé, notamment commercial, participe. Ainsi, il ne faut pas être étonné de croiser à Fort-de-France des commerçants déguisés aux couleurs officielles du carnaval. On appelle cette activité le Tardival.

Le 18 janvier dernier, il y avait un monde fou sur les trottoirs pour voir la Foyal' Parade et ce, tout au long du parcours. Les belles jeunes filles ont fait tourner les têtes. Vêtues de costumes chatoyants, certaines se sont maquillé le visage avec beaucoup de soin. Elles sont superbes, «des femmes catalogue», comme on dit en Martinique en parlant d'une très belle femme.

Nous avons vu aussi des musiciens âgés souffler dans des conques de lambi, le beau coquillage des Antilles. Mais ce qui surprend le visiteur, c'est l'engouement des jeunes, très nombreux. Ils prennent plaisir à participer, rient aux éclats, se concentrent à bien danser ou saluent fièrement leurs amis dans la foule.

«Toutes les écoles s'activent car les étudiants apprécient énormément de participer chaque année aux défilés et aux autres activités», dit Catherine Morellon, du Comité martiniquais du tourisme, qui nous a guidés dans la foule de la Foyal' Parade. Il y a d'ailleurs un Carnaval des Juniors dans les rues de Fort-de-France. Juste pour les jeunes.

La reine du Carnaval a été choisie parmi des candidates de 5 à 77 ans. En fait, on a choisi la reine, la mini-reine et la reine-mère! Le jour de la Foyal' Parade, il y avait bien des candidates pour ces postes honorifiques. Chaque troupe avait rivalisé d'ingéniosité pour trouver des costumes originaux, avec des tissus de toutes les couleurs, du vert fluo au rouge et or en passant par le traditionnel madras, ce tissu antillais aux couleurs de jaune et de rouge dominants. Ainsi, pour le carnaval, les reines ont une robe blanche avec une sur-robe en tissu de madras.

Chaque journée du carnaval a un thème ou une activité particulière: des bals, des défilés (qu'on appelle les «vidés»), des mariages burlesques, avec les hommes qui se travestissent, etc. Il y aura aussi le jour des Grands Diables et finalement la mort de Vaval, le roi du carnaval.

Le carnaval s'achève toujours par l'embrassement de «Bois Bois», l'effigie de Vaval, qui sera jetée le mercredi des Cendres dans la baie de Fort-de-France par les carnavaliers qui crieront «Vaval mô!» («Le carnaval est mort!») après avoir lancé des «Vaval pa quitté nou!» («Carnaval, ne nous quitte pas!»). Jusqu'à l'année prochaine.

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