Le gouvernement français affronte un conflit social de plus en plus dur dans les îles antillaises de la Guadeloupe et de la Martinique, paralysées par une grève générale, qui pourrait se propager à la Réunion, département français dans l'océan Indien.

Confirmant les craintes gouvernementales, le mouvement de grève générale contre la vie chère fait tache d'huile et touche les départements d'outre-mer (DOM) les uns après les autres: la Guadeloupe est paralysée depuis le 20 janvier, la Martinique est entrée dans sa deuxième semaine de grève, et la Réunion a annoncé une mobilisation pour le 5 mars.

Les leaders syndicaux et associatifs ont mobilisé sur le thème de la vie chère et les revendications sont très similaires d'un département à l'autre, au premier rang desquelles une augmentation de 200 euros des bas salaires.

À la Réunion, le plus peuplé des DOM avec 750 000 habitants, le mot d'ordre de grève comprend aussi une baisse de 20 % des produits de consommation courante et une baisse de 5 euros sur la bouteille de gaz.

En Guadeloupe, d'où est parti le mouvement, les négociations ont été rompues jeudi soir en raison du refus de l'État de financer la hausse de 200 euros des salaires, qui doit selon le Premier ministre François Fillon être négociée entre partenaires sociaux.

Après deux allers-retours entre les Antilles et la capitale, le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer Yves Jégo est revenu vendredi à Paris, et a estimé que «tout était sur la table pour une issue au conflit».

«Les Antillais en ont assez», a-t-il dit, rappelant avoir soumis aux syndicats martiniquais 39 propositions et installé deux médiateurs en Guadeloupe.

Une concession du gouvernement sur la question des salaires risquerait de l'exposer à la même demande en métropole, où les organisations syndicales préparent un «sommet social» avec le président Nicolas Sarkozy le 18 février, avant une nouvelle journée d'action nationale le 19 mars.

La dirigeante de l'opposition socialiste Martine Aubry a d'ailleurs évoqué vendredi une possible contagion de la contestation en métropole. «Je crains effectivement que le sentiment de ras le bol des Guadeloupéens et des Martiniquais se diffuse ici», a-t-elle déclaré dans un entretien au quotidien populaire Le Parisien.

La patronne du PS a accusé le président de la République Nicolas Sarkozy de «rester sourd aux attentes des Français».

M. Sarkozy s'est exprimé vendredi pour la première fois sur ce conflit, en annonçant la mise en place «sans délai» d'un conseil interministériel de l'Outre-mer, chargé de faire des propositions sur la rénovation de la politique menée par l'Etat.

«Cette crise sociale aux Antilles doit nous interpeller collectivement», a-t-il déclaré lors du conseil des ministres.

La crise se double aussi d'un conflit latent entre noirs et blancs.

En Guadeloupe, comme en Martinique, ce sont toujours quelques familles blanches, descendantes des colons et esclavagistes, qui contrÈlent la majeure partie de l'économie.

Les propos d'un entrepreneur béké (créole blanc) de Martinique affirmant vouloir «préserver sa race», dans un reportage télévisé, ont encore accru la tension.

M. Jégo a qualifié ces déclarations de «parfaitement ignobles» et le parquet de Martinique a ouvert en début de semaine une information judiciaire notamment pour «incitation à la haine raciale».