Les bars sont bien moins remplis ces jours-ci à Patpong, un des quartiers «chauds» de Bangkok, où le sexe est en solde en raison d'une baisse de la fréquentation étrangère, consécutive à la crise des aéroports.

«C'est la haute saison (touristique) mais, en ce moment, c'est comme si c'était la basse saison», déplore Nan, hôtesse dans un bar quasiment désert.

À l'extérieur, sous un néon rose blafard, dix jeunes femmes, en déshabillé et identifiées par un badge numéroté, attendent le client désespérément.

Bien que les manifestants royalistes de l'Alliance du peuple pour la démocratie (PAD) aient levé le blocus des aéroports de Bangkok le 3 décembre après la chute du gouvernement élu, les effets du chaos ont été immédiats sur la florissante industrie touristique, pilier de l'économie thaïlandaise.

Le tourisme sexuel n'est pas épargné, alors que Patpong et d'autres quartiers de Bangkok, truffés de bars et de «salons de massage», sont totalement dépendants des étrangers pour faire tourner les affaires à plein régime.

L'occupation pendant huit jours des aéroports de la capitale avait piégé en Thaïlande 350 000 voyageurs qui repartent progressivement depuis la semaine dernière, tandis que les touristes arrivent en moins grand nombre de l'étranger.

«Thaïlande: problème, pas de clients», explique Lam, un «rabatteur» dans la rue, employé par le bar de Nan pour orienter les touristes vers de «bons plans» sexuels. «C'est à cause de l'aéroport. Mais, maintenant, tout est rouvert», clame-t-il, alors que l'autorité chargée du tourisme en Thaïlande n'est pas si optimiste.

Outre des pertes immédiates chiffrées en milliards de dollars, des responsables thaïlandais ont averti que le royaume pourrait recevoir en 2009 moitié moins de visiteurs en raison de l'effet combiné de la crise économique mondiale et de la mauvaise image projetée par le «Pays du Sourire» suite au blocus des aéroports.

En 2007, 14,8 millions d'étrangers étaient venus en Thaïlande et les autorités s'attendent à une moyenne inférieure dès cette année.

À Patpong, l'heure est au rabais et des tarifs à 1500 bahts (50 $) pour deux heures de service «spécial» peuvent maintenant être négociés à 800 bahts (24 $) avec certaines prostituées.

Outre les bars, les cabarets de divertissement, animés par des «ladyboys» (transsexuels), semblent également souffrir de la crise.

«La fermeture des aéroports a sérieusement affecté nos affaires», admet Nipon Boonmasuwaran, directeur marketing du spectacle de travestis Calypso.

«Nous avons actuellement 50 invités pour notre théâtre de 350 places», indique-t-il, en précisant qu'un des deux spectacles quotidiens a été annulé et que des milliers de billets gratuits ont été distribués dans des hôtels.

Deux Américains - Lisa Richardson, 30 ans, et Michael Latham, 29 ans - expliquent justement qu'ils ne seraient jamais allés voir un spectacle à Patpong s'ils n'avaient pas été piégés en Thaïlande.

Le fait d'être bloqués pendant «une semaine supplémentaire nous a convaincus de venir boire un verre», dit M. Latham.

La Thaïlande reste une importante destination pour le tourisme sexuel. Bien qu'officiellement, la prostitution soit illégale, les estimations du nombre de personnes de sexes féminin et masculin, employées dans ce secteur, se chiffrent au moins par centaines de milliers. Des provinces pauvres du nord-est envoient régulièrement d'importants contingents de jeunes femmes vers Bangkok.

Dans son bar de Patpong, Nan espère le retour des touristes, car elle doit faire parvenir une bonne partie de l'argent qu'elle gagne à sa famille qui vit près de la frontière cambodgienne. «Peut-être dans quinze jours, un mois, ça reviendra».