Bruno doit, en principe, commencer dès ce soir ses reportages à l'émission 3600 secondes d'extase, sur les ondes de Radio-Canada. Premier problème: Bruno n'a pas de caméra vidéo pour jouer au reporter télé. Solution: on lui en a envoyé une du Canada, à Addis Abeba, en Éthiopie. Ce qui semblait si simple...

Quoi, 1741 $ de dépôt pour récupérer la caméra aux douanes éthiopiennes? Hey, c'est de l'argent en maudit, ça! Depuis quatre ans que je dépense en Séraphin, à en faire bâiller ma carte de crédit... Je vous jure que, lorsque j'ai déposé l'argent sur le comptoir anonyme de Madame X, qui m'a rendu un reçu sur lequel était indiqué «pré-paiement de dépôt» (?) et autres inintelligibilités en langage du royaume d'Abyssinie, et qu'elle m'a demandé de signer ici, j'ai eu une petite secousse: vais-je seulement le récupérer, ce dépôt? Après la leçon de bureaucratie kafkaïenne qu'ils m'ont servie à l'aéroport, j'ai le droit d'en douter! Mais, ce qui aurait dû être le plus grand de mes soucis devint bien secondaire, quand je me suis aperçu, une fois à l'hôtel, que, dans la valise, manquaient les écouteurs, la manette de contrôle à distance, et surtout, tous les fils...

– Perdus entre l'Amérique et l'Afrique.

Ah bon. Et qu'est-ce qu'on peut faire?

– Une plainte?

Ouais. Et recevoir sur mon lit de mort un beau paquet DHL avec des câbles RCA, un Firewire et un power pack Sony? Non, merci, mais j'en ai besoin hier. Alors, je vais aller magasiner. Ainsi, demain, je pourrai commencer à tourner. Na nana nana na.

Leçon numéro 154: ne jamais oublier qu'on est en Afrique lorsqu'on est en Afrique.

Car, trois jours plus tard, après avoir littéralement pillé les 18 magasins d'électronique de la ville, j'ai été obligé de me rendre à l'évidence: il n'y avait ni adapteur, ni chargeur à batteries, ni rien de ce qu'il me fallait, à Addis Abeba. La grande ville la plus proche? Nairobi.

On oublie ça. Elle a déjà été pillée.

Allais-je me laisser abattre? Non, Madame! Car j'ai plutôt hâte de m'éclater dans vos télés numériques à écran plat grand comme le mur du salon... Après avoir bien soupesé le problème, j'ai calculé que, avec les cinq batteries déjà chargées dont m'avait heureusement pourvu la compagnie de production, je pouvais peut-être effectuer un premier tournage en Éthiopie, avant de partir à la quête de mon équipement à Dubaï, à Hong Kong ou à Verdun. À condition de ne pas gaspiller l'énergie des piles en «zoom in» et en «zoom out», et/ou en visionnant des cassettes...

En résumé, je devais réussir à réaliser un topo sans jouer avec la caméra et sans regarder les images. Quand je vous disais que ça allait être du sport.

L'Éthiopie a ceci de particulier que, au moment où vous sortez un appareil photo ou une caméra vidéo, tous ceux qui se trouvent dans les alentours se ruent sur vous pour vous demander de l'argent.

– C'est mon église, donne-moi deux birrs!

– C'est ma voiture, donne-m'en 10!

– C'est ma rue, donne-moi ta caméra!

Sérieusement, ma pire expérience fut un soir, jusque-là paisible, dans la vallée de l'Oromo, alors qu'on s'était arrêté pour prendre le coucher du soleil en photo... Une bande de villageois enragés est accourue du village d'en face – situé à au moins 500 mètres de là (!) –, avec des bâtons et des pierres, pour exiger qu'on les paye «pour le soleil» ou ils allaient saccager la bagnole.

On les a payés.

C'est donc avec cette réalité en tête que j'allais m'aventurer encore une fois dans la vallée, à 270 kilomètres au sud de la capitale, en compagnie de mon ami Dawit, mi-détective privé et chauffeur de taxi, à la recherche d'une personne dont nous ne connaissions que le nom de famille et dont nous ne possédions qu'une vague idée de l'emplacement du domicile.

Pourquoi cette idée farfelue, et certainement vouée à l'échec? Parce qu'il s'agit de quelqu'un qui possède un lien unique avec une des plus grandes stars de Hollywood. Rien de moins!

Et pour le «trip» de char itou, bien entendu.

Faut bien que je me fasse plaisir.

PS: Un détail que vous ne verrez pas au reportage : à six heures du matin, quand Dawit est venu me chercher, on a été obligés de pousser la voiture pour la démarrer, parce que la batterie était... à plat!