Au centre-ville, je hèle un taxi. «Combien pour aller aux pyramides? – Quarante livres (7 $ US). – Vingt? – O.K.» La négociation est aisée le matin : les chauffeurs sont superstitieux et croient qu'un premier client, tôt et à n'importe quel prix, aura un effet domino sur le reste de la journée. J'aurais pu l'avoir pour 15.

On s'engage dans le trafic... Au secours! Au Caire, le trafic automobile est tout ce qu'il y a de plus chaotique. Ils sont cinglés. Et tellement mauvais conducteurs... Les règlements de la route? Connais pas! Les piétons? Tasse-toi de là!

C'est à hurler de les voir s'essayer à passer à cinq de large dans une rue à trois voies, en klaxonnant comme des malades. Du lot, les taxis sont les pires, évidemment. Mais après quelques jours, dans ce qu'on croyait être, au début, une cacophonie frénétique de pouet-pouet, on finit par discerner des subtilités, des raffinements. Et on comprend alors qu'il n'y a pas de klaxons inutiles : c'est un langage.

Un long, très long coup de klaxon, par exemple, signifie «J'avaaaaaaaaaaance! » Deux longs coups entrecoupés d'un silence pourraient se traduire par «Veeeeeerte! (La lumière est) veeeeeerte!» Un petit coup sec signale «J'tourne!» Et deux courts suivis d'un plus long équivalent à «Salut Mahmooooooooud!»

Bref, au bout de 15 minutes et d'un million de pouet-pouet, gros désappointement : les pyramides surgissent, là, au beau milieu de la banlieue laide qu'est Giza (pensez à Anjou).

«Hein? C'est ça, les pyramides?»

Le chauffeur est étonné.

«Bien sûr! As-tu déjà vu autre chose, toi, de gros en bas et pointu au milieu?»

Hum. Maintenant qu'on me pose la question...

Je descends. À l'entrée, un guichet minuscule dans une cabane minable. Le ticket est à seulement 50 livres? Wow. Il doit y avoir une pogne quelque part.

Oui. L'entrée dans chaque pyramide est payante. Et chère. Celle du Sphinx aussi. Mais ça, je m'en fous : c'est pour qui veut s'engager, avec 2000 touristes, dans un corridor de pierre d'un mètre de large sans aucune fenêtre ou issue de secours. Rien que d'y penser, moi, je sue. Je me vois derrière un Américain obèse en bedaine, avec sa casquette des Yankees de travers et son gros cul pris dans le cadre de porte. Et derrière moi, ça se bouscule pour avancer. Aaaah! Si un tel truc m'arrivait, le gros monsieur, je pense que je le mangerais.

Vous aurez compris que je ne vous parlerai pas de l'intérieur des pyramides.

De l'extérieur, une pyramide a exactement l'air... de ce que vous avez vu 10 000 fois. C'est gros en bas et pointu dans le milieu, finalement. Vous vous baladez autour, à la recherche d'un feeling, d'une surprise, de quelque chose à raconter aux gens à la maison.

Euh, il y a des pancartes «No climbing»... Et il y a des crétins qui grimpent. Puis, y'a beaucoup de fatigants à dos de chameau qui veulent savoir de quelle nationalité vous êtes... Et ils répètent toujours la même chose.

«Italiano?

– Non. Canada.

– Canada? Oh! Canada Dry!»

Et ils se tordent de rire à chaque fois. Canada Dry? Un gentil lecteur, Alain Montambault, m'avait prévenu. Je n'y avais pas cru... 

À part ça, un peu partout sur les lieux, il y a des fouilles et des puits ouverts de 5, 10, 15 m de profondeur, sans grillage ou clôture pour protéger le distrait promeneur.

«C'est beau les pyramides, hein, Monique...

– Oui, Réjean, c'est beau. C'est comme des triangles, hein?

– Ouais! C'est comme... gros en bas et pointu dans le milieuuuuuuuuuuuuuuu!»

À part ça, y'a le derrière du Sphinx... Avouez que vous ne l'avez jamais vu en photo! A-t-il une queue? Un trou? De gros testicules? Peut-on y toucher?

Non. Pas au Sphinx. Mais aux autres monuments, si. Et ça, ça fait plaisir! J'ai touché aux pyramides, nanana nanana!

Maintenant, je peux partir, la tête en paix.

Au Soudan.