Au comptoir du bar Johnny White de La Nouvelle-Orléans, devenue une ville fantôme, il ne reste plus une place et les habitués du lieu attendent patiemment l'ouragan Gustav. Et qu'on leur serve un coup à boire.

Deux hommes poussent la porte. Ils semblent contents, comme s'ils fêtaient le fait d'entrer dans le seul bar encore ouvert dans la ville, devenu célèbre pour son refus de suivre les ordres d'évacuation donnés par les autorités.

Gustav a frappé lundi à la mi-journée les côtes de la Louisiane, où plus de deux millions de personnes avaient été préalablement évacuées, trois ans presque jour pour jour après le passage dévastateur de l'ouragan Katrina.

«Nous ne fermons jamais», est-il écrit sur une affiche collée au mur.

Le bar, situé à un angle de la touristique Bourbon Street, s'est toutefois préparé à recevoir l'ouragan. Toutes ses portes ont été renforcées avec des panneaux de bois et seule une reste ouverte.

«The hole in the wall», le trou dans le mur, dit une autre affiche collée face au bar, suggérant qu'il existe une autre possibilité pour ceux qui ne veulent rien savoir des évacuations et encore moins de devoir interrompre leur vie nocturne.

Le Johnny White est resté ouvert durant le passage de Katrina sur la ville et malgré le chaos et les morts (1500 à La Nouvelle-Orléans), il avait continué à servir ses clients.

Stephanie Blake, derrière le comptoir, affirme avoir servi dimanche quelque 2000 personnes alors que l'ouragan Gustav était sur le point de toucher les côtes de la Louisiane.

«Tous le monde était de bonne humeur», raconte-t-elle. «C'était un peu comme Mardi Gras», qui attire traditionnellement une foule de fêtards à La Nouvelle-Orléans.

Kelly est une ancienne cliente de la taverne. Elle y était restée toute la nuit lors du passage de Katrina fin août 2005.

«Ici, il n'y a jamais d'inondations», explique-t-elle. «C'est la zone la plus haute, c'est pour cela que les bâtiments les plus anciens ont été construits ici».

«Avec Katrina nous sommes restés ici et ça avait été amusant, mais après nous avions dû partir parce qu'il y avait beaucoup de problèmes et des tragédies de tous les cotés», se souvient-elle.

«Il n'y a pas de problèmes, ici nous sommes en sécurité», estime Mark, un autre client, qui semble être là, assis face au comptoir, depuis des heures. Vêtu d'une veste militaire et coiffé d'un chapeau, il ne cesse de caresser un petit chien assis sur ses genoux.

Sur un mur est accrochée une représentation du boxeur américain Cassius Clay, des faux dollars tapissent le fond du comptoir, alors que des photos de clients et d'amis ont été bizarrement accrochées au plafond.

Dans un coin trônent quelques machines à sous, dont une pour jouer au poker, celle qui attire le plus de clients. Chelsea Leighton y introduit des pièces sans discontinuer. Elle assure qu'elle restera là quoi qu'il arrive. «Si vous venez demain je serai encore ici», assure-t-elle.

La mine sombre elle affirme toutefois en avalant une gorgée: «Je pense que je vais mourir, alors autant claquer mon argent».