L'observatoire du mont Mégantic fête son 30e anniversaire dans le noir. Il faudra attendre l'an prochain, en l'honneur de l'Année mondiale de l'astronomie, pour avoir un accès élargi aux instruments pour le public. Mais les effets d'une «réserve de ciel étoilé», proclamée l'automne dernier, se font déjà sentir: la luminosité a diminué du quart dans un rayon de 25 kilomètres autour de l'observatoire. Cela facilite le travail des scientifiques et adoucit le paysage nocturne de ce coin des Cantons-de-l'Est.

«C'est la première réserve de ciel étoilé en milieu urbain au monde», explique le directeur exécutif de l'observatoire, Robert Lamontagne. «Nous incluons maintenant Sherbrooke, à 70 kilomètres, qui a accepté l'an dernier de diminuer progressivement l'éclairage nocturne. Sherbrooke représente 25% de la pollution visuelle qui nous affecte. Ces progrès continueront à mesure que l'éclairage public sera remplacé.»

L'observatoire, appuyé par le centre d'interprétation Astrolab du parc national où il est situé, est l'un des deux seuls au pays. L'autre, qui a 90 ans, est situé à Victoria en Colombie-Britannique. Un troisième observatoire, vieux de 60 ans, fermera bientôt ses portes à Toronto.

«L'observatoire du mont Mégantic a été construit parce que le Canada avait décidé de financer le télescope France-Canada-Hawaii, dit M. Lamontagne. À l'époque, il n'y avait pas d'établissement de formation francophone. Il en fallait un pour que le télescope de Hawaii soit accessible pour tous les chercheurs, pour que les Québécois n'aient pas à s'exiler à Toronto ou Victoria pour leurs études.»

Un autre emplacement, au nord du mont Tremblant, avait alors été envisagé. «Avec le recul, Mégantic est un excellent choix. Avec le développement touristique, la pollution lumineuse aurait été beaucoup plus nuisible à Tremblant. Et au niveau politique, Mégantic est presque exactement à mi-chemin entre Montréal et Québec pour les chercheurs des deux villes.» À noter, s'il n'y avait pas la pollution visuelle de la grande ville, Montréal serait le meilleur endroit parce que c'est le lieu au Québec où il y a le plus de nuits dégagées.

Au fil des années, l'observatoire a tout de même remporté quelques honneurs scientifiques. Un type de naines brunes particulièrement froides a été découvert récemment. Plus de 300 étudiants y ont fait leur maîtrise ou leur doctorat. Et Mégantic est à l'avant-plan de la conception des «caméras infrarouges à très grand champ». «Il n'y a pas vraiment d'endroit au monde où on puisse travailler sur un nouvel instrument dans un laboratoire universitaire, puis le tester presque immédiatement à cause de la proximité de l'observatoire.»

C'est justement la complexité grandissante des instruments qui a nécessité de limiter à deux nuits par année l'accès au public. «Jusqu'en 1983 ou 1984, le public pouvait manipuler le télescope. Mais nous n'étions pas bien organisés, des fois il manquait du personnel d'accueil, il n'y avait pas assez de toilettes. Et surtout, il était de plus en plus compliqué d'enlever les instruments de recherche pour que le public utilise le télescope de base. Les instruments sont devenus plus fragiles. L'an prochain, nous allons ouvrir tous les samedis. Ça nous permettra de tester des manières de changer rapidement les instruments. Nous avons reçu des subventions de recherche dont une partie sera consacrée à l'aménagement des lieux pour le public.» À l'automne, un documentaire tourné par des étudiants sur les 30 ans de l'observatoire sera lancé.

La réserve de ciel étoilé attire l'attention d'autres villes, au Québec, en France et aux États-Unis. «La pollution visuelle, c'est carrément une perte d'énergie, dit M. Lamontagne. Des citoyens à Sainte-Thérèse et Saint-Lambert nous ont demandé comment faire pour agir. Nous allons bientôt publier un guide, parce que des informations aussi simples que les endroits où trouver les lampadaires les moins polluants sont difficiles à trouver.»

Mais le succès de la réserve a eu un prix: il a fallu offrir des subventions couvrant de 80% à 90% des nouveaux équipements pour convaincre la population voisine d'agir.