J'en ai fait souvent le tour, flâné à plusieurs reprises sur ses grèves, j'y ai planté ma tente... Je l'ai contemplée de plusieurs endroits, sur la côte de Charlevoix... mais jamais je ne l'ai visitée en compagnie d'une insulaire pure laine. Une Tremblay de l'île.

Évidemment, les Tremblay, tout comme les Dufour, sont légion au pays de Charlevoix. Mais Francine Tremblay est la petite-fille d'Alexis Tremblay, vedette des films de Pierre Perrault. Et elle a la parole facile, tout comme son Alexis de grand-père!

Francine se souvient de son enfance, où Perrault et son équipe venaient filmer dans la cuisine familiale... «C'était au début des années 60, raconte-t-elle. Les films de Perrault ont marqué le début des films-vérité au Québec et aussi l'arrivée du tourisme à l'Isle-aux-Coudres. Ils ont fait connaître des personnages hauts en couleurs, tels Alexis, un sage de la parole, et sa femme, Marie Côté, aussi de grande sagesse, qui fut la seule femme à figurer dans les films de Perrault... Il y eut aussi Grand Louis, un chouenneux qui aimait s'éjarrer, ainsi qu'Abel Harvey, qui était maître de pêche...»

Aujourd'hui, sur la route de l'île, on croise leurs descendants, qui, à leur façon, transmettent les traditions. À la boulangerie, tenue pendant plus de 60 ans par Léonard Bouchard, on fait connaissance avec Noëlle-Ange Harvey, qui est la petite-fille de Grand Louis. «Toute mon enfance, je l'ai vécue avec l'odeur de la boulangerie, raconte cette dernière. Mon rêve était d'en devenir propriétaire. Pendant 10 ans, le 26 juillet, jour de la fête de sainte Anne, je priais la sainte pour que Léonard Bouchard me vende sa boulangerie. Et sainte Anne m'a exaucée : je suis passée chez le notaire le 26 juillet 2007 pour signer l'acte d'achat du commerce, dit la sympathique boulangère, qui fabrique le fameux pâté croche de l'Isle-aux-Coudres ainsi qu'une «galette à l'âni», unique au Québec.

«Parce que nous autres icitte à l'île, on appelle ça de l'â-â-âni» (anis sauvage qui pousse dans les champs de l'île).

Diversité

Cette île qui fait 11 kilomètres de long par 5 de large (23 kilomètres de tour) offre sur une petite surface une grande diversité : des forêts, des tourbières, des champs cultivés, des grèves, ainsi qu'une abondance de fleurs sauvages et d'oiseaux en été et des points de vue magnifiques sur le fleuve et les paysages côtiers. Sa rive nord contemple la côte majestueuse de Charlevoix. C'est Jacques Cartier qui, lors de son deuxième voyage, le 6 septembre 1535, la baptisa «Isle es couldres» à cause des nombreux noisetiers, appelés couldres, qui la recouvraient. Et il y célébra la première messe au Canada.

Autrefois, l'île était entourée de nombreux bélugas qui ont fait la fortune des insulaires. «Nous autres icitte à l'île, diraient les vieux, on appelait ça des marsouins.» La pêche au marsouin se faisait avec des perches appelées des harts, placées en demi-cercle sur la batture. La «tenture» exigeait chaque année jusqu'à 7200 perches. Les cétacés blancs se déplaçaient avec les bancs de caplans et pendant les bonnes années, les insulaires pouvaient harponner jusqu'à 300 bélugas en une seule marée. La pêche a été abandonnée en 1924, mais on l'a fait revivre pour le film de Pierre Perrault Pour la suite du monde.

L'île a non seulement forgé un peuple de pêcheurs, mais aussi de navigateurs. Avant l'arrivée du traversier, les insulaires rejoignaient le continent en canot (en hiver, la course en canot sur les glaces est toujours populaire) et plus tard, ils naviguaient sur le fleuve avec des goélettes de bois. Dans les chantiers de l'île, entre 1860 et 1959, on a construit une cinquantaine de goélettes de bois.

Pierre Perrault a rendu hommage à ces navigateurs avec son film Les voitures d'eau. Aujourd'hui, le Musée des voitures d'eau, créé par le capitaine Éloi Perron, fait revivre cette époque fascinante.

Patrimoine préservé

Au fil des siècles, les habitants de l'Isle-aux-Coudres ont su préserver leur patrimoine; cette île est le seul endroit au Canada où l'on trouve réunis au même endroit un moulin à eau (1825) et un moulin à vent (1836), ainsi que la maison du meunier. Ils constituent aujourd'hui un économusée. Et on y moud encore le grain sur meule de pierre. Sur place, on peut visionner les films de Perrault, voir une exposition de masques de mi-carême (on a célébré cette tradition française jusque dans les années 60), ainsi que les oeuvres d'art populaires de l'insulaire Alfred Desgagnés.

La belle église Saint-Louis vaut le détour. Sa voûte décorée de 15 belles fresques peintes par Paul-Gaston Masselotte est spectaculaire. Son maître autel et son retable sont l'oeuvre du sculpteur Louis Jobin. On peut aussi y voir des oeuvres de Plamondon, de Jean Paul Lemieux (il habitait l'île), de François et Thomas Baillargé. Les insulaires ont également sauvegardé deux belles chapelles de procession (1836 et 1837) en pierres des champs, qui se trouvent à proximité de leur église.

Et le patrimoine agricole? Sur la ferme ancestrale des Pedneault, où se sont succédé huit générations de la famille Pedneault, on cultive sur 13 hectares de terre la pomme, la prune, la poire, les cerises et l'amélanchier. Et on fabrique 23 produits alcoolisés, dont mistelles, cidres, crème de petites poires, et deux produits non alcoolisés. L'entreprise est également économusée.

L'autre richesse de l'Isle-aux-Coudres est constituée de ses paysages bucoliques et de ses percées visuelles sur le grand fleuve. Elle est le rendez-vous des randonneurs, des cyclistes, des ornithologues et des amants de la nature. Chaque année, au printemps, les marcheurs de l'Association québécoise des pèlerins et amis du chemin de Compostelle s'y donnent rendez-vous. Un beau rendez-vous avec la nature, le calme et la beauté.

Les abords de l'île étaient autrefois fréquentés par les bélugas, qui ont fait la fortune des insulaires

Informations pratiques

> Tourisme Isle-aux-Coudres : 1 866 438-2930 Il est possible de faire le tour de l'île avec le nouvel audioguide disponible dans les bureaux d'information touristique de l'île, à la sortie du traversier et dans les commerces de l'île.

> Se loger : À Saint-Joseph-de-la-Rive, avant de prendre le traversier: Auberge Beauséjour : auberge accueillante tenue par Diane Dufour et Pierre tremblay. La propriétaire elle-même est aux fourneaux et elle offre une excellente table. Tél. : 418 635-2895 ou 1 800 265-2895; www.quebecweb.com/beausejour.

Sur l'île : Auberge La Roche Pleureuse : un lieu fort agréable, paisible, avec vue plongeante sur le fleuve. On y mange très bien. On peut y louer des vélos et s'offrir une belle détente au centre de santé. 418 438-2734 ou 1 800 463-6855; www.rochepleureuse.com

> Location de vélos : 438-2118 ou 1 877 438-2118

> Traversier de l'île : à partir du 21 juin, traversées aux 30 minutes de 9h30 à 17h. Information : 1 877 787-7483; www.traversiers.gouv.qc.ca