J'aurais tellement aimé vous l'apprendre en primeur. Je suis désolé, mais c'était pas permis. Et aujourd'hui, c'est terriblement officiel. À moins d'une fièvre Ébola en Ouganda ou d'un emprisonnement au Nigeria, à partir du 19 janvier et à chaque samedi pendant 13 semaines, j'aurai le bonheur de m'entretenir avec Marc Labrèche, dans le cadre de l'émission 3600 secondes d'extase, et d'y diffuser un reportage, en tant que «correspondant à l'étranger».

De quoi s'agira-t-il? Pour tout vous avouer, je l'ignore encore... Je viens à peine de recevoir la caméra et je sens que ça va être du sport.

Le paquet était arrivé! Il avait été «processed», selon l'indication du site internet de la compagnie et était prêt à être «picked up».

Le sourire fendu jusqu'aux oreilles, je me suis précipité au bureau de DHL où une dame m'a annoncé qu'on avait déjà fait parvenir tous les documents à la réception de l'hôtel Taitu où je crèche depuis deux semaines.

— Les documents?! Où est le paquet?

Ha! Le début du calvaire.

Allez vous préparer un café. Je vous attends.

Alors... On m'avait effectivement fait parvenir des documents qui me semblaient être des papiers de douane, avec des instructions qui m'apparaissaient simples. Je devais aller chercher mon paquet à l'aéroport, au bureau de la compagnie de livraison.

Après une heure à suer dans le trafic chaotique du centre-ville, j'arrive à l'aéroport et je demande à David, le chauffeur de taxi, de m'attendre.

«Ça ne devrait pas être trop long.»

Un gardien m'indique la direction du comptoir de dédouanement, situé derrière les portes des arrivées. Après avoir montré patte blanche et laissé mon passeport en gage au gardien, je me rends au comptoir en question. Un homme saisit ma pile de papiers, entre les données dans son ordinateur et me dit, sans relief aucun :

«Donne-moi 15 681 birrs et 33 cents.

— Allo?!»

Au taux de change de 9 birrs pour 1 $, ça représente l'équivalent de presque 2000 $!

«Et pourquoi est-ce que je devrais vous donner 15 681 birrs?

— 15 681 et 33 cents.

— D'accord, j'ai compris ce bout-là : mais j'aimerais connaître la raison pour laquelle je dois payer pour un paquet qu'on a déjà payé pour expédier!

— C'est la taxe sur la valeur de l'équipement, monsieur.»

Je fais un calcul rapide.

— Soixante pour cent de taxes?!?

Je comprends le problème. C'est considéré comme de l'importation! Et on le surtaxe pour éviter le marché noir... Derrière moi, les gens commencent à s'impatienter. Mais j'ai pas dit mon dernier mot. Je ne payerai pas, et je ne partirai pas d'ici sans ma caméra!

«Monsieur, c'est ridicule : c'est MA caméra! Je ne vais pas la vendre! Je dois quitter le pays dans deux semaines et je l'amène avec moi, alors, il est où le problème?

— Dans ce cas, si vous quittez le pays, vous pouvez laisser un dépôt aujourd'hui et le reprendre au sortir d'Éthiopie.»

Fiou! Je respire.

«Et c'est combien le dépôt?

— 15 681 birrs et 33 cents.»

On n'en sort pas...

«Vous devez payer la dame au comptoir suivant.»

Évidemment, il s'agit du comptoir où se trouve une file d'à peu près 350 personnes.

«Prenez-vous Visa?

— Non. À la banque Dashen de l'aéroport, on accepte la carte de crédit.»

Après trois tentatives infructueuses, «communication problems, sir», on réussit à retirer le montant. Je souffle. Le plus gros billet ici est un 10 $, imaginez la pile! Avant de me remettre l'argent, la caissière me demande :

«Avez-vous votre passeport?

— Euh... Je l'ai laissé au gardien à la porte.

— Désolé. Je dois faire une photocopie de votre passeport.»

Je cours a l'entrée, je sors de l'espace des arrivées et je ne vois mon gardien nulle part. Merde! Je rentre, et on m'intercepte aussitôt.

«Passeport, s'il vous plaît.

— Ah! Justement je cherche l'autre gardien qui était ici il y a une heure. C'est lui qui a mon passeport.

— Il est aux carrousels, à l'intérieur.

— D'accord, merci.»

Je rentre. Il m'arrête.

«Stop. Vous ne pouvez pas entrer ici sans passeport.»

J'arrive au comptoir de la dame, qui s'est libéré depuis l'heure et demie que je couraille. All right! Les astres s'alignent. Je dois être bien luné, finalement.

«Bonjour madame! Voici 15 681 birrs et 33 sous.

— Nous n'acceptons pas l'argent liquide pour un montant excédant 10 000 birrs. Vous devez produire un CPO.»

Je rigole. Je crois que c'est une blague.

«Un CPO? Comme dans Star Wars?

— Comme dans Cash Payment Order. Disponible à la banque. Au centre-ville.»

Attendez-vous à quelque chose de rough, samedi prochain.