Ils sont partout, omniprésents, tellement qu'on ne les remarque plus: au bout du tube de dentifrice, des bouteilles d'eau, des petits pots de crème, des cartons de jus d'orange... Même si on les oublie, leur empreinte écologique est lourde et tenace. Deux filles ont décidé de s'attaquer aux bouchons!

Dans les lumineux locaux du Vieux-Montréal qui lui servent de bureau, Karine Lanoie vide sur son parquet deux gros sacs pleins de ces bouchons de plastique qui sont l'emblème de la dépendance humaine à une matière ultra-polluante.

«C'est vraiment particulier ce qui se passe à l'autre bout du monde, ce «continent de déchets», dont on entend parler», lâche Karine Lanoie, une communicatrice mieux connue sous l'acronyme K.

Au printemps prochain, le biologiste Jean Lemire reprendra la barre du Sedna IV, avec pour mission d'observer de la biodiversité de divers milieux et témoigner de leur fragile équilibre. Karine Lanoie et l'artiste Chloé B. Fortin s'arriment artistiquement à cette expédition avec un projet artistique à portée écologique.

L'objectif des deux complices? Recueillir 10 000 bouchons de plastique propres, idéalement translucides, qui serviront à la création d'une grosse masse transparente suspendue. Pour que la «sculpture» de plastique soit à l'image de leurs ambitions, elles invitent le grand public à se rendre au Jardin botanique le 11 mars, pour faire don d'un maximum de bouchons récupérés.

«C'est une invitation à être attentif. Comme exercice, je suis allée dans un Dollarama pour prendre conscience de l'ampleur de cette industrie qui produit des choses plus ou moins utiles. On est dans un vortex de déchets», opine Chloé B. Fortin, artiste qui travaille avec finesse et détails.

Pourquoi attirer l'attention sur des objets anodins pour évoquer un vaste problème écologique? «Pour rappeler l'invasion des microfragments de plastique à l'autre bout du monde. Une matière qui n'est presque plus visible, mais qui se colle aux algues et est mangé par les poissons», exprime K.

Voyage au fond du sac-poubelle

À l'instar de Gandhi, qui croyait qu'il était du devoir de chaque être humain d'assumer la responsabilité de ses propres déchets, Karine Lanoie et Chloé B. Fortin espèrent sensibiliser le public aux conséquences planétaires de notre consommation chronique d'objets jetables.

Certes, reconnaît Karine Lanoie, le plastique possède certaines qualités techniques qui expliquent son utilisation de masse. Mais sachant désormais le coût environnemental de cette matière née avec le XXe siècle, il est urgent de revoir les raisons d'en produire, apprendre à gérer ce qui a été créé et trouver des solutions de rechange moins dommageables pour la nature.

«C'est lié à notre mode de vie. Le plastique est arrivé au moment où on voulait aller plus vite et faire plus d'argent», estime Karine Lanoie, qui collabore à l'émission La vie en vert, à Télé-Québec.

Attirer l'attention sur ces bouchons abandonnés, selon les deux jeunes femmes, est une façon de faire comprendre aux gens qu'une très large part des débris qui composent le «continent de plastique» proviennent d'Amérique du Nord.

À quoi ressemblera la «masse» de bouchons récupérés? «J'ai imaginé une forme suspendue en flottement, un peu colorée, avec des petits groupes qui flottent ici et là et de la transparence», exprime Chloé B. Fortin.

L'oeuvre sera exposée à compter du 22 juin au coeur du «Camp de base» de 1000 jours pour la planète, au Centre sur la biodiversité de l'Université de Montréal, au Jardin botanique.

10 000 bouchons de plastique de moins dans l'océan, ce sera déjà ça de gagné.

Collecte de bouchons de plastique, le 11 mars, au Jardin botanique.