Curieux de savoir comment on traitait les élèves du Collège militaire royal, Urbania s'est rendu à Saint-Jean-sur-Richelieu. Depuis, on ne marche pas au pas, mais on fait notre lit comme un soldat.

Il est 8h. Une cinquantaine de jeunes sont alignés en rang: les élèves-officiers du Collège militaire royal, debout depuis 5h10, sont à leur exercice de drill. Le drill, c'est la pratique de tous les mouvements militaires (salut, démarche, alignement). Ils ont de 16 à 22 ans. Dans leurs yeux, du focus et que du focus. Sur leurs tempes, des rigoles de sueur. Avec l'uniforme et les grosses bottes qu'ils portent par cette journée humide, ce n'est pas surprenant. «Secouez-vous, on vous prend en photo!» rugit l'un des instructeurs. «Oui, cap'ral chef!» crient-ils en choeur.

Le Collège militaire ressemble à une immense école privée de banlieue -avec en sus des pavillons historiques et un joli panorama sur la Richelieu. Terrains de football, gymnase, bibliothèque et salles de classe en amphithéâtre dans lesquels les élèves reçoivent une formation collégiale qui complète l'éducation militaire. Dans leur cursus, en plus des cours réguliers, s'inscrivent des enseignements sur l'histoire militaire canadienne, sur l'art de budgéter ou sur les infections transmises sexuellement.

En plein coeur du campus, on trouve le mess. C'est un endroit qui existe sur toutes les bases militaires et où les soldats peuvent se reposer et socialiser. Le mess de Saint-Jean, qui compte des tables de babyfoot et de billard et une salle de cinéma, c'est comme le bar étudiant de la place. «Les élèves préfèrent sortir en civil en ville», note Victor-Joël Couture, un élève-officier qui a terminé ses deux ans à Saint-Jean et qui nous sert de guide. Et ce, même si la bière est moins chère au mess!

Cinq semaines pour entrer dans le rang

Les élèves-officiers qui pratiquent le drill en ce moment n'ont pas vraiment eu la chance de découvrir le mess. Ils sont arrivés au collège il y a à peine deux semaines. Après avoir été divisés en trois escadrons (Richelieu, Iberville et Tracy, trois confréries très compétitives), ils doivent suivre une formation militaire de base de cinq semaines.

Habituellement, le drill se fait à l'extérieur. Mais le ciel d'août (à peine) menaçant a obligé les officiers à tenir l'exercice à l'intérieur. On ne force pas les apprentis militaires à sortir sous la pluie? «L'idée n'est pas de les faire suer, explique le lieutenant-colonel et commandant adjoint du collège, Édith Guimont. C'est déjà assez stressant comme ça!»

En regardant ses jeunes camarades, Victor-Joël compatit. «C'est sûr que c'est stressant. Lors de nos premiers drills, on ne pense à rien d'autre. On ne veut surtout pas manquer un pas et se faire reprendre devant tout le monde.»

«La discipline, c'est en effet ce qu'il y a de plus en plus difficile à apprendre», confirme dans un excellent français Kelly Olsen, un moustachu saskatchewannais, sergent de l'escadron Richelieu. La formation de cinq semaines est sans doute le moment où les élèves se tiendront les fesses le plus serré. Par la suite, ils poursuivront leur parcours afin d'obtenir un diplôme collégial.

«À 16 ou 18 ans, les jeunes arrivent de chez papa et maman. Ils ont besoin d'encadrement, souligne Isabelle Dubé, capitaine de l'escadron Richelieu, qui est passée par le Collège il y a 13 ans. Les choses ont un peu changé, mais la discipline est restée, et c'est une bonne chose. On ne cherche toutefois pas à mettre tout le monde dans le même moule. Nous souhaitons des leaders diversifiés.»

Fais ton lit et range ta Xbox

Kelly Olsen déverrouille la porte d'une des chambres de son escadron. En pénétrant dans celle-ci, le sergent et l'élève-officier Couture posent tout de suite leurs yeux sur un des deux lits. «Il y a beaucoup de plis et le coin n'est pas à 45 degrés», explique le jeune. Sergent Olsen précise pourquoi on porte une attention si particulière aux détails dans l'armée en donnant l'exemple d'une arme dans laquelle serait coincé un grain de sable, l'empêchant de fonctionner. Chaque semaine, les élèves subiront une inspection de leur chambre pour s'assurer que tout est parfait. Mieux vaut alors bien ranger sa Xbox...

Chaque élève-officier partage sa chambre avec un autre. On paire un anglophone et un francophone, pour aider les élèves à devenir parfaitement bilingue. Le bilinguisme est l'un des quatre piliers du collège avec les études, le leadership et les sports.

Entre les différents bâtiments du campus, pas besoin de connaître les codes d'uniformes pour comprendre qui est officier et sous-officier. Ces derniers saluent systématiquement leurs supérieurs quand ils les croisent. Pas de doute: ici, la discipline prime. Puis, en entrant au collège, tout le monde porte sa main à son front. On ne salue pas Bébeth II, dont le portrait est accroché au mur, mais bien les drapeaux. «En guerre, le drapeau était le symbole que les soldats protégeaient coûte que coûte, explique le capitaine Eric Le Marec, officier des affaires publiques. La tradition est restée.»

Et les traditions militaires sont tenaces. Pour former les futurs leaders des Forces canadiennes, il faut de l'encadrement. «Le programme est très rigoureux et très demandant. Mais les jeunes aujourd'hui sont différents, explique le lieutenant-général Michel Maisonneuve, directeur des études et diplômé du collège en 1976. Il faut savoir s'adapter. Trop de tradition peut parfois témoigner d'un manque d'initiative.»

Le Collège en chiffres

• Le Collège militaire de Saint-Jean compte cette année 177 élèves.

• Du lot, on recense 17% de filles, un nombre en baisse dans les dernières années.

• Environ 60% des élèves sont francophones et 40%, anglophones.

• Chaque élève reçoit un salaire annuel de 18 000 $. Après avoir payé sa chambre et ses vivres, il reste environ 6 000$ en poche.

• Les élèves-officiers passent 2 ans au collège. Par la suite, ils peuvent se diriger vers le Collège militaire de Kingston, en Ontario, pour suivre une formation universitaire.