La Ville de Montréal nomme en moyenne 35 nouvelles rues par année. Historien et urbaniste de formation, Dominic Duford reçoit les requêtes (parfois pas d'allure) des citoyens qui veulent mettre leur grain de sel dans le patrimoine urbain.

 Qu'est-ce que l'ensemble des noms de rues nous dit sur Montréal?

Ils laissent des traces de différentes époques. Par exemple, il y a une rue de l'Hôpital dans le Vieux-Montréal, mais il n'y a plus d'hôpital. C'est le nom qui nous dit ce qu'il y avait sur place. Au milieu du 19e siècle, les rues ont été nommées d'après les propriétaires terriens, leurs familles. Et si on regarde dans le quartier NDG, les choix qui ont été faits au début du 20e siècle sont inspirés de villes d'Angleterre. Sur le plan historique, c'est très riche comme information.

 

Comment s'y prend-on aujourd'hui pour nommer une rue?

Soit on a un lieu à nommer et on doit lui trouver un nom, soit, à l'inverse, on «reçoit» un nom pour lequel on veut trouver un lieu. On évite aussi de changer le nom d'une rue, parce qu'on veut que la toponymie conserve sa mémoire.

 

Est-ce que vous recevez beaucoup de propositions de noms?

Oui, on en reçoit de toutes les sortes. Surtout quand un artiste décède, comme c'est arrivé avec Oscar Peterson ou Lhasa de Sela. On a une banque confidentielle dans laquelle on verse les noms qui mériteraient d'être ajoutés dans la toponymie, mais pour lesquels on n'a pas de lieux. On en a au-delà de 500.

 

Qu'est-ce que les gens veulent commémorer aujourd'hui?

Les personnages les plus connus du grand public dans les domaines de la culture, de la politique et des sports. Et on va essayer d'inclure à ça d'autres noms qui sont moins connus, comme des scientifiques qui ont fait des avancées incroyables et qui viennent de Montréal, ou ont travaillé ici.

 

Vous devez parfois recevoir de drôles de suggestions...

Évidemment! Je me souviens de quelqu'un qui nous avait écrit pour nous proposer The Undertaker. C'était son lutteur préféré et il voulait qu'on renomme une rue à son nom! Non seulement il n'était pas mort, mais il n'avait même pas de lien avec Montréal! Mettons que c'est le genre de demande qu'on rejette assez rapidement...

 

Mais si la proposition est pertinente, elle va cheminer comment?

On la présente au comité de toponymie de la Ville de Montréal. C'est un comité ad hoc formé de d'urbanistes, d'architectes, de géographes qui conseille la direction de la culture et du patrimoine. Eux décident si ça répond à nos critères.

 

Quels critères, au juste?

On cherche des noms évocateurs qui peuvent servir à faire connaître l'histoire de Montréal, qui sont vraiment rattachés à la ville, qui réfèrent à la géographie, à l'environnement immédiat. L'autre critère, c'est de faire référence à des groupes importants dans l'histoire et le développement de la société et qui sont actuellement sous-représentés. Par contre, il faut faire attention de ne pas donner un nom difficile à prononcer ou à écrire.

 

Donc si on propose le nom Kawawachikamach...

... C'est peu probable.