Il n'y a pas qu'Xzibit qui pimpe le char de jeunes américaines excitées sur mtv. Au Québec, modifier sa voiture est un hobby bien vivant. Et pas juste chez les mâles en mal de testostérone. C'est dans le 450 que les préjugés d'Urbania ont eu droit à un fine tuning.

Un aileron arrière, ça sert à quoi? Ça ne va pas plus vite, mais ça fait plus «sport». En changeant la peinture, en modifiant la taille des pneus, en ajoutant une jupette à une Honda Civic ou à la vieille Volkswagen de leurs parents, des milliers de jeunes transforment dans leurs temps libres un vieux tacot en rutilant char sport. Superficiel comme hobby? Pas tant que ça, selon Christopher Nanko, propriétaire de Phat Ride, la Mecque du tuning* à Longueuil. «C'est une forme d'expression, explique-t-il. On peut vouloir expri­mer la performance, le luxe, l'esthétisme... Tout dépend de son budget.»

La tranche d'âge des clients qui fréquentent la shop de Christopher Nanko se situe entre 18 et 29 ans. Bien qu'ils ne soient pas parmi les plus fortunés, ils peuvent selon lui dépenser entre 1000$ et 100000$ sur une seule voiture. D'où le lifestyle du tuner: travailler, travailler, travailler. «Si tu veux pouvoir payer tes mods, faut que tu te ramasses ben de l'argent!» m'explique Pierre-Luc, un moder fort sympathique, qui appartient au crew des Volks.

Car, même si l'utilisation de la route par les tuners n'a aucun rapport avec le phénomène des gangs de rue*, les trippeux de char s'assemblent par marque de char. «Il n'y a pas vraiment de snobisme entre les propriétaires de Honda ou de Volkswagen, mais ils ne se tiennent pas ensemble», explique Pierre-Luc. Et pourquoi les retrouve-t-on surtout dans le 450? «C'est à cause des règlements, poursuit-il. À Montréal, t'as le droit de rien faire. La police t'arrête si ton moteur fait un peu trop de bruit.»

Et dans ces clans, il n'y a pas seulement des gars: il y aussi des filles. Leur présence dans l'univers du pimpage va d'ailleurs en grandissant. «?On en voit de plus en plus dans les concours. Il y a même des catégories girls tuning», explique Christopher Nanko. Le spécialiste admet toutefois que, contrairement aux gars qui souhaitent augmenter la performance de leur véhicule, les chicks auraient plus tendance à s'intéresser à l'esthétique.

«Mais elles ne transforment pas toutes leur auto en char de fille», m'explique Alexandre, un autre proxénète de voiture. «Ce que je veux dire, c'est qu'elles ne mettent pas nécessairement de la peinture rose et du minou sur leur sub.» Il raconte toutefois que la fille qui possédait sa Golf avant lui aurait dilapidé 30000$ sur la voiture avant de la revendre, faute d'avoir assez de budget pour la faire rouler. C'est bien connu, les filles ne savent pas gérer leur argent...

Pour me faire ma propre idée, je suis allée sur le site monchar.com, un genre de Facebook pour les amis des bolides et j'y ai repéré quelques tuneuses. C'est le cas de Mamzelle Civic, une étudiante en secrétariat de 19 ans, qu'on ne saurait traiter de plotte à tire*, premièrement parce que c'est vulgaire, et deuxièmement parce qu'elle passe plus de temps à pimper son char que son chum qui chauffe une minoune. Sur la page de son profil Monchar, une photo de sa voiture où on peut lire «You've just been pass'd by a girl» attire mon attention. Wow, une fille qui tripe sur les chars et qui a de l'attitude en plus?! Je m'attends à rencontrer une vraie de vraie, les mains noires de graisse, les cheveux en bataille et de la sueur sur le front... mais mon fantasme s'estompe un peu à la rencontre de Mamzelle Civic, a.k.a. Josée.

Telle fille, tel père

Lorsque je lui rends visite, la Honda Civic 92 qu'elle a reçue en héritage de sa grand-mère est remisée et se prépare à passer à la peinture. Elle sera bleu metal flake bord en bord. «Elle voulait la mettre rose, mais je l'ai fait changer d'idée», m'explique le père de Mamzelle, un mécanicien de métier, qui me fait vite comprendre que Josée ne tient pas sa passion du facteur. «Quand elle était petite, elle jouait tout le temps avec des voitures miniatures. J'ai vite dit à sa mère de lui acheter des poupées!» raconte fièrement le papa.

Dans la cour arrière de la petite famille de Saint-Hubert, un vieux tacot tout bosselé repose sous la neige en attendant de se faire retaper, et on devine un cadavre de bazou parmi les pièces de voiture et outils du garage. Deux projets que le père n'a pas le temps d'accomplir, trop occupé par celui de sa fille qui l'aide en sablant les pièces de sa Civic. On est loin de la vision féministe de la G.I. Jane mécanicienne. «Ouain, les filles, c'est souvent leur père qui les aide», m'explique Pierre-Luc.

Quand même. Mamzelle Civic, c'est elle qui décide de ses modifications et surtout, c'est elle qui paye avec son salaire du Tim Horton. Et il y en a pour 6000$ sur un char qui n'en vaut pas plus que 2500$. D'après Christopher Nanko, qui est souvent appelé à faire les modifications pour ses clients, le fait que quelqu'un d'autre procède aux modifications n'enlève rien à l'aspect «hobby» du pimpage. «Une grande partie du passe-temps, c'est de planifier ses modifications en fonction de son budget, dit-il.

Les gens se rendent dans les expos, se réunissent à l'Orange Julep les jeudis soirs, et cherchent de l'inspiration sur Internet».

En faisant le tour du bolide de Josée, j'essaie de ne pas trop étaler mon ignorance et m'abstiens de kicker les pneus. Faut dire qu'à l'achat de ma petite Echo, j'ai eu besoin d'un cours pour ouvrir le capot et d'une session complète chez Canadian Tire sur l'huile à moteur, dont je ne suis pas encore sûre de saisir l'utilité. J'y vais donc d'un commentaire appréciatif à la hauteur de mes connaissances: «Tiens, c'est cute, les bandes de métal au-dessus des phares avant, on dirait des sourcils». «Oui, je trouvais que ça faisait plus féminin!» me répond Mamzelle, avec un sourire de connivence.

Self made char

La voiture de Josée est ben correcte, mais j'aurais voulu voir une fille m'ouvrir son capot. Sur le site monchar.com, je rencontre Blackthunder, a.k.a. Eve. Une vraie qui s'intéresse plus aux moteurs qu'à l'esthétique. Étant sourde de naissance, elle apprécie la grosse vibration de ceux-ci. Sur sa page, on peut voir les étapes de la restauration de sa Ford Mustang 1966. Lorsqu'elle se l'est procurée, elle était complètement défoncée.

Impressionnée, je lui donne rendez-vous sur msn. «Même si je n'entends pas, je peux trouver les problèmes mécaniques sur mes voitures, car je me fie à leur vibration», m'explique fièrement Ève. C'est bien, mais je demeure sur ma faim. Elle aussi se fait aider par son père. En fait, c'est une passion qu'ils partagent ensemble. Ils bricolent des voitures à temps perdu et apprennent en même temps les rudiments de la mécanique et du débosselage. Un peu envieuse, je me dis que c'était ça, dans le fond, le truc pour passer du bon temps avec son paternel: le pimpage.

Moi qui n'aurais espéré qu'une petite poussée sur la balançoire!