Quand un designer s'attaque à un texte, on peut être certain qu'il va tout mettre en oeuvre pour le rendre indéchiffrable.

Plus c'est joli, moins c'est lisible. Tenez, ces mots qui sous vos yeux se lisent facilement parce qu'ils s'énoncent bien. Ils sont composés en courrier 14 points, tout ce qu'il y a de plus clair, net, précis, facile à comprendre, noir sur blanc.

Donnez-les à un designer et il les triturera, les tordra, les étirera, les écrasera, les inversera, les mettra en 6 points, en extra light, en hyper condensé, en Matura mt Scripts Capital ou en Polymorph North. Il leur donnera des couleurs, il les mettra en blanc sur fond noir, en rouge sur fond bleu, en vert sur fond vert, les couvrira de layers, les penchera vers la droite, puis vers la gauche avant de les mettre à l'envers ou de les dessiner à la main avec un pinceau de peintre en bâtiment gros comme un balai.

Le pire, c'est quand un designer décide de mettre le texte aligné à gauche et à droite, sans paragraphe, sans points, bref, sans sens. Le typographe qui mettait les mots en lumière est devenu un tortionnaire qui cache les phrases dans une forêt de fioritures prétentieuses.

Avec ses logiciels extravagants plus perfectionnés qu'une fusée interstellaire, le designer se prend pour un chirurgien esthétique qui travaillerait un texte à la scie à chaîne. L'auteur qui lui fournit la matière première de sa quête du beau n'aura jamais le dernier mot.

Mais sans le designer, ses mots, aussi subtils soient-ils, seraient condamnés à se faire un sang d'encre et à finir leur vie en courrier 14 points sans style et sans âme sur un papier blanc sans relief et sans éclat.