Vous avez intégré les grillons à votre alimentation? Oserez-vous passer à la prochaine étape? Rencontre avec un entomologiste avant-gardiste qui explique comment élever des grillons à la maison.

Peut-on aimer les insectes... et en manger? Oui, si on se fie à Mario Bonneau, entomologiste à l'Insectarium de Montréal, qui a déjà élevé des grillons à la maison pour agrémenter son alimentation. «On s'intéresse aux grillons parce qu'on en trouve partout, qu'ils mangent n'importe quoi et qu'ils sont totalement inoffensifs, juge-t-il. C'est aussi agréable d'avoir des chants de grillons dans le salon toute l'année.»

Se mettre un insecte dans la bouche n'est pas à la portée de tous. «Ça fait 20 ans qu'on sait que c'est bon, que sa production ne coûte rien et que, sur le plan écologique, ça ne fait presque pas de déchets», rappelle l'entomologiste.

«La barrière culturelle, c'est ce qui est le plus difficile à passer...»

Les grillons sont des insectes très nourrissants. Riches en protéines, en vitamines, en fibres et en minéraux, ils suscitent de plus en plus l'intérêt de l'industrie alimentaire: des entrepreneurs développent des produits à base de grillons (les barres Näak, par exemple) et Provigo vend déjà de la poudre de grillons de marque maison.

S'en occuper

Les grillons qu'on élève pour la consommation humaine sont de l'espèce domestique (Acheta domestica). On se les procure dans n'importe quelle animalerie qui vend aussi des reptiles puisque ces insectes constituent leur pitance. Pour lancer un élevage, il faut environ 10 mâles et 10 femelles. Celles-ci sont reconnaissables à leur organe de pointe, une espèce d'épée visible entre leurs pattes de derrière.

Une fois le vivarium constitué (voir plus bas), il suffit d'assurer l'approvisionnement en eau, de nettoyer l'habitat et de nourrir les petites bêtes. «Ça mange n'importe quoi. Idéalement des quartiers de fruits, des coeurs de pommes, des carottes, des bouts de pomme de terre, des oranges, ils aiment bien ça. Pour les bébés, de la laitue», détaille l'entomologiste.

Puisque, la plupart du temps, les femelles sont déjà pleines d'oeufs au moment de l'achat, elles ne tardent pas à pondre - jusqu'à une centaine d'oeufs par jour! - dans leur nouvel environnement. «Après une semaine, on enlève le pondoir et on le place dans un autre vivarium. Sinon, les bébés vont se faire manger par les autres femelles», précise Mario Bonneau.

Les consommer

Une fois déposé dans le nouveau vivarium, le pondoir doit être libéré de son couvercle de moustiquaire. Les bébés émergeront du sable et atteindront la maturité en quelques semaines (de 8 à 10). «On sait que nos grillons sont adultes quand on les entend chanter», explique l'entomologiste. On peut alors en conserver deux ou trois dizaines pour la reproduction et s'apprêter à manger les autres...

«On ne peut pas manger les premiers grillons reproducteurs qu'on achète, parce qu'on ne connaît pas leurs conditions d'élevage. On pourra manger les générations suivantes seulement.»

Avant de consommer les grillons, il faut leur donner le temps de vider leur système digestif en retirant toute nourriture du vivarium pendant 24 à 48 heures. Comment les «abattre»? On les place, encore vivants, dans un contenant qu'on dépose au congélateur. Le froid les endormira progressivement. Mario Bonneau conseille d'attendre 48 heures avant de les apprêter et de les consommer.

Ça goûte quoi? «Il semble que ça dépend de leur alimentation. Je n'ai jamais remarqué de différence, dit toutefois Mario Bonneau. Peut-être que je n'ai pas le goût assez raffiné.» L'entomologiste dit toutefois que les grillons prennent très bien le goût des ingrédients auxquels ils sont mélangés.

Il existe des recettes de grillons aux herbes et à l'ail, d'autres où ils sont grillés au four (environ 10 minutes) et aromatisés d'épices diverses (cannelle, thym, etc.) puis servis en apéritif. Plusieurs proposent de prendre nos recettes habituelles et d'y intégrer des insectes ou de les substituer aux protéines habituelles. Mario Bonneau, lui, mettait des grillons dans sa sauce à spaghetti... Ne vous reste plus qu'à laisser libre cours à votre inspiration!

Construire leur vivarium

Contenant

Un aquarium d'environ 50 L fait l'affaire. Un bac de plastique transparent aussi. Le couvercle doit être grillagé, «pour que l'air circule bien et pour ne pas que les grillons s'échappent», précise Mario Bonneau. Une ampoule incandescente de 40 W, allumée 12 heures par jour, maintiendra la température dans la fourchette désirée: entre 15 et 30 °C.

Abri

Placez le vivarium dans un endroit calme où il n'est pas directement exposé au soleil. Avant de commencer à l'aménager, mieux vaut disposer des feuilles de journal au fond, pour en faciliter le nettoyage (à l'eau citronnée). Ensuite, il faut des abris: les grillons s'y cachent pour muer et se reproduire. Des cartons d'oeufs ou un autre matériau du genre font l'affaire.

Abreuvoir

Les grillons ne doivent pas manquer d'eau. Un récipient peu profond, comme le couvercle d'un pot de beurre d'arachide, suffit. Il faut le remplir de gravier (comme celui qu'on utilise pour les aquariums) afin que les insectes puissent boire en toute sécurité. «Si on met juste un bol d'eau, l'insecte va monter dedans ou sauter dedans par inadvertance et se noyer», dit Mario Bonneau. Une passerelle de carton est indiquée pour donner accès à l'eau.

Pondoir

Remplir de sable stérilisé au four à micro-ondes un contenant d'environ 5 cm de profondeur et recouvrir d'une moustiquaire tenue en place par un élastique. Mieux vaut opter pour une moustiquaire de métal puisque les femelles ont tendance à manger les oeufs de la concurrence... Le sable du pondoir doit être constamment humide - pas saturé d'eau. Il faut donc le vaporiser tous les jours. Encore une fois, une passerelle de carton est indiquée pour faciliter l'accès.

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Un aquarium d'environ 50 L fait l'affaire. Un bac de plastique transparent aussi.