Il y a un mois, La Presse a créé le groupe À votre tour, une communauté Facebook fermée, exclusivement réservée aux adolescents. Dans cet espace, les jeunes se sont exprimés sur des sujets qu'ils ont eux-mêmes mis à l'ordre du jour. Avec leur accord, voici quelques extraits des échanges animés des dernières semaines.

L'école, ça vous stresse ?

Dès le départ, quand on les invite à soumettre des sujets de discussion, de nombreux jeunes insistent pour aborder la question de la santé mentale, et plus particulièrement de l'anxiété scolaire. Nous avons donc posé la question : « Ça vous stresse beaucoup, l'école ? » Voici quelques-uns des commentaires recueillis.

Gabrielle Hurteau : Personnellement, je pense que beaucoup du stress vient de l'idée qu'on se fait des attentes de tout le monde par rapport aux études. On s'imagine souvent que c'est pire que c'est, que tout le monde s'attend à l'excellence, et cette idéologie-là devient très toxique, très vite. Pour avoir été dans un programme quand même compétitif, où l'anxiété de performance était à un niveau dramatiquement haut, ce que j'observais souvent, c'est que ceux qui avaient le plus d'angoisse liée aux études étaient ceux qui hyperbolisaient les idéaux de leurs parents. Personnellement, je crois qu'on se laisse beaucoup trop influencer par l'idée que notre valeur est équivalente à nos résultats scolaires. Je n'ai j'aimais vécu de l'anxiété de performance, parce que, au final, je sais ce que je vaux, je sais où sont mes forces et je n'essaie pas d'atteindre l'excellence, juste mon plein potentiel.

Chloé St-Amand : Pour ma part, je crois que mon stress vient surtout des attentes que je dois accomplir pour que mes parents, mes grands-parents soient fiers de moi et pour que moi-même je le sois. C'est sûr que oui, j'ai peur et mon anxiété ne m'aide pas. J'ai peur de ne pas avoir assez étudié pour mes examens, j'ai peur de ne pas passer mon année parce que l'accent, à l'école, c'est surtout sur la réussite plutôt que l'apprentissage. J'ai peur de ne pas être en mesure de faire ce dont j'ai envie plus tard. Je trouve aussi qu'on n'utilise pas assez la matière qu'on apprend. Je veux dire par là que, dans certaines matières, on ne fait que des examens papier. Oui, je sais qu'il y a un enseignement à suivre, mais on pourrait pousser plus pour explorer différents talents qu'il peut y avoir dans une classe.

Raphaël Boilard : Selon moi, le système d'éducation au Québec favorise beaucoup plus la réussite que l'apprentissage. Dès notre entrée à l'école primaire, nous sommes évalués et catégorisés en fonction d'un pourcentage ou d'une lettre. Souvent, les parents exercent de la pression sur leurs enfants pour que ceux-ci atteignent des métiers valorisés par la société. Certains parents sont donc en partie responsables du stress que leurs enfants vivent au quotidien. Toutes ces évaluations et tous ces résultats nous amènent à nous comparer aux autres. Ainsi, un élève qui étudie beaucoup mais qui a des difficultés d'apprentissage se sentira inférieur aux autres et de mauvais résultats apporteront chez lui un stress supplémentaire. Je pense que le point de départ du stress à l'école est la façon dont la structure scolaire est établie.

Ninon Cholette : Honnêtement, le pire, c'est ce que ça fait aux élèves. À la base, on est tendus et on se concentre moins. C'est vraiment pas beau. Je connais des personnes qui font de l'insomnie pendant les périodes d'examens, qui perdent leur appétit, qui vomissent. Personnellement, ça m'est déjà arrivé d'avoir de la nausée pendant une semaine à cause du stress des examens du Ministère.

Léa Demers-Paul : Moi, je stresse beaucoup, car j'ai toujours peur de ne pas être à la hauteur des attentes des profs ou de mes parents. Pour m'aider, je fais des dessins avec des messages inspirants qui m'encouragent. J'ai fait cette technique deux fois et je vous jure, ça marche ! J'ai eu des super bonnes notes !

Amélie Roy : L'an dernier, je vivais tellement de stress dû à l'école que j'en dormais plus. Maintenant, j'ai appris que malgré les attentes de l'école (qui nous répète sans cesse de faire attention à nos moyennes, etc.), nous devons donner la priorité à notre santé. Mais la voix qui me dit que ce n'est jamais assez et que seuls les meilleurs vont réussir et se démarquer reste toujours là...

À bas les préjugés !

Les adultes ont-ils un regard juste sur les adolescents ? Pas toujours, soulignent à grands traits les membres du groupe Facebook À votre tour ! Où errons-nous ? Ils ne passent pas par quatre chemins pour nous le dire.

Sexe, drogue et alcool

Jasmine Fournier : Les préjugés envers les jeunes sont ce qui me met le plus en colère ! J'ai eu une réunion pour un voyage culturel à l'étranger avec l'école, et l'organisateur nous a répété de nombreuses fois : « Pas de drogue, pas d'alcool. Je sais que vous en prenez beaucoup, mais vous ne pouvez pas en apporter là-bas. » Non, nous ne sommes pas tous paresseux, collés sur nos téléphones, qui ne veulent que sexe, drogue et alcool ! Les personnes avec qui je travaille sont extrêmement surprises quand je leur explique un de mes projets, comme faire un voyage coopératif au Costa Rica, courir de Québec à Montréal ou encore réaliser un documentaire pour contrer, justement, les stéréotypes sur les adolescents, alors que je n'ai que 15 ans.

Paresseux et critiques

Briana Legault : Il est fâchant et énervant de se faire mettre dans le même panier que d'autres qui ne nous ressemblent pas, de nous faire emprisonner dans des stéréotypes dégradants. Plusieurs disent que nous sommes paresseux, que nous critiquons tout sans avoir d'opinions, que nous sommes tous des rebelles. On nous juge, puis on nous dit que nous sommes le futur, que nous allons changer les choses, que c'est notre génération qui rendra le monde meilleur. Alors, laissez-nous critiquer ! Nous avons soif de changement et nous tentons de vous le faire comprendre avant que notre naïveté d'adolescent s'envole. Peut-être que c'est cette naïveté adolescente qui nous ouvre les yeux.

L'enfer, c'est les autres

Simon Provost : Personnellement, je n'ai jamais eu de problèmes de ce type avec mes parents. Ils savent que les préjugés ne me concernent pas tous, mais on dirait qu'ils me considèrent comme l'exception. Lorsqu'ils parlent des autres ados, les préjugés reviennent toujours. Et quand je parle avec d'autres adultes, on dirait qu'ils sont surpris lorsque je parle de politique ou que je dis que j'aime Paul Piché ! C'est comme si tout le monde pensait que son enfant était différent des préjugés, mais que la masse, non. C'est un peu achalant.

Du pareil au même ?

Magalie Caisse : Nos parents comprennent ce que c'est être un jeune d'aujourd'hui : ils l'ont déjà été. Quand on panique et qu'on dit à nos parents qu'ils ne comprennent rien, c'est faux ! Ils veulent qu'on ne fasse pas les mêmes erreurs qu'ils ont peut-être faites, je crois.

Benoit Khézami : Personnellement je n'ai jamais eu de problème avec les adultes, qui me prennent au sérieux, mais je pense qu'il y a toujours eu une certaine condescendance des adultes envers les ados, c'est juste humain. Pis ceux qui se plaignent aujourd'hui, jurez-moi dans le blanc des yeux que vous n'allez pas être pareils plus tard.

Écoutez-nous !

Dali Huber : On peut comprendre qu'ils élèvent un enfant, mais parfois, ils ne nous écoutent pas. On est négligés de notre maturité un jour, et l'autre, on doit porter le poids du monde. Où est le juste milieu ?

Ludovic Tourigny : Y'a une généralisation abusive. Les ados seraient tous des gens déplaisants et non éduqués selon beaucoup d'adultes. Nos avis sur des sujets d'actualité n'ont également aucune crédibilité pour ces gens.

Marie-Lune Cloutier : Quelques fois, j'ai l'impression que certains adultes pensent que nous sommes encore des enfants alors que nous sommes presque des adultes. J'ai l'impression qu'ils ne veulent pas nous laisser expérimenter certaines choses et nous planter, pour ensuite se relever et apprendre de nos erreurs.

Deux solitudes

Florence Bergeron : Je crois qu'il est aussi facile de généraliser les adolescents que les adultes. « Les adultes ne comprennent pas ce que nous vivons », « les adolescents ne font que boire et enfreindre des règles », patati patata. Toute cette généralisation n'aide en rien la compréhension et la communication entre les générations. Si on ne dit rien aux adultes sur notre situation, sur ce que nous ressentons et sur ce que nous vivons, ils n'arriveront jamais à comprendre et ne pourront que nous juger de loin.

Parler de sexualité, oui, mais...

Premiers amours, identité sexuelle, vie intime, hypersexualisation... plusieurs jeunes membres du groupe souhaitent s'exprimer au sujet de la sexualité. Sont-ils toutefois à l'aise d'en parler avec les adultes autour d'eux ? Oui. Non. Peut-être.

Nicolas Gamache : Je suis très à l'aise lorsque vient le moment de parler de sexualité, parce que cela n'a jamais été un tabou dans ma famille. On en parle comme n'importe quel autre sujet et de façon très ouverte. Par contre, je pense qu'il est nécessaire de remettre dans le programme scolaire du secondaire des cours d'éducation sexuelle.

Matis Boivin : Franchement, quand on en parle, c'est toujours des maladies et de contraception, pis personnellement, j'ai compris ça vite, mais on va jamais plus loin. On ne parle pas de comment le faire ou des lois à ce niveau, ou même des risques qui ne sont pas liés aux maladies, des « techniques », des possibilités. J'veux dire, on a compris à un moment donné qu'il faut un condom.

Audrey Lalande : Moi, je me sens à l'aise si la personne qui m'en parle est à l'aise ! De plus, ce serait une bonne idée d'avoir un cours EXPRÈS pour ça, car j'ai dû chercher sur l'internet pour répondre à mes questions.

Rose Pagé : J'ai toujours ressenti un malaise d'en parler avec des adultes parce que ceux-ci trouvaient ça malaisant. Du moment que les personnes avec qui on en jase emploient les vrais termes pour parler des vraies choses, avec un naturel comme si on parlait de ce qu'on allait acheter à l'épicerie, automatiquement, c'est beaucoup plus facile. C'est certain que ça demande de l'éducation des deux côtés, autant des parents (pour briser ce tabou avec lequel ils ont grandi en raison de leur époque) et des jeunes (pour leur dire que c'est un sujet tout à fait sain et normal). J'ai des discussions avec mes amies sur la sexualité et c'est loin d'être gênant.

Gabrielle Hurteau : Non seulement ça, c'est encore plus malaisant d'en parler à un parent quand tu n'es pas hétéro. Qu'on le veuille ou non, on est un peu obligé de s'arranger tout seul, parce que nos parents ne sont pas familiers avec la chose et l'école est souvent mal adaptée ou gênée d'avoir à parler de sexe, alors en plus, de leur demander de parler de santé sexuelle chez les couples homosexuels, c'est une autre paire de manches. Je pense que le plus gros du problème est là. Les cours sont cartésiens, anatomiques, hétérocentristes, distants, quand il y en a. Je pense que ce n'est pas au parent d'en parler, nécessairement, parce qu'il faut soit être vraiment proche pour ne pas être malaisé, ou suffisamment distant, et ça, pour un parent, c'est quasi impossible. La distance est l'option la plus facile, et les enseignants maîtrisent très bien la distance nécessaire pour faire un impact sans que ce soit désagréable.

Kloe Hurrell : Parfois, certains adultes nous font sentir leur opinion et « désaccord » avec certains sujets, ce qui ne nous incite pas à en parler et à exprimer nos propres opinions/questions.

Magalie Caisse : Il m'arrive d'être « malaisée » quand un adulte m'en parle, mais à quel ado ça n'arrive pas ? C'est préférable de parler avec quelqu'un qui est à l'aise pour se sentir capable de poser nos questions. Plus les profs seront gênés d'en parler, plus on n'écoutera pas.

Sophia-Rose Lessard : Moi, je trouve que c'est super malaisant d'en parler pendant nos cours de sciences et aussi avec nos parents. Mais il faut en parler, car c'est important d'être informé. On ne peut pas juste s'informer en regardant la télé et en cherchant sur l'internet. Souvent, même les profs de sciences ne sont pas très à l'aise, donc moi je pense que ça devrait être une sexologue qui devrait en parler pour mieux comprendre le sujet et aussi en discuter avec la classe ou en petit groupe.

S'ils pouvaient décider...

Si nos ados pouvaient occuper un poste décisionnel dans la société, à l'école, ou même à la maison, que changeraient-ils ? Aucun doute là-dessus : nos jeunes ont des idées et ils ont soif d'autonomie.

Jeremy Fortin : [Je créerais] un programme pour qu'à l'école, on parle de sujets tabous, car j'ai réalisé que dans les écoles, les adultes ne veulent pas en parler.

Elyzabeth Roy : MOINS. DE. PRESSION ! Avec les examens, les devoirs, les projets d'équipe... On retrouve la pression partout ! Je trouverais un moyen de la réduire. Je ne comprends pas pourquoi cela n'est pas déjà LA priorité auprès des jeunes.

Ninon Cholette : Dans les écoles avec des uniformes, [j'aimerais faire] adopter l'égalité des uniformes pour que les élèves trans puissent faire la transition plus facilement.

Éliane Boucher : Si j'étais en poste décisionnel, je changerais notre système décimal pour un système en base douze. Cela peut sembler farfelu, mais quand on y réfléchit, cela apporte d'innombrables avantages en simplifiant notre vie de tous les jours et l'apprentissage des calculs pour les jeunes du primaire (12 ayant plus de facteurs que 10, les tables de multiplication et les fractions sont plus faciles à concevoir). Même si cela semble impossible de changer de système, je crois honnêtement que cela vaudrait hautement la peine.

Gaëlle Boyer : Je commencerais par régler la situation avec les infirmières ainsi qu'avec les professeurs. La surcharge de travail dont ils souffrent a un impact très important sur les services à la population, alors que ce sont des services de base. Je remettrais aussi obligatoires les cours d'éducation sexuelle. Je voudrais aussi faire en sorte que ceux qui fraudent l'État et qui volent l'argent des contribuables soient obligés de rembourser ce qu'ils ont pris. Pour finir, une refonte du système en général serait importante : il y a beaucoup trop de bureaucratie qui nuit aux services à la population et qui gobe beaucoup d'argent. Ah, et j'oubliais, [il faudrait] faire en sorte d'avoir de plus belles routes, comme celles dans les autres provinces et territoires canadiens.

Jade Larouche : Si j'étais le parent de tous, j'inculquerais à mon enfant l'honnêteté et je m'assurerais que celle-ci soit respectée. C'est rare de voir des gens honnêtes de nos jours. La communication est à son plus bas et pourtant, nous avons tous les moyens à notre disposition. Les gens mentent, cachent les choses et déforment les histoires. Voilà ce que je changerais.

Dali Huber : [J'améliorerais] la liberté de l'expression, si j'étais la directrice de mon école.

Benoit Khézami : Je m'occuperais du débat le plus chaud de notre époque : je déciderais de donner force de loi à la recommandation du rapport Bouchard-Taylor, qui demande que les postes en situation d'autorité ne puissent pas porter de signe religieux. Je le ferais pour deux raisons : parce que je pense que ça aiderait pour la laïcité et calmer le jeu. C'est un débat qui laisse les jeunes indifférents, mais la conclusion de celui-ci laissera des marques sur leurs vies.