Certains voient la perte d'un emploi comme étant une fatalité. D'autres, plus optimistes, la voient comme un nouveau départ. Après avoir encaissé le coup, c'est le temps de se retrousser les manches et, souvent, de donner un nouveau souffle à sa vie professionnelle. Témoignages et conseils.

Un nouveau départ?

Perdre son emploi peut être une occasion de prendre un temps d'arrêt et ainsi devenir le point de départ d'une démarche d'introspection sur ses attentes et désirs par rapport à sa vie professionnelle. Pour repartir du bon pied, un suivi fait par des professionnels peut transformer l'épreuve en un tremplin vers de nouveaux défis.

L'impact sur soi et le regard des autres

Chez plusieurs personnes, la honte et la baisse d'estime de soi sont des éléments qui ressortent rapidement après l'annonce de la perte d'un emploi. «C'est une des premières choses avec lesquelles on doit travailler. Bien souvent, on ne sait pas comment dire à nos proches que l'on a perdu notre emploi», explique Éric Provencher, psychologue organisationnel chez Humana Conseil.

«Le réseau est très important, les gens autour peuvent faire la différence sur la capacité de résilience de la personne. Le réseau social vient jouer pour beaucoup.»

Il cible trois facteurs-clés qui influencent la manière avec laquelle la personne reprendra sa vie professionnelle en main à la suite de l'annonce de la perte d'emploi: la façon dont le licenciement ou le congédiement se déroule, la personne elle-même et ses ressources (sa personnalité, le réseau de soutien affectif, le réseau de soutien professionnel et la santé financière) et la qualité du soutien dans la recherche d'emploi.

Colère et réseaux sociaux

À la suite d'une perte d'emploi, la panique est souvent la première réaction qui se fait sentir. «Selon l'âge ou le bagage professionnel ou d'études, c'est la crainte de ne pas retrouver d'emploi. Nous avons à aider la personne à gérer tout ça. Il y a souvent beaucoup de colère envers l'ancien employeur, et il faut faire attention. On dit souvent que la colère est mauvaise conseillère. Il faut éviter de faire des gestes que l'on pourrait regretter», prévient Josée Landry, présidente de l'Ordre des conseillers et conseillères d'orientation du Québec.

Les réseaux sociaux sont particulièrement à surveiller. Même si l'on croit que ce ne sont que les amis proches qui pourront lire les états d'âme que l'on diffuse sur la Toile, l'information est souvent plus facilement accessible qu'on pourrait le croire.

«Lorsqu'on est en colère contre son ancien patron, je comprends que ça peut être tentant de vouloir se faire justice soi-même. Il faut penser à l'après: notre image de marque et notre réputation. De plus en plus d'employeurs font des recherches sur les réseaux sociaux. Il ne faut pas céder à la panique», conseille Josée Landry, présidente de l'Ordre des conseillers et conseillères d'orientation du Québec.

Cela ne veut pas dire que l'on doive s'abstenir d'en parler. Au contraire, il faut éviter de rester seul avec cette nouvelle. «Une des questions qu'on se fait poser le plus souvent c'est: "Qu'est-ce que vous faites dans la vie?" Quand on n'a plus d'emploi, les gens sont gênés de le dire et ils peuvent avoir tendance à s'isoler. Il faut en parler et il ne faut surtout pas hésiter à activer son réseau de contacts», ajoute la présidente de l'Ordre.

Se poser les bonnes questions

Celui ou celle qui vient de perdre son emploi doit arriver à nommer la perte et ce qu'elle a généré comme sentiment. Une fois le deuil passé, c'est le temps d'amorcer un processus de réflexion et d'introspection. Est-ce qu'il y a un rêve que j'ai mis de côté et que j'aurais la possibilité de poursuivre? Est-ce que je peux aller chercher un emploi qui correspond davantage à qui je suis aujourd'hui et qui me donnerait cette possibilité d'être bien dans mon travail?

«Il faut se donner le droit de rêver. Ce n'est pas parce qu'on en rêve qu'on finira nécessairement par faire cet emploi, mais ça peut aider à se diriger vers un idéal et trouver un emploi qui se rapproche davantage de qui ont est. On peut oser aller dans la fantaisie et le rêve pour ensuite revenir dans la réalité», estime Sandra Chéry, conseillère d'orientation et conférencière en mieux-être au travail.

Sandra Chéry insiste sur l'importance de prendre ce temps d'arrêt et de réflexion. «Très souvent, si on rebondit immédiatement après le congédiement, on est dans l'émotion, l'impulsivité, et parfois, c'est notre anxiété qui nous amène vers des emplois où ce ne sera pas mieux, peut-être même pire.» Le psychologue Éric Provencher abonde dans le même sens. «On est mieux de faire un petit pas de côté et ne pas postuler à tous les emplois qui apparaissent. Ça permet de travailler un bilan de carrière et reconsolider la personne. On doit l'aider à bien cibler son futur emploi.»

L'âge et l'impact de la perte d'emploi

Selon les âges, les professionnels interviennent différemment. «Au niveau de l'identité et au niveau de la douleur, ce n'est pas la même chose quant à la perte. Les gens plus âgés s'attendaient à terminer leur carrière dans ce milieu de travail-là, et ça n'a pas lieu. Il faut nommer cette perte-là, ajoute Mme Chéry. Alors que plus jeune, on regarde la perte, mais on se projette dans le futur. Est-ce qu'on était bien dans son emploi, qu'est-ce qu'on a aimé, qu'est-ce qu'on n'aimait pas, qu'est-ce qu'on souhaite maintenant ? Et de là, on entame un bilan de compétences.»

Survivre à l'annonce et rebondir

Tout allait pour le mieux: une carrière qu'ils aimaient, dans un milieu qui leur ressemblait. Pourtant, leur employeur les a convoqués pour une rencontre qui allait marquer la fin du lien de travail qui les unissait. Témoignages.

Annie Martel - promotion et marketing

Elle travaillait dans l'univers de la radio, principalement en promotion et en marketing, depuis 14 ans. Elle a d'abord roulé sa bosse en région, puis on lui a offert un poste à Montréal. Deux ans après qu'elle a posé ses valises dans la métropole, on lui annonce qu'elle perd son emploi. «À la suite d'une restructuration, mon poste a été supprimé pour des questions budgétaires, explique Annie Martel. La journée de l'annonce, j'ai pleuré. Je n'y croyais pas, j'étais désemparée. Je n'avais tout le temps eu que des bons commentaires, je faisais des semaines de 70 à 80 heures, j'étais complètement dédiée à mon travail. On m'a offert d'aller dans d'autres régions, mais je ne voulais pas. J'étais rendue à Montréal, je venais d'acheter un duplex, ma vie était ici.»

Trois ans plus tard, elle voit beaucoup de positif dans cette épreuve. Même si les avantages sociaux dont elle bénéficie aujourd'hui ne sont plus du tout les mêmes, elle aime son travail de directrice du marketing pour un concessionnaire Harley-Davidson. «À la toute fin, en radio, je faisais beaucoup d'angoisse, j'étais très stressée. Mentalement, je me porte beaucoup mieux. Je ne ferme pas la porte à retourner en radio, mais pour le moment, j'ai besoin de la stabilité que j'ai, et j'adore ce que je fais. J'ai compris qu'il ne faut pas douter de ses compétences ni avoir honte dans ce genre d'épreuve. Je vois plein de mes ex-collègues perdre leur travail et je me trouve chanceuse, c'était un mal pour un bien.»

Raoul Olivier - analyste aux inventaires

Malgré le contexte de la crise de 2008, l'entreprise de commerce au détail pour laquelle il travaillait promettait qu'elle ne supprimerait pas de poste. Pourtant, une semaine plus tard, Raoul Olivier est convoqué pour qu'on lui annonce la nouvelle: il perd son emploi. «La première chose qui m'a passé par la tête, c'est la déception envers l'entreprise. Mais ensuite, l'instinct de survie s'est activé. Ce n'était pas le temps de faire des reproches ou de se poser des questions. C'était le moment de passer à l'action. Ma priorité était de trouver une façon de pouvoir payer l'allocation pour mon garçon à ma charge», se souvient-il.

Comme la situation économique compliquait beaucoup la recherche d'un nouvel emploi, il a décidé de démarrer sa propre entreprise. «J'ai lavé les vitres de locaux commerciaux. J'ai fait ça pendant quatre ans, jusqu'à ce que je me trouve un nouvel emploi.» Aujourd'hui, il travaille comme formateur de conducteurs de chariot élévateur. Il reconnaît que cette annonce a changé sa vie: «Ça m'a permis d'avancer. Je crois que des fois, il nous faut des situations de cette ampleur pour développer notre potentiel. Malheureusement, ce n'est pas tout le monde qui y arrivera. Ce que j'en ai retiré comme expérience, c'est que ça m'a permis d'avancer. Professionnellement, je suis une meilleure personne et je n'ai jamais été aussi heureux au travail.»

Pierre-Michel Morais-Godin - développeur web

Jany Tremblay - graphiste

Le couple travaillait pour la même entreprise, sur le même projet. Tous deux ont décidé de quitter Montréal pour déménager au Nouveau-Brunswick, et leur employeur leur avait promis qu'ils pourraient poursuivre le travail à distance. L'offre d'achat sur la maison acceptée, on leur a appris quelques jours plus tard que le projet ne survivrait pas. «Nous avions acheté une maison en fonction des moyens que l'on avait. Et, du jour au lendemain, on perd notre emploi. Jany était enceinte de cinq mois et nous avions un déménagement de 5000 $ à venir dans quelques semaines», explique Pierre-Michel Morais-Godin.

Après le choc, le couple a dû affronter la réalité. Tous les deux, de leur bureau aménagé dans leur nouvelle maison de Caraquet, ils sont retournés à la pige. «Deux ans plus tard, on se retrouve endettés de 50 000 $ à cause de cette perte d'emploi. Et les plans ont complètement changé. Notre idée, en venant s'installer au Nouveau-Brunswick, c'était de terminer le contrat et démarrer ici des projets en dehors de nos domaines respectifs. On voulait travailler davantage avec nos mains, être plus créatifs, travailler sur des choses plus tangibles. Finalement, on fait le même travail et on n'a pas cessé de courir pour de l'argent. Ce but-là n'a pas été atteint, mais on a encore le plan en tête», assure le père de famille.

Photo Martin Chamberland, Archives La Presse

Certains voient la perte d'un emploi comme étant une finalité. D'autres, plus optimistes, la voient comme un nouveau départ. Après avoir encaissé le coup, c'est le temps de se retrousser les manches et, souvent, de donner un nouveau souffle à sa vie professionnelle.

L'envers de la médaille

Annoncer une suppression de poste ou un congédiement demande beaucoup de doigté et d'empathie. Pour la personne qui reçoit la nouvelle, la façon dont l'annonce est faite peut avoir un impact important sur la suite des choses. Les conseillers en ressources humaines sont en première ligne quand vient le temps de procéder à des licenciements.

Selon Patrick Bernier, conseiller en ressources humaines agrée (CRHA) et président de l'Équipe Humania, l'approche n'est pas la même pour la suppression de poste et le congédiement. «La suppression de poste, c'est la rationalité économique d'une entreprise. Dans le cas du congédiement, il y a eu des avertissements, des sons de cloche. Nous arrivons à un point de non-retour et, souvent, l'avis de dernière chance a déjà été donné.»

Dans son rôle de conseiller, M. Bernier accompagne les employeurs dans les démarches de cessation d'emploi.

«On va aller chercher les faits. On veut l'objectivité dans la situation. On élabore les scénarios possibles, comment la personne va réagir, ce qui va se passer, quelle est la situation personnelle, on se met dans la peau de l'individu pour essayer de trouver quelles seront les situations qui la rendront plus émotive ou pas.»

«Il faut aussi miser sur la vie après, ajoute-t-il. Des employeurs vont offrir des compensations pour la perte associée. On ajoute aussi de l'aide avec un psychologue industriel: aide au CV pour retrouver un emploi, arriver à se repositionner et s'assurer que ça fonctionne bien pour le prochain emploi. Ça rassure les gens.»

Fanny Smolsky, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) à la firme Vézina Nadeau Labre, insiste sur le fait que la personne doit se sentir respectée. «Il faut que ça se fasse dans la dignité. Bien entendu, il faut s'attendre à ce que la personne réagisse, elle a le droit d'avoir de la peine ou d'être en colère. Il faut qu'elle sente qu'elle a été entendue. On ne peut pas simplement annoncer la nouvelle et laisser l'employé seul. Il faut aider la personne à faire un bilan, à faire une bonne introspection. C'est déstabilisant, ça amène beaucoup de remises en question.»

Photo Aaron Harris, Archives Bloomberg