Trouver l'âme soeur n'est pas facile. Les sites de rencontres font des fortunes avec des célibataires en quête d'amour, des divorcés qui croient à une seconde chance, ou des aventuriers à la recherche d'une histoire d'un soir qui durera peut-être quelques matins de plus.

Le rabbin Yisroel Bernath s'est donné pour mission d'aider les célibataires de la communauté juive à trouver LE partenaire. Le hasard fait bien les choses, mais il a parfois besoin d'un petit coup de pouce et c'est ce que le rabbin offre à ses «clients». «From the dorm room to the boardroom», lance-t-il avec un sourire, une façon de dire qu'il accompagne les couples jusqu'à ce qu'ils aient atteint leur vitesse de croisière.

Ce jeune rabbin de 32 ans est un véritable hyperactif qui, comme les gens de sa génération, est présent sur toutes les plateformes: Twitter, Facebook, Pinterest, Instagram et LinkedIn. Il tient aussi un blogue dans lequel il parle vie communautaire, politique, et où il publie... des critiques de vin. Au cours de notre rencontre d'une heure, il a raté 45 textos... «On m'appelle même des toilettes d'un restaurant, lors d'une première rencontre, pour me demander: qu'est-ce que je dois faire maintenant?», raconte-t-il en riant.

Entremetteur 2.0

Tout a débuté en 2005 lorsque Yisroel Bernath, originaire de Chicago, est venu s'installer à Montréal. «J'ai commencé à organiser des soirées pour de jeunes Juifs qui souhaitaient rencontrer des gens de leur communauté. Ce n'est pas qu'ils soient particulièrement religieux, mais ils souhaitent se marier avec un Juif, car c'est plus facile pour la suite. Vous savez: le mariage, l'éducation des enfants...»

Installé dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, le rabbin Bernath réunissait chaque semaine des dizaines de jeunes pour discuter autour d'un verre de vin et de petites bouchées. «C'est là que j'ai commencé à devenir entremetteur, raconte-t-il. Des gens me disaient: aide-moi à rencontrer quelqu'un, alors j'organisais des blind dates entre deux personnes qui, à mon avis, avaient des atomes crochus.»

Après quelque temps, le bouche-à-oreille a fait son oeuvre. Yisroel Bernath s'est associé à l'organisme communautaire Chabad pour créer JMontreal, site web qui lui permet d'offrir ses services à un plus grand nombre de personnes. «Je me vois comme un entremetteur de la vieille école, comme dans le film Un violon sur le toit, mais avec un petit quelque chose de plus», explique-t-il.

Ce petit quelque chose, c'est l'algorithme qui lui permet plus rapidement d'unir les destinées de deux personnes en se basant sur des questionnaires auxquels elles ont répondu. Mais le site va plus loin. Une touche humaine le distingue des autres sites de rencontres destinés à une clientèle juive. Un réseau de bénévoles étudie les propositions de l'algorithme et interviewe longuement chaque candidat avant d'organiser le premier rendez-vous. JMontreal compte 2700 inscrits. Le site est tellement populaire qu'il a fait des petits à Boston, Toronto et Chicago.

L'abc d'une relation amoureuse

«Dans la vie, nous avons tous un bashert, lance le rabbin Yisroel Bernath. Bashert, c'est le mot hébreu qui signifie âme soeur. Au début, nous n'étions qu'un, nous avons été séparés, il faut retrouver notre moitié.»

Mais alors, pourquoi est-ce si difficile de réussir une relation amoureuse une fois qu'on a trouvé LA personne? «Les jeunes aujourd'hui ne connaissent rien à l'engagement. Ils viennent de familles aux parents divorcés et ne connaissent de l'amour que ce qu'ils ont vu dans les comédies romantiques, croit le rabbin, qui est père de trois jeunes enfants. En plus, la société leur dit que le mariage, ce n'est pas important. Alors au premier obstacle, ils s'enfuient.»

Quand il organise la première rencontre, le rabbin Bernath ne dévoile presque rien de l'identité des deux personnes. «Je suis le contraire de Réseau Contact, précise-t-il avec humour. Ils doivent me faire confiance, car je ne leur montre même pas de photos. Je leur dis: je ne veux pas que tu juges selon les apparences, je veux que tu voies si la chimie est là. Ils sont stressés, ils m'appellent quelques jours avant pour me dire non, non, ça ne marchera pas. Puis environ une heure avant le rendez-vous, je leur envoie une photo. Vous savez, les gens veulent souvent se marier avec une idée, pas avec une personne. Je leur dis: épouse une photo alors...»

Travailler son couple

Les probabilités que deux personnes se plaisent et décident de s'engager dans une relation sont tout de même assez élevées, selon cet entremetteur 2.0. C'est après que ça se corse. «On ne peut pas vivre dans un monde rose bonbon. L'amour peut être le fruit du hasard ou d'une rencontre arrangée, mais dans les deux cas, une relation, ça se travaille», estime le rabbin qui dit puiser dans la Bible et les livres de psychologie populaire la matière qui alimentera les cours et les conseils qu'il prodigue.

Récemment, un groupe de couples qui se sont rencontrés grâce à ses bons services lui a organisé une fête-surprise pour son 10e anniversaire de mariage. Il n'a pas gardé le compte exact des rencontres réussies, mais il les évalue par centaines. «On ne sait jamais complètement l'impact que notre travail peut avoir, avance le rabbin Bernath. Il arrive que je croise dans la rue des couples que j'ai aidé à former. Je découvre alors qu'ils sont mariés, qu'ils ont des enfants. C'est toujours valorisant.»