Des défilés de la fierté gaie hauts en couleur aux mariages symboliques entre personnes du même sexe, le tabou entourant l'homosexualité s'effrite lentement au Vietnam, mais les militants attendent toujours le droit de se marier légalement.

Quelque 300 personnes ont participé dimanche à vélo dans les rues de la capitale à la troisième et plus important défilé de la fierté gaie.

Alors que l'homosexualité a longtemps été vue comme un «fléau social», la tolérance fait son chemin dans un pays où les valeurs conservatrices du confucianisme, qui met l'accent sur la famille traditionnelle, sont toujours bien ancrées, en particulier dans les zones rurales.

Le pays est ainsi désormais l'un des plus progressistes d'Asie en matière d'approche de la sexualité.

En 2012, les députés du régime communiste avaient même envisagé d'autoriser les mariages entre personnes de même sexe, une avancée qui aurait propulsé le Vietnam à l'avant-garde des droits homosexuels dans la région. Mais ils y avaient finalement renoncé.

Ils ont toutefois aboli les amendes pour les fêtes de mariage homosexuel, unions symboliques qui ne sont pas légalement reconnues.

Mais les militants de la communauté LGBT (lesbiennes, gais, bi et trans), encouragés par les progrès, font désormais pression sur les autorités pour un réexamen de la question du mariage.

«Nous voulons que le Vietnam légalise totalement le mariage entre personnes du même sexe (...) pour que nous puissions être propriétaires ensemble et adopter un enfant ensemble», plaide Dao Le Duc Nghi, 30 ans, qui a «épousé» son partenaire en mai lors d'une cérémonie qui quelques mois auparavant aurait été empêchée par les autorités.

«Les parents des deux côtés étaient là. Nous avions environ 200 invités. Nous avons informé les autorités qui nous ont dit de le faire», explique-t-il à l'AFP.

Mais le couple, qui s'occupe d'un petit restaurant dans la province de Binh Phuoc, dans le sud, espère plus. «Ils finiront par légaliser le mariage homosexuel», prédit Nghi. «Il n'y a pas de raison pour ne pas le faire».

«Grande déception»

Mais pour l'instant, le gouvernement n'est pas d'accord, soulignant que la population des campagnes n'est pas prête.

«Ces dernières années, il y a eu un grand changement dans l'opinion publique», note toutefois le sociologue Le Quang Binh, qualifiant de «grande déception» la marche arrière sur la légalisation de ces mariages.

Une clause de la nouvelle loi sur la famille aurait étendu aux couples LGBT certaines règles en matière de propriété et d'adoption, mais l'Assemblée nationale l'avait retirée à la dernière minute.

Pour Trinh Thi Thanh Binh, députée chargée des Affaires sociales, l'abolition des amendes pour les fêtes est déjà un grand pas.

«Les homosexuels sont comme tout le monde, ils ont les mêmes droits que tout le monde», assure-t-elle à l'AFP, tout en reconnaissant que la communauté LGBT a souffert de discriminations, poussant nombre de ses membres à rester dans le placard.

«Mais la loi protège les droits de tous les citoyens, majorité ou minorité», ajoute l'élue.

En comparaison des gigantesques défilés à Londres, Berlin ou Sydney, la gay pride de dimanche à Hanoï pouvait paraître dérisoire, mais les militants assurent que leur mouvement prend de l'ampleur.

«Nous avons pu voir des progrès, limités, mais solides et cohérents», souligne Tam Nguyen, organisatrice de cette parade.

Les médias d'État avaient couvert la première gay pride à reculons et seulement après que la presse internationale s'était emparée de l'événement. Cette fois-ci, la télévision et les journaux locaux ont submergé Nguyen d'appels téléphoniques.

Le régime communiste à parti unique, régulièrement critiqué pour ses violations des droits de l'Homme, ne semble pourtant pas le champion idéal pour défendre les droits des homosexuels.

«Les droits LGBT sont un rayon de soleil que Hanoï peut mettre en avant au milieu d'un bilan des droits de l'Homme lamentable», explique Phil Robertson, de Human Rights Watch. «Mais à la fin, la communauté LGBT au Vietnam va s'attendre à plus».