Rares sont les femmes qui pratiquent le graffiti ou l'art de rue. Depuis moins d'un an, les collages d'une artiste apparaissent sur les murs de Montréal. Voici Zola, street artist féministe et politique.

C'est autour du boulevard Saint-Laurent que les visages masqués par un foulard collés par Zola sont apparus. Inspirés du printemps 2012, par une esthétique anarchiste ou par des animaux, ces collages détonnent parfois par leurs couleurs, et toujours par leur message.

«Keep Fighting», «Decolonize yourself», «splach patriarchy», «This is stolen native land»: le message est direct et laisse peu de doutes sur ses couleurs politiques.

«Ce sont toujours des causes qui me touchent», explique la jeune femme derrière le pseudo Zola.

Le milieu de l'art urbain n'étant pas toujours ouvert aux médias, et les artistes chérissant d'autant plus leur anonymat qu'ils restent exclusivement dans l'illégalité, nous avons été surpris de pouvoir entamer une conversation par courriel avec Zola, puis de la rencontrer dans un café de la rue Saint-Denis, il y a quelques semaines.

Toute de noir vêtue, les cheveux courts, les yeux encadrés par de larges lunettes, Zola préserve jalousement son identité et sa vie. Elle ne lâchera, au cours d'un entretien de 45 minutes, rien sur son identité.

«J'ai une vie privée, le street art n'est pas ma carrière», dit-elle.

Décolonisation

Chose certaine, Zola a baigné pendant une grande partie de sa vie dans un milieu politisé.

Aussi est-elle particulièrement sensible au sort des Autochtones et consacre une partie de ses créations au thème de la décolonisation.

Aux côtés de Camille Larivée-Gauvreau, elle travaille actuellement à la mise sur pied d'un rendez-vous d'art de rue autochtone à Montréal (Decolonizing Street Art: Anticolonial Street Art Convergence). Une campagne de financement pour ce projet est en cours.

«On a des gens du Yukon, de San Francisco, de Chicago et d'un peu partout en Amérique du Nord», dit-elle. Les artistes partagent plusieurs préoccupations communes, notamment une opposition aux projets de pipelines. À Montréal, l'organisation du DSA n'a toutefois pas encore trouvé à ce jour de street artist autochtone.

Féministe

Zola a commencé les collages il y a un peu moins d'un an. Mais elle a déjà participé à de l'art de rue engagé, comme le Yarn Bombing: les tricots graffitis.

«J'aimais beaucoup le tricot pour des raisons féministes, politiques, sociales. Mais ce n'est pas super pratique pour développer un discours plus complexe», estime-t-elle.

Prendre la parole dans l'espace public est l'un de ses dadas des dernières années. Elle-même est une grande fan du graffiti et du street art.

Rares sont pourtant les femmes à être présentes dans le monde de l'art de rue, à Montréal comme ailleurs. Zola reconnaît que la nature même du street art (qui se fait de nuit, en solitaire, dans des endroits peu passants) comporte un certain danger, tout particulièrement pour les femmes. Elle-même colle maintenant à tout moment de la journée.

«J'ai plus confiance le jour», dit-elle.

À l'heure où la valeur marchande du street art est plus forte que jamais, Zola veut rester une pure et dure. Elle affirme ainsi qu'elle n'a aucune intention de vendre un jour en galerie, ou ailleurs.

«C'est un phénomène super complexe, et ce n'est pas noir ou blanc. Mais je fais le choix de ne pas embarquer là-dedans», explique-t-elle.

Croit-elle que l'art de rue peut perdre de sa force, à cause de sa valeur marchande?

«La récupération est importante. Mais j'espère qu'on va garder ça authentique, par le contact avec la rue. C'est cette magie qu'il faut absolument garder», espère-t-elle.