Si les Allemands aiment toujours se prélasser nus sur les plages de France et d'Espagne, ils ne s'engagent plus dans des associations de naturisme. Sur les terres historiques du nudisme balnéaire, les clubs où l'on ne porte rien sont en déclin.

C'est un grand classique des (rares) beaux jours. Dès que le soleil pointe timidement son nez, l'Allemagne enlève illico slip à rayures et soutien-gorge en dentelle pour s'étaler, dans le plus simple appareil, sur tout ce que le pays compte de plages, bords de lacs et pelouses.

Le naturisme, qui prône un mode de vie en harmonie avec la nature et une nudité en commun dénuée d'érotisme, est autorisé à partir des années 20 en Allemagne.

Sous le régime communiste de RDA, il était même très en vogue: les Allemands de l'Est y trouvaient une forme de liberté qu'ils n'avaient pas dans bien d'autres domaines.

Pourtant, le FKK, comme disent les Allemands, acronyme de Frei Körper Kultur (la culture du corps libre), a connu des époques plus prospères.

«La société change», déplore Kurt Fischer, président de la Fédération des clubs de naturistes (DFK), auprès de l'AFP. Et ce septuagénaire énergique de compter ses bulletins d'adhésion: le nombre de membres des 145 associations naturistes allemandes diminue de 2% par an pour atteindre actuellement environ 40 000.

Les amateurs de bronzage intégral vieillissent: le plus gros contingent est désormais celui des 50-60 ans et les jeunes de moins de 25 ans se font rares. Un phénomène qui se constate aussi dans les villages naturistes, comme le Cap d'Agde en France où le public est souvent celui de la génération 68.

M. Fischer met en cause les changements radicaux dans le monde du travail. «Il y a 20 ans, tout le monde ou presque avait son week-end de libre. Maintenant dans quasiment tous les boulots, on doit être flexible», analyse-t-il. «C'est un problème pour les associations qui ont des structures, qui veulent rassembler des gens pour un événement, à un moment précis».

Car de la pétanque au tennis de table en passant par les séjours voile en Grèce, les clubs naturistes offrent en Allemagne toute une panoplie d'activités et de compétitions.

Mais l'offre de loisirs a explosé ces dernières décennies. «Les gens ne veulent plus s'engager. Un week-end je fais ci, un week-end je fais ça», poursuit le président de la DFK pour qui ce phénomène concerne toutes les associations de loisirs.

Les jeunes sont par ailleurs moins enclins que leurs parents à ôter bikinis et shorts. La génération issue de mai 68 a revendiqué sa liberté corporelle et envahi les espaces naturistes. Aujourd'hui les moins de 20 ans affirment leur identité par «la sape» qui détermine l'appartenance à un groupe. «Faire du skate, c'est tendance, mais faire du skate tout nu, ça non!», souligne M. Fischer.

Sur les plages, on constate aussi un recul du monokini, les jeunes femmes adoptant plus volontiers le bikini.

Les jeunes issus de l'immigration et de culture musulmane, où le corps dévêtu reste tabou, sont absolument imperméables au nudisme.

Si la pratique collective du naturisme recule, le naturisme individuel «non-engagé» qui consiste à se baigner nu dans les eaux frisquettes des lacs, se porte bien dans les pays germanophones, même s'il est difficile à quantifier puisqu'il s'agit d'une pratique individuelle.

«Ça fait partie d'un style de vie où l'on veut se rapprocher de la nature», explique Peter Zellmann, du Centre de recherche sur les loisirs et le tourisme, basé à Vienne. «On n'a plus besoin de s'engager dans une organisation structurée pour cela».

À Munich, capitale de la prude et catholique Bavière, le grand parc du centre (Englischer Garten) dispose d'un espace réservé aux naturistes. À la grande surprise, souvent, des touristes.

Quand l'été s'affale sur l'Europe, huit à douze millions d'Allemands s'adonnent encore au naturisme, selon le géographe Emmanuel Jaurand, auteur d'une étude comparative en France et en Allemagne.

Ils restent même les champions du monde de la baignade en tenue d'Adam, selon un rapport du site de voyage Expedia.

L'Allemagne connaît en effet une «nudité publique urbaine décomplexée et tranquille» et «détachée de toute connotation sexuelle», résume le Français Emmanuel Jaurand.

Et dans un pays où l'hiver, hommes et femmes adorent aller transpirer nus dans des saunas mixtes, le naturisme est ancré dans les moeurs et fait partie du mode de vie. Comme le pain noir charcuterie du soir et la Bundesliga du week-end.