Le bal de fin d'études? Très peu pour elles. Pas intéressées. La vérité, maintenant? Elles n'ont pas de robe. Pas de chaussures non plus. Leurs parents n'ont pas les moyens d'en faire des Cendrillon. Une enseignante et une ancienne élève d'une école défavorisée de Saint-Léonard ont décidé que ça ne se passerait pas comme cela.

Cela faisait quelque temps, déjà, que Linda Blouin, professeure de langue seconde à l'école Antoine-de-Saint-Exupéry, caressait le projet de constituer une garde-robe de princesse pour ses élèves défavorisées.

Jusque-là, cela se faisait à la petite semaine. «Quand j'entendais dire qu'une jeune n'avait pas de robe de bal, mes collègues et moi fouillions dans nos garde-robes, ou alors j'appelais mon frère pour lui demander un habit.»

Un jour, une des anciennes élèves de Mme Blouin, Geneviève Peel, est arrivée avec sa propre robe de bal et elle lui a dit: «On le lance, ce projet?»

C'était parti et le mot s'est vite passé. Une ancienne élève de Saint-Ex, aujourd'hui meneuse de claque chez les Alouettes, est arrivée avec un premier lot de robes données par ses consoeurs. Des enseignantes ont apporté les leurs, puis une propriétaire d'école de danse sociale a fait de même. Des employés de la Commission des lésions professionnelles ont à leur tour adopté le projet.

Très fières, les élèves se gardent bien de parler de leur pauvreté. Ce sont donc souvent des camarades qui demandent à Miss Linda de jouer les fées-marraines auprès de telle ou telle amie.

Pour tous les goûts

Cette année, la garde-robe de princesse de Mme Linda comptait 65 robes longues. De toutes les couleurs, pour tous les goûts et coutumes. Une enseignante musulmane a notamment prêté sa robe d'apparat traditionnelle.

«Il n'est pas rare, soit dit en passant, de voir des filles aller au bal avec une robe très chic et avec un col roulé par-dessus, signale Mme Linda. Les élèves ne s'en étonnent pas. Les différences culturelles, ici, font partie du quotidien.»

«Ça commence à ressembler à un magasin», fait pour sa part observer Geneviève Peel. Les filles peuvent de plus en plus trouver une robe qui correspond à leur style.»

Cette année, Julia*, qui n'avait pas les 300$ qu'elle jugeait nécessaires pour être bien mise, avait renoncé à aller au bal, d'autant que rien ne l'avait séduite dans la garde-robe de Mme Linda, à sa première visite. «Je cherchais une robe moulante, mais pas trop, et je ne voulais pas avoir l'air princesse. Je voulais une robe classique, en fait.»

À sa deuxième visite, la tenue de ses rêves s'était par bonheur ajoutée à la collection. «Je n'en reviens pas que quelqu'un ait donné une robe d'une telle valeur, dit Julia. J'ai vérifié sur l'internet et elle vaut 400$. Je vais être reconnaissante à Mme Linda pour le reste de ma vie. De savoir à la dernière minute que j'irai au bal, ça me donne encore plus de papillons!»

Mais que serait une robe de bal sans des chaussures et un sac à main à paillettes? La garde-robe en compte aussi, de même que quelques habits pour hommes (la fondation des anciens de l'école offrant, elle, les billets de bal aux plus démunis).

Discrétion absolue

Certes, la garde-robe, dans un local de fortune dans l'école, ne paie pas de mine. Ça ne sera jamais comme voir la robe de ses rêves dans la vitrine d'un grand magasin. Mme Blouin s'assure néanmoins de conserver les robes dans des enveloppes et de remettre chaussures et sacs à main dans des sacs de magasins prestigieux récoltés auprès de ses consoeurs.

La condition sine qua non pour pouvoir aller piger dans la garde-robe de Miss Linda? La discrétion absolue. «Quand elles repartent d'ici, les filles doivent oublier les robes qu'elles ont vues et ne jamais désigner celles qui ont trouvé leur robe dans cette garde-robe.»

Chaque tenue porte le nom de sa donatrice, à qui les élèves sont invitées à envoyer un mot de remerciement.

Une fois données, les robes appartiennent aux filles pour toujours. Ce sera leur robe à elle. Le stock de robes doit donc toujours être renouvelé, ce qui n'est pas facile, bon nombre de robes de soirées qui sont données étant tachées. «J'aimerais tellement qu'un nettoyeur à sec décide d'embarquer dans le projet!», lance Linda Blouin.

La robe de Julia, elle, est parfaite et elle n'entend pas la garder pour elle. «Je n'aurai pas vraiment d'occasions de la reporter et je veux donner à une autre élève la chance de la porter, l'an prochain. Elle est tellement tellement belle!»

*Prénom fictif