«Libérééééééée, délivréééééééée!» Vous ne vous en doutez sans doute pas, mais tandis que vos enfants chantent ce refrain en boucle (depuis des mois, faut-il le préciser), la dernière superproduction de Disney continue quant à elle de susciter de véritables débats enflammés sur le Net. Croyez-le ou non, mais la question fait rage: cet hymne à la liberté tiré du film La reine des neiges (Frozen) incarnerait-il en fait une subversive - oui, subversive - sortie du placard?

Une quoi? Une sortie du placard? Subversive, par-dessus le marché? Si, comme nous (et quelques intervenants du monde du cinéma d'animation québécois interrogés), vous avez vu (et revu) La reine des neiges (Frozen) en spectateur non averti, peut-être tombez-vous ici des nues. Pourtant, la question a littéralement fait le tour du monde, et même la très sérieuse BBC a fait le point récemment.

«Libérée, délivrée, je ne mentirai plus jamais, libérée, délivrée, c'est décidé, je m'en vais.»

Tout le débat aurait en fait commencé avec les commentaires d'une blogueuse mormone, Kathryn Skaggs (auteure d'A Well-Behaved Mormon Woman, apparemment plutôt influente, puisque ses propos ont été repris partout), qui aurait vu dans le film 108 minutes de pure propagande, pour «endoctriner les enfants». Sur les ondes d'une radio religieuse américaine, un pasteur dénommé Kevin Swanson, qui, aux dernières nouvelles, n'avait d'ailleurs même pas vu le film d'animation en question, en aurait rajouté, en comparant carrément l'oeuvre de Disney à celle du diable (!). «Est-ce que les gens réalisent seulement que ce beau petit film va endoctriner leur enfant de 5 ans, en dépeignant ainsi le lesbianisme, l'homosexualité ou même la bestialité avec autant de légèreté?»

Le lesbianisme? Oui, en effet, certains ont comparé les «pouvoirs» d'Elsa de tout transformer en glace à son identité sexuelle. D'où la chanson thème, libératrice, qui, sous cet angle, est effectivement une acceptation de soi (de ses pouvoirs ou, par extension, de son identité, sexuelle ou pas). La bestialité? De nouveau, certains ont vu dans l'amitié entre le renne et le personnage de Kristoff quelque chose de louche.

Propagande ou progressisme?

Ironiquement, ceux qui célèbrent le progressisme de Disney citent essentiellement les mêmes éléments (exception faite de la bestialité).

Ainsi, PolicyMic a vu dans La reine des neiges le film le plus progressiste de l'histoire de Disney (carrément), et la revue Atlantic a également consacré un article au progressisme de l'oeuvre de Disney («It's Not Just Frozen: Most Disney Movies Are Pro-Gay»), citant tour à tour La petite sirène, La belle et la bête, même Pocahontas et Mulan, des films qui mettent tous en scène des personnages «différents» qui finissent un jour par s'accepter. Les classiques ne seraient pas en reste, car les Dumbo et Pinocchio sont aussi clairement hors norme.

Du délire

Alors que penser? D'un côté, Marcel Jean, grand spécialiste du cinéma d'animation, voit du «délire de religieux américains monté en épingle». En revanche, ajoute le producteur, réalisateur et scénariste, « que les gens à la tête de Disney soient des libéraux, ce ne sera une surprise pour personne, dit-il. Les gens du cinéma ont toujours été plus libéraux que conservateurs».

De là à voir une ligne directrice dans l'ensemble de l'oeuvre de Disney, il y a toutefois un pas. «Vous savez, souligne-t-il, j'ai été professeur de cinéma pendant 28 ans, à décortiquer ainsi des films. On peut faire dire n'importe quoi à à peu près n'importe qui. Il faut relativiser tout ça.»

Ils ont aussi fait parler d'eux

• Bert et Ernie (Sesame Street)

• Barney

• Tinky Winky (Teletubbies)

• Les pingouins des Petits pieds du bonheur

• Bob l'éponge

• Woody et Buzz dans Histoire de jouets