À son arrivée à Cité des Prairies, Jason* se cogne la tête sur les murs. Il fait des cauchemars. Il ne se mêle pas aux autres.

À 16 ans, il craint plus que tout d'être envoyé dans une prison pour adultes. Il vient de tuer un inconnu lors d'un vol qui a mal tourné. En manque de crack, il avait besoin d'argent pour acheter sa prochaine dose. Il ne voulait pas lui faire de mal, mais la situation a dérapé.

Avant de se faire arrêter pour meurtre, il n'avait jamais eu affaire à la police. «Je ne comprenais rien. Dans ma tête, quand tu es jeune, tu ne te fais pas pogner, puis quand tu te fais pogner, ils te relâchent», nous raconte-t-il.

Un an plus tard, il plaide coupable à une accusation réduite d'homicide involontaire. Soulagement. Il pourra rester à «Cité», le centre jeunesse où aboutissent les délinquants les plus dangereux de Montréal.

Il sera condamné à y passer trois ans. Autant d'années où ses éducateurs lui montreront comment reprendre sa vie en main. Parce qu'au moment de son crime, tout va mal. Absolument tout. À l'école. Dans sa famille. Avec ses amis.

Libre depuis deux ans, Jason a accepté de raconter son histoire à La Presse. Il a remis les pieds à Cité des Prairies pour la première fois pour l'entrevue. En revoyant son ancienne éducatrice, il l'a serrée dans ses bras.

«Quand je suis arrivé ici après mon délit, j'étais sous le choc. Je n'écoutais personne. Je ne parlais à personne. Mon corps était là, mais ma tête était ailleurs», se souvient-il. Ça lui a pris six mois avant d'aborder quelqu'un dans son unité - son groupe de jeunes contrevenants.

Alors que Jason n'avait jamais été encadré de sa vie, il s'est retrouvé dans un environnement où tout est réglé au quart de tour. Ici, les déplacements sont limités. Les portes sont verrouillées.

Au début, l'ado était passif. «Je faisais le minimum jusqu'à ce que je me tanne de ne pas être bien. J'ai compris que j'avais un problème», raconte-t-il.

Il s'est mis à s'impliquer dans les activités du centre au point où à la fin de sa peine, c'est lui qui faisait faire la visite des lieux aux nouveaux éducateurs.

«Ici, je n'avais pas le temps de me pogner le cul. J'allais à l'école, je suivais des ateliers, on faisait des sports d'équipe», dit-il, quasi nostalgique.

Il trouve cela dur de s'adapter à la vie hors des murs de «Cité». Quand il prend l'autobus, il a l'impression que tout le monde le dévisage comme s'il avait le mot «assassin» écrit à l'encre indélébile sur le front.

Grand consommateur de drogues au moment de son crime, il admet avoir eu des «faiblesses» depuis sa sortie du centre jeunesse.

«La rechute fait partie de la réadaptation», nous explique son ancienne éducatrice. L'idée, c'est qu'il ne commette plus de crime violent. Dans leur jargon, les éducateurs parlent de l'approche de «réduction des méfaits».

Sa mère, chez qui il vit, lui rappelle continuellement son crime. «C'est hard. Chaque fois que je sors tard le soir, elle me dit: n'oublie pas ce que tu as fait, ne fais pas le cave.»

Il n'a pas besoin de sa mère pour le lui rappeler. «Jouer au tough pour plaire aux autres m'a fait faire une grosse connerie. J'ai encore de la misère à me regarder dans le miroir; à ne pas me trouver lâche.»

Au centre jeunesse, Jason a appris à ne plus se mentir à lui-même. Et à exprimer ce qu'il ressent. Même si la vérité est parfois crue. «Je ne pense pas pouvoir me pardonner un jour, mais je ne peux pas vivre dans le passé. Sinon, je ne réussirai pas à avancer.»

Jason occupe un petit boulot qui ne le rend pas heureux. Il souhaite terminer son secondaire et devenir mécanicien.

Le jeune homme mesure sa chance de ne pas avoir écopé une longue peine à purger parmi les criminels endurcis. «J'aurais servi de viande fraîche, croit-il. Je me serais suicidé ou je me serais endurci.»

* Nom fictif pour respecter la loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.