Il y a quelques années, deux ou trois, Véronique Cloutier nous a présenté, sur Twitter, une jeune fille dans la vingtaine qui n'aimait pas dire son âge. Elle était une grande fan de Véro, lui avait écrit, raconté son histoire et espérait, dans ses rêves les plus fous, pouvoir la rencontrer un jour. Elle ne pouvait se déplacer. Elle souffrait de la myopathie musculaire. Une maladie des muscles qui t'empêche de bouger, de respirer... tout ce qui se fait avec les muscles. Véro a été touchée par son histoire. Elle est allée la visiter et a été séduite, conquise par Amélie.

C'est l'histoire d'une jeune fille comme beaucoup de jeunes filles de son âge. Brillante, drôle, vive, allumée, rock and roll, folle des artistes et des chanteurs. La différence, c'est qu'Amélie était clouée au lit depuis six ans, avec un appareil respiratoire branché dans son nez et entourée d'autres tuyaux qui la gardaient en vie.

Elle a commencé à apparaître sur Twitter avec sa photo. Tout de suite, on a été intrigué par cette jeune fille pas ordinaire. Elle avait beaucoup d'assurance et nous menaçait presque de nous occuper d'elle, de lui répondre vite, car elle voulait atteindre 10 000 personnes. Bon, d'accord! Pas de temps à perdre! Objectif largement dépassé: nous étions près de 30 000 abonnés à la suivre il y a quelques jours.

On commençait à douter de la véracité de son histoire et si Véro n'était pas venue mettre son imprimatur sur cette Amélie, on serait peut-être passé à côté d'un cadeau céleste. Ça fait cucul, mais il y avait un peu de cela en elle. Il y avait aussi ses tatouages, ses p'tits verres de vodka les soirs de fête, ses t-shirts à la mode, ses incroyables ongles multicolores manucurés par ses amies branchées et professionnelles. 

La photo de ses idoles sur les murs de sa chambre, la grosse TV que lui avait donnée Véro, son BlackBerry avec clavier, plus facile pour écrire toute la journée sur Twitter. Branchée sur le monde qu'elle était, notre Amélie, et pas à peu près! Elle avait vite compris que communiquer la garderait en vie plus longtemps. En se réveillant, elle nous souhaitait une «Bonne journée, gang!», nous avertissait, quand elle avait de la visite, que ce n'était pas nécessaire de lui écrire, qu'elle ne pourrait nous répondre avant telle heure. Elle commentait l'actualité et les émissions de télé et sa cour grandissait, des plus beaux aux plus célèbres lui répondaient. Peu résistaient à son charme. Elle avait le sens de la famille élargie. Véro était sa mère, Patrick Huard, son père, elle avait des fées-marraines... des filleuls, des amis adorés, des amours de par le monde. 

Elle était pas barrée! Sa mère Johanne, sa merveilleuse maman, s'occupait d'elle depuis toujours. «C'est ma fille, c'est normal.» Le père était absent. Elle travaillait pour une compagnie d'assurances trois jours par semaine, voyageait pour se rendre en ville, ne se plaignait jamais. Une femme douce et bonne. Une aidante, tu dis? Vous vous imaginez l'organisation qu'il y avait autour d'elle? Tout se faisait dans la joie et la bonne humeur. Un monde de femmes courageuses: Roseline sa préposée, sa cousine Alexe et ses amies d'enfance. Ses nouvelles amies ont fait un film sur elle, lui ont organisé un gros party de fête où chacun chacune venaient l'embrasser. 

Le courage! Chaque instant de la vie d'Amélie était fait de courage et de fierté. La vie était à vivre avec le sourire, et valait mieux aimer que chialer. Alors, notre petite twitteuse distribuait de l'amour du matin au soir à qui en avait besoin. Des coeurs et des je t'aime pleuvaient sur les réseaux sociaux.

Depuis quelques jours, elle se plaignait de maux de tête, elle ne dormait pas bien. Dimanche soir dernier, elle était heureuse d'écouter son émission préférée, La voix. 

Elle a fait sa déclaration d'amour à Éric Lapointe sur Twitter: «Je suis vraiment ta plus grande fan #LaVoix. Tu es mon chanteur préféré et mon coach préféré. C'était super quand tu as chanté à la fin. Xx Je t'adore. Xx» Au début de l'après-midi, la machine respiratoire a sonné. Sa mère est accourue tout de suite. Les lèvres d'Amélie étaient bleues, deux petites rangées de myosotis. Qui ne frissonnaient même plus. À jamais immobiles. Le myocarde, le muscle du coeur, s'était arrêté.

Amélie, je l'appelais «ma p'tite sainte». J'exagérais. Les saintes ne rêvent pas à Éric Lapointe!

Retrouvez Louise Latraverse chaque samedi, dès le 1er février, dans Pause week-end.