À l'école, ce sont les pires des pires. Drogue, vandalisme, batailles, intimidation, accès de colère, absences répétées: leur dossier est lourd.

À l'école, ce sont les pires des pires. Drogue, vandalisme, batailles, intimidation, accès de colère, absences répétées: leur dossier est lourd.

À eux seuls, ils retiennent près de 75 % de l'attention de leurs enseignants et tirent presque autant de jus aux membres de la direction. Le cauchemar dans une classe.

Il y a Fred, qui a mis le feu dans le vestiaire du gymnase et qui ne se gêne pas pour aller à ses cours ivre. Cédric, le colérique. Jayson, suspendu durant des mois l'an dernier; de son propre aveu, il «pogne les nerfs» ou sort les poings dès qu'on le contredit. Il y a Nickolas qui, à 14 ans, fume plusieurs joints par jour. Et Vicky, qui fait l'école buissonnière chaque semaine et clame «faire des chars et des maisons».

Ces adolescents de première et deuxième secondaire sont à la croisée des chemins ; à un moment charnière de leur jeune existence. Ils ont besoin d'aide et ils le savent.

Leur comportement est si extrême que leurs enseignants sont souvent incapables de les gérer. «Quand un prof me dit quoi faire, j'ai envie de lui pitcher quelque chose dans la face», confie Fred.

Leurs parents, lorsqu'ils s'en occupent, sont tout aussi dépassés. Même le policier communautaire du quartier les connaît par leur prénom.

Dans un ultime effort pour les rattraper à temps et les empêcher de décrocher, la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys a mis sur pied un projet pilote audacieux encore jamais tenté au secondaire.

Une approche inusitée

Le but: réunir les jeunes les plus hypothéqués de l'une des écoles les plus défavorisées de la province, l'école Monseigneur-Richard de Verdun, afin de leur fournir l'aide que le cadre scolaire n'arrivait plus à leur offrir. «Des jeunes dont l'entourage se trouvait à bout de ressources et dont le milieu a peu de moyens pour les aider», explique le directeur général de la Commission scolaire, Yves Sylvain.

Le plan: la thérapie par l'aventure. Une approche inusitée pour ces adolescents qui n'étaient pratiquement jamais sortis de l'île de Montréal.

«Ils nous ont été référés par la direction parce qu'ils ont des problèmes à l'école. Des problèmes académiques, de comportement et de motivation. Mais ils souffrent avant tout de difficultés familiales, émotionnelles et dans leurs relations; des difficultés à régler leurs conflits, un manque d'estime de soi», explique Ariane L'Heureux-Letendre, psychoéducatrice et psychothérapeute à la Maison des parents du Québec, qui a été chargée du projet. «Les procédures normales comme les suspensions ou les retenues ne fonctionnaient pas avec eux», dit-elle.

Pour son collègue Jean-Pierre Deschênes et elle, la mission était colossale. Il fallait convaincre ces adolescents frustrés, méfiants, démotivés et rebelles de participer chaque semaine à des rencontres de groupe, des suivis familiaux, des thérapies individuelles, des sorties, des collectes de fonds et des projets spéciaux. Le tout, souvent contre leur gré.

Puis, à la fin de l'année, l'électrochoc. Un voyage de deux semaines au Mexique pour les secouer au maximum. Un voyage qui s'est avéré de véritables montagnes russes d'émotions, d'incidents, de réussites et de découvertes tous plus intenses les uns que les autres.

Pour les intervenants, ce fut une lutte sans fin. Ils se sont battus toute l'année pour motiver et intéresser leurs protégés, souvent sans succès. Lorsque ce n'était pas contre les ados qu'ils se battaient, c'était contre leurs parents ou leur entourage.

«Les parents des jeunes qui nous accompagnent ont eux aussi des besoins et des difficultés. Ça part des familles», note Jean-Pierre Deschênes. «Ces parents n'ont eux-mêmes pas eu un parcours scolaire facile, ajoute Yves Sylvain. Ils sont méfiants. C'est pour ça qu'on voulait aller sur leur terrain pour créer des alliances avec eux.»

Certaines recrues ont abandonné en cours de route. D'autres ont saboté la chance qu'on leur offrait et se sont vu montrer la porte. De ceux qui sont restés jusqu'au bout, quelques-uns n'ont pu être sauvés. Les autres ont eu plus de succès et ont «compris qu'ils devaient arrêter de faire des conneries», pour reprendre les mots de l'un d'entre eux. Selon la commission scolaire, le taux d'absentéisme chez les élèves ciblés par le programme aurait d'ailleurs diminué.

La Presse a accompagné ces jeunes et leurs intervenants durant toute l'année scolaire 2012-2013. On les a suivis en images à l'école, en thérapie, chez eux et au Mexique. Ils n'ont rien censuré. Ni leurs échecs, ni leurs peines, ni leurs frustrations.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Le groupe visite la pyramide de Coba.

LA THÉRAPIE PAR L'AVENTURE

Le but avoué de la thérapie par l'aventure est de déstabiliser ceux qui la suivent. On les retire de leur milieu afin de leur faire vivre une expérience de groupe qui fait ressortir leurs difficultés. Le voyage n'est en fait qu'un prétexte pour provoquer des crises et pour confronter les jeunes participants, pour ensuite revenir sur les incidents et les sautes d'humeur de façon thérapeutique et encadrée.

L'aventure permet également aux jeunes de se dépasser et de réussir un défi. C'est un projet de longue haleine qui demande des efforts, de la planification et de l'organisation durant les mois qui précèdent le voyage, ce qui constitue en soi une difficulté pour les participants.