On a cru pendant longtemps que le crêpage de chignons et la rivalité féminine étaient choses fréquentes, pour ne pas dire inévitables. Or, de plus en plus de voix s'élèvent pour clamer qu'au contraire, la solidarité au féminin fait école, avec dans son sillage une poussée du mentorat et de l'entraide. Regard sur un stéréotype de moins en moins fondé.

Que ressentez-vous lorsque vous voyez passer une belle femme aux mensurations parfaites? Vous êtes envieuse? Et si votre conjoint se retourne? Cette femme deviendra peut-être une rivale. Vous serez peut-être jalouse. Ou alors, plus réaliste, vous vous direz simplement que la beauté est injuste dans une société fondée sur les apparences. 

«C'est humain! Nous ne sommes pas des anges!», s'exclame Lori Saint-Martin, professeure en études littéraires à l'UQAM et attachée de l'Institut de recherche et d'études féministes (IREF). Elle explique que dans une société où les ressources sont limitées, les êtres humains sont tous en rivalité entre eux.  

«On tient pour acquis, à tort, que les femmes sont rivales. C'est un stéréotype culturel très ancré. À cause de la domination masculine, il y avait une volonté de diviser les femmes pour les empêcher de former un groupe et de revendiquer des droits. Il y a aussi le fait qu'historiquement, quand la seule façon d'avoir une bonne situation était de trouver un bon mari, les femmes étaient rivales, car elles voulaient toutes avoir le mari le plus riche, le plus beau et le plus apte à leur offrir une bonne vie. Oui, de ce point de vue, elles étaient rivales», dit-elle. Elle ajoute que même à cette époque, la solidarité entre femmes existait. «L'amitié entre les femmes a toujours existé et c'est une forme de solidarité. On le voit à travers les romans où les amitiés sont très fortes au Québec comme ailleurs. Dans Le survenant de Germaine Guèvremont, par exemple, ou dans les romans de Jane Austen. »

Elle déplore le fait qu'on ne se pose que rarement la question au sujet des hommes. «C'est très significatif. On a voulu cantonner les femmes dans la discorde. Pourquoi le mot ‟compétition" pour les hommes et ‟rivalité" pour les femmes? On veut faire mal paraître les rapports des femmes entre elles», estime Lori Saint-Martin. 

Elle rappelle que le mouvement féministe, à partir des années 60, est fondé sur la notion même de solidarité. «Dans la pensée féministe, il y a une pensée critique sur le fait qu'on a toujours voulu opposer les femmes alors que le mouvement féministe continue à créer des alliances pour combattre l'injustice ensemble», explique Mme Saint-Martin. 

Le cas Éric et Lola

La Française Florence Haxel, 35 ans, a fondé il y a un peu plus d'un an le site mesbonnescopines.com, premier réseau d'entraide collectif au féminin. On y échange des conseils et on se donne des coups de pouce entre les 26 000 membres qui deviennent de «bonnes copines». Depuis un an, c'est 11 000 services qui ont été rendus, que ce soit du covoiturage, du troc d'objets, des manucures, de l'hébergement. Cette mère de deux enfants de 4 et 6 ans a eu l'idée d'étendre les services rendus entre voisines, copines ou mères d'école. «J'ai eu envie de créer un grand réseau d'entraide entre femmes pour nous faciliter la vie. Les femmes sont bienveillantes et nous avons cette capacité d'oser demander de l'aide, contrairement aux hommes. C'est une solidarité qui fait du bien, car nous offrons chacune notre savoir-faire. On a toutes quelque chose à partager et à donner.» Le site, c'est 75% d'offres de coups de pouce pour 25% de demandes de services (le tout gratuitement, évidemment). «C'est un vrai plaisir de donner et de proposer un service.» Depuis un an, Florence a hébergé une «bonne copine» une nuit chez elle, en a entraîné une autre pour la préparer à un entretien d'embauche et a offert un ensemble pour bébé (dont elle ne se servait plus) à une nouvelle mère.

Les femmes rivales? «Poser la question, c'est y répondre!», s'exclame Anne-France Goldwater, avocate. Quand elle a défendu Lola dans l'affaire Éric et Lola, elle est tombée de haut. «Une honte. Voilà la preuve qu'il n'y a pas de sentiment de sororité entre femmes comme il existe une solidarité entre hommes. Encore aujourd'hui, je n'ai toujours pas compris la réaction des femmes à l'égard de Lola. Ça me dépasse. Les femmes étaient-elles jalouses parce qu'elle fréquentait un milliardaire? Parce qu'elle demandait une pension? Les femmes ne veulent-elles pas aider les femmes dans le besoin? Vous savez, les relations entre êtres humains devraient être enseignées à l'université... vu le taux de divorce», dit-elle.