Des femmes qui veulent rester au foyer, des couples qui se privent d'enfants par peur du lendemain, des étudiants et travailleurs qui ont peur de s'expatrier: la jeunesse japonaise est plus que jamais frileuse selon une vaste étude officielle.

À la question «voulez-vous devenir femme au foyer?», une jeune Japonaise célibataire sur trois répond: «je crois bien en effet» ou «tant qu'à faire oui», selon cette enquête sur l'état d'esprit de la jeunesse nippone, réalisée auprès de 3133 Japonais de 15 à 39 ans et publiée récemment par le ministère de la Santé

Les hommes souhaitent davantage que leur future épouse ait une activité professionnelle, mais c'est d'abord pour des raisons économiques. Le salaire du mari, surtout en début de carrière, n'est en effet plus toujours jugé suffisant pour faire vivre une maisonnée.

Reste que pour 45% des Japonais de 15 à 39 ans, c'est surtout aux femmes de s'occuper de la progéniture et du foyer. Et tant pis pour leur carrière jugent-ils à plus de 60%.

«Les femmes ont bien d'autres choses à faire que travailler à l'extérieur, comme les tâches domestiques et l'éducation des enfants», jugent 61% des personnes sondées.

Et 29% arguent que «le rôle d'une épouse est de soutenir son mari pour qu'il puisse travailler sérieusement». Ensuite, pour 18% «le salaire du mari est censé suffire».

Cette étude prouve une fois encore que le schéma «femme à la maison, homme à l'extérieur» reste assez fort, dans la gent féminine du moins.

Même si le Fonds monétaire international (FMI) et le gouvernement japonais pensent que l'économie du Japon ne pourra s'améliorer durablement que si le taux d'activité des femmes augmente, les jeunes filles pour leur part restent souvent persuadées que le travail à l'extérieur n'est pas un lieu d'épanouissement.

Le fait est que les entreprises ont tendance à les cantonner à des tâches subalternes donc décourageantes. Seules celles qui sont extrêmement motivées parviennent à prendre des postes d'encadrement.

Las, ces dernières ont aussi tendance à quitter leur emploi à la naissance d'un enfant et à abandonner alors l'idée de faire carrière, du fait de la pression sociale sur les mères et du manque d'infrastructures d'accueil des tout-petits.

Crise démographique

Même si les données internationales montrent qu'il est possible de conjuguer taux d'activité et indice de fécondité élevée, le Japon continue d'être à la traîne sur les deux plans.

De fait, il traverse une crise démographique qui se traduit par une proportion de personnes de plus de 65 deux fois supérieure à celle des moins de 15 ans.

Ce vieillissement accéléré est la première raison pour laquelle l'avenir du Japon est considéré comme sombre par quelque 80% des personnes interrogées, lesquelles s'inquiètent de l'explosion des dépenses de santé, de la charge qui va peser sur les actifs et de la chute générale du niveau de vie qui risque d'en résulter.

Une majorité a certes beau penser que la présence d'enfants embellit la vie, il n'est pas rare que des couples n'aient pas de descendants ou décident d'en avoir moins qu'ils souhaitaient, essentiellement pour des raisons économiques.

Nombre de Japonaises avouent aussi avoir du mal à tomber enceintes une deuxième ou troisième fois. Cette difficulté peut s'expliquer par une activité sexuelle réduite de beaucoup de couples après le premier enfant, ainsi que par la baisse de fécondité due à l'âge et aux mariages de plus en plus tardifs.

Même si l'avenir du Japon est selon eux sombre, les jeunes se contentent de leur sort actuel «plutôt satisfaisant» et ne sont pas outre mesure enthousiastes à l'idée de partir travailler à l'étranger.

Un quart seulement environ se disent prêts à tenter l'aventure, une proportion deux fois inférieure à celle des jeunes Français (selon une enquête Vivavoice). Ce manque d'entrain pour l'étranger inquiète certains patrons, dont celui d'Uniqlo, Tadashi Yanai, qui déplore que l'expérience hors du Japon ne soit pas assez valorisée comme un atout professionnel.